Anna Gavalda : La projection du moi dans la société

Type de document : Original Article

Auteurs

1 Professeur de la langue et la littérature françaises à l’université de Tabriz, Tabriz, Iran

2 Professor of French Language and Literature, Faculty of Persian Literature and Foreign Languages, University of Tabriz, Tabriz, Iran

3 PhD Candidate of French Language and Literature, Faculty of Persian Literature and Foreign Languages, University of Tabriz, Tabriz, Iran

Résumé

Chaque société est le produit d’un ensemble de moi, à cet égard, l’interaction entre ces moi avec la société est très importante. Anna Gavalda, cette femme écrivaine contemporaine, en tant qu’élément de cet ensemble hétérogène, peut se refléter parfois consciemment parfois inconsciemment dans ses œuvres. Son art réside dans son regard global et minutieux en tant que témoin privilégiée de notre époque qui essaie de nous ramener au réel, à la vérité et à la lucidité.
Dans cette recherche, en pratiquant des théories sociologiques, nous allons découvrir au premier pas, comment Anna Gavalda met en scène les réalités sociales, le pouvoir dysphorique de l’argent ainsi que l’esclavagisme moderne à travers ses œuvres, par exemple, Je l’aimais, Ensemble, c’est tout et Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part ? Après, en recourant à quels procédés linguistiques, Anna Gavalda cherche-t-elle les particularités de son moi ? Et finalement, à l’aide des approches psychosociales de Gustave-Nicolas Fischer, quelles sont les interactions entre le moi et la société en jetant un coup d’œil sur des alternatives de société et de langage à l’aide de la deixis sociale et de l’oralité ? Alors, le moi et la société peuvent s’entremêler et celle-ci peut changer les caractères du moi. A cet égard, il est parfois en prise avec sa société dont il n’arrive pas à comprendre certains détails.
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Mots clés

Sujets principaux


Introduction

L’œuvre et la société sont deux pôles idéaux pour connaître le moi de l’homme, parce que la première explore toujours la seconde. On saisit le réel tel qu’il se manifeste par l’auteure et qui explore toutes les strates de la vie sociale. A partir de ses œuvres, Anna Gavalda consacre explicitement ou implicitement une place prépondérante à la société contemporaine. A cela s’ajoute que l’individu contemporain est le produit d’une infrastructure sociale marquée par les contradictions. Gavalda en parle ainsi : « Ces heures gâchées dans les transports en commun, ces grèves, ces exigences, ces négociations perdues d’avances, ces jours fériés qui tombent un dimanche, cette misère du monde qui nous bouleverse et ce mendiant qui nous gave » (Gavalda, 2010 : 13).

A cet égard, les implications sociales qui sont clairement indiquées, construisent les obsessions mentales de l’auteure. Nous savons que l’œuvre est un modèle réduit et condensé du monde social. De ce point de vue, les romans d’apprentissage[1] (Perrel, 2010 : 13) gavaldiens peuvent nous orienter vers les nouveaux chemins, en focalisant sur l’évolution et le mûrissement des pensées et des compétences. Gavalda met le doigt sur la forme romanesque comme un signe qui reflète une société ouverte ou une époque.

A travers cette recherche, nous avons l’intention de découvrir les réalités sociales contemporaines au regard d’Anna Gavalda, en tant qu’auteure engagée au sein de la quotidienneté. En pratiquant des théories sociologiques, nous allons découvrir au premier pas, comment Anna Gavalda met en scène les réalités sociales, le pouvoir dysphorique de l’argent ainsi que l’esclavagisme moderne à travers ses œuvres, par exemple, Je l’aimais, Ensemble, c’est tout et Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part ? Nous savons tous que le pouvoir dysphorique de l’argent accorde la priorité aux valeurs quantitatives des choses. En outre, l’approche romanesque gavaldienne se réside également dans le fait de l’esclavagisme moderne comme modèle dominant de la société contemporaine. Au deuxième stade, en recourant à quels procédés linguistiques, Anna Gavalda cherche-t-elle les particularités de son moi ? Nous allons illustrer la présence de l’auteure parfois consciente parfois inconsciente à travers le clivage et les approches monologiques. Par ailleurs, notre auteure est devenue un phénomène social. Et finalement, à l’aide des approches psychosociales de Gustave-Nicolas Fischer,  quelles sont les interactions entre le moi et la société en jetant un coup d’œil sur des alternatives de société et de langage à l’aide de la deixis sociale et de l’oralité ? Et nous allons souligner les liens qui enchaînent le moi et la société l’un à l’autre, tout en basant notre approche sur la psychologie sociale de Fischer. Selon cette théorie, les registres langagiers comme la deixis sociale et l’oralité se trouvent abondamment dans l’ensemble de l’œuvre gavaldienne.

 

Les réalités sociales chez Gavalda

Ce qui est, de notre point de vue, surtout notable, c’est que l’être doit toujours vivre au cœur de la société. Les réalités sociales font partie de la vie humaine auxquelles notre écrivaine recourt, quand elle parle de l’homme. La vie quotidienne immerge dans une réalité objective où chacun prend un sens d’une manière subjective grâce à sa capacité. On tente d’avancer pas à pas dans l’éclaircissement de ces problèmes qui nous entourent quotidiennement.

La trajectoire personnelle s’est inscrite dans les mutations familiales des personnages qui nous évoquent la complexité du drame personnel. Gavalda nous dessine non seulement l’intériorité mais aussi la société qui est reflétée sous forme d’un réalisme direct. Un monde coloré qui cherche une unité exceptionnelle, comme Freud a bien expliqué en utilisant cet « effet de double » (Assoun, 1996 : 6). L’œuvre littéraire a une relation étroite avec les faits sociaux, en s’intéressant à la vie sociale et en les peignant sous différents aspects. Gavalda a bien mis en scène des mœurs, des groupes sociaux, des institutions comme la famille, l’école et la mobilité sociale. De ce point de vue, les questions sociales ont été bien entrelacées avec les trames de l’histoire, Gavalda a bien critiqué l’injustice dans la société contemporaine à laquelle l’homme est confronté. Elle l’explique ainsi : « Un jour, je me souviens, on parlait de ton boulot et tu m’avais dit : Rendre la justice, c’est impossible, parce que la justice, ça n’existait pas. Mais par contre, l’injustice, oui. L’injustice, c’est facile à combattre parce que ça vous saute à la figure et alors tout devient limpide» (Gavalda, 2002 : 33).

Nous ajoutons cette idée philosophique selon laquelle, le seul vrai mal absolu qui est démesuré, c’est l’injustice. A cet égard, Spinoza et Rousseau en parlent ainsi : « Il n’y a pas de bonheur au sein d’une société où règne l’injustice. La justice est un équilibre fragile à maintenir entre des individus différents, aux désirs et aux intérêts différents» (Collin, Jimenez et Piettre, 2021 : 94). Beaucoup de problèmes sociaux résultent de conduites qui apportent des avantages égocentriques à court terme et qui sont dommages pour d’autres individus. Comme nous avons bien constaté, le travail dans la société est difficile pour une femme, Gavalda l’a bien décrit : « Dans le cadre de son boulot, elle a beaucoup de problèmes embêtants à régler et des décisions à prendre toutes les deux minutes. Elle les prend» (Gavalda, 1999 : 25). Notre auteure met le doigt sur l’incompatibilité des rapports sociaux avec des rapports humains. L’atmosphère très lourde du domaine du travail nous suggère le mécontentement de cette travailleuse. De plus, Zima dit que « cette crise du travail  peut provoquer des tensions, engendrer des frustrations et provoquer l’agressivité au sein de certains groupes» (Zima, 1985 : 20). Les liaisons dans lesquelles la femme traite en objet sur le plan de l’érotisme lui rappellent son existence précaire et sa frustration intérieure.

Comme nous venons de le signaler, Gavalda a bien choisi des espaces référentiels réels pour s’ancrer dans la réalité et pour nous donner l’illusion de la réalité. Tout le monde connaît Paris, la Tour Eiffel, la Seine, ces lieux connus et symboliques qui donnent une authenticité exacte aux événements personnels et qui renvoient à la société. Comme Gavalda l’approuve bien, on voit tout le temps les gens qui veulent se débarrasser de la quotidienneté dans les cafés. Anna Gavalda fait le procès de toute une époque et de toute une société quantitative. L’intensité et l’efficacité de ces paroles font une peinture bien négative et réelle de la société.

Ainsi que l’on vient de le constater, l’argent peut changer la façon des relations interfamiliales, et les valeurs qualitatives ont été remplacées par les valeurs quantitatives. A cet égard, il est toujours présent comme un pôle puissant dans la vie des gens. Pour accéder à l’ascension sociale, c’est inévitable d’avoir assez d’argent, c’est le sujet le plus critiqué par la majorité des écrivains, particulièrement par Gavalda.

 

L’argent : puissance dysphorique dans Ensemble, c’est tout

La question économique et particulièrement l’argent donnent l’objet à de nombreuses œuvres, comme matrice au cœur des sociétés contemporaines. La transformation des valeurs humaines a imposé un remplacement par des valeurs lucratives attachées à l’argent. « Il apparaît comme moteur de l’action, repli des sentiments dans le registre trivial de la vie quotidienne» (Murielle et Wesemael, 2008 : 72). Notre auteure critique bien la société chosifiée par la présence de l’argent. Elle en parle ainsi : « De l’argent. Pas le clinquant de l’argent mais l’odeur de l’argent. Des décolletés, des peaux laiteuses, des colliers des perles, des cigarettes ultra-légères et des rires nerveux» (Gavalda, 1999 : 91). Soulignons que les objets font partie de la réalité extérieure tout en déterminant la classe des personnages.

Par cette idée, Marx a bouleversé le sens du matérialisme. La primauté est accordée à l’individu vivant. L’argent forme l’infrastructure de la société actuelle. Gavalda parle ainsi de l’avenue Montaigne : « Elle détestait ce quartier où l’argent proposait ce qu’il avait de moins amusant à offrir : le mauvais goût, le pouvoir et l’arrogance» (Gavalda, 2005 : 64). Elle l’approuve bien : « Les dictateurs, c’est souvent la première chose qu’ils font : casser les lunettes, brûler les livres ou interdire les concerts, ça leur coûte pas cher et ça peut leur éviter bien des contrariés par la suite…» (Gavalda, 2005 : 78).  

Nous ajoutons que dans cette situation de l’emprise de l’Etat, toute l’activité humaine se transforme en marchandise et « Celle-ci apparaît comme une chose qui lui est extérieur, qu’il peut mettre dans le circuit de l’échange… » (Collin, 2006 : 103). Nous constatons bien par quelle manière les personnages se retrouvent privés de leurs passés, de leurs présents et de leurs avenirs. Gavalda veut corriger une situation désagréable dont elle souffre. C’est la puissance dysphorique de l’argent qui l’a déçue et qui écrase tout. Dans la société marchande, l’argent est la marque de l’identité et le statut social des gens. Nous prenons en considération cette idée de Dagognet quand il en parle : « Celui-là est un objet qui ne ressemble à aucun des autres, le plus singulier, le plus universel aussi, l’argent, à la fois objet et non-objet» (Dagognet, 2011 : 14). Gavalda tend à retracer également comment l’argent fait fonctionner les sociétés à la place de l’amour. Alors Gavalda a bien essayé de traiter le problème d’argent et la précarité de la vie pour les gens appartenant aux classes inférieures de la société, elle dit à ce propos : « La vie était aussi injuste avec ça qu’avec le reste, que les gens qui sont nés avec plus de talents que les autres ont plus de chances que les autres. Que c’était dégueulasse, mais que c’était comme ça : qu’on ne prêtait qu’aux riches » (Gavalda, 2005 : 91).

Dans une situation financière qui est marquée par le manque d’argent, les gens ne peuvent pas avoir une vie sociale régulière ou se faire des amis et les garder jusqu’au bout. Une nuit où il fait trop froid, Philibert a murmuré. Il s’est plaint du temps difficile à supporter par les pauvres. Gavalda en parle aussi : «…Voici venir l’hiver, tueur des pauvres gens…et il ne pouvait s’empêcher de penser à ce petit bout de femme là-haut. Dormait-elle, elle ? Il devait faire quelque chose. Il ne pouvait pas la laisser comme ça» (Gavalda, 2005 : 91).

Selon Gavalda, les pauvres sont obligés de vivre dans une situation de pénurie sans acquérir des moyens ou se procurer des facilités ou des commodités de la vie. Notre auteure a bien dessiné l’homme dans son intégralité qui pourrait être en prise avec son statut social. L’esclavagisme moderne décrit la situation où les personnes sont contraintes de servir mais privées de leurs droits dans une société de marché marquée par les dérèglements intérieurs et par les platitudes. 

 

L’esclavagisme moderne : une approche romanesque gavaldienne

Nous savons que la négation de la possibilité advient lorsque l’individu est considéré comme un outil, un instrument, une chose ou un objet. Lorsque son identité est réduite et l’investissement subjectif a été nié par les autres, à cet égard, le servage et l’esclavage sont comme des formes d’aliénation. C’est indispensable que l’homme oublie ses histoires, son origine, sa culture, jusqu’à son futur, « parce que, comme les animaux, nous étions réduits au moment présent» (Levi, 1989 : 74). Quand une personne sent l’humiliation et qu’elle n’a pas même de famille, selon Gavalda : « [elle] émerge  dans un centre de… de déchets humains. Non, je suis con. Dans un centre de vie, c’est comme ça qu’il faut dire… » (Gavalda, 2005 : 126). Dans cette situation, le regard du sujet sur lui-même est tout à fait réductible.

Donc comment ses personnages ont perdu le pouvoir de parler même dans leurs familles ; ils sont conscients de la vacuité de leurs vies et de leurs impuissances. Il est à noter que, selon Vincent de Gaulejac : « Pour lutter contre le désenchantement et la désillusion, le sujet hypermoderne se construit dans un bricolage et un assemblage plus ou moins hétéroclite d’un système de valeurs qui lui est propre » (Gaulejac, 2009 : 16).

Ainsi que Gaulejac le souligne, le droit de parler est l’un des facteurs importants par lequel l’homme met en valeur sa propre spécificité d’être au monde. L’impuissance de s’exposer au sein de la société, rend la vie insupportable. Par conséquent, la première exploitation de la femme a été faite par l’homme qui passe par une fausse division du travail. Gavalda met le doigt sur ce problème et elle en parle ainsi : « C’tait toujours mon âge. Les gens voulaient bien m’exploiter, mais ils ne pouvaient pas m’embaucher» (Gavalda, 2005 : 72). Cette idée de la désappropriation et de l’inégalité sociales obsèdent tout le temps l’auteure, elle en dit : « Tu disais que la vie était plus loyale avec les femmes. La vie, peut-être, mais la société, non» (Gavalda, 2005 : 30). La femme est devenue esclave du plaisir de l’homme et le simple objet de l’oppression masculine. Chaque individu cherche à conquérir une autonomie nécessaire pour se défendre. Dans l’œuvre gavaldienne, nous sommes témoins des femmes subordonnées qui se situent selon une hiérarchie plus inférieure que l’homme. Ici, elles nous évoquent le deuxième sexe exprimé par Beauvoir. Comme Camille, en tant que personnage féminin, qui est tellement triste qu’elle est devenue extrêmement faible et maigre. « L’anorexie est une maladie causée par (autre chose) l’idéal féminine qui existe aujourd’hui. La femme est un objet et elle doit plaire à l’homme » (Hogskolan, 2010 : 10). Les troubles alimentaires renvoient à des raisons plus profondes. L’anorexie sous sa forme classique fait plus que jamais débat selon Lacan :

« L’anorexique n’est pas celle qui ne mange rien, elle est celle qui mange rien, le « rien », qui n’est pas une absence de quelque chose, mais un objet… Face à l’Autre qui demande au sujet de se laisser nourrir, l’anorexique tente de sauver son désir en rappelant à la mère que c’est de son amour que l’enfant est assoiffé et non de lait, et qu’aucune nourriture ne peut venir satisfaire cette faim de reconnaissance de son être» (Veuillet-combier, 2017 : 115). 

 

En outre, nous insistons même sur cette idée de l’esclavagisme moderne entre les membres d’une famille. Cette question nous amène à cet exemple gavaldien à travers le personnage masculin. Pierre veut échanger les liens affectifs contre les biens et les services matériels. Gavalda a mis en cause la fissure entre les membres de la famille qui est significative, pourquoi est-ce qu’il y a tant de distances ? Au début, Pierre veut donner de l’argent à sa femme en échange de tout ce qu’elle a fait, en lui répondant ainsi : « Avais-je fini par lâcher, agacé, je prends toutes les fautes sur moi. Toutes, tu m’entends ? …dis-moi plutôt combien tu veux» (Gavalda, 2002 : 84). 

Nous ajoutons que le moi de l’auteure est présent dans l’ensemble de son œuvre, c’est elle qui a donné la parole à ces personnages, ce sont les modèles qui figurent de mieux en mieux la présence de l’auteure. Cette présence parfois latente de notre écrivaine au sein de ses œuvres est une question majeure de son approche romanesque.  

 

Le clivage ou l’alter ego d’Anna Gavalda

Nous savons qu’Anna Gavalda s’adresse non seulement aux différentes personnes, mais aussi elle prend éventuellement la parole elle-même. Cela évoque un clivage entre elle et ses personnages. En somme, on trouve cette définition chez Freud, Assoun dit : « ce clivage se pratique en quelque sorte par ré-incorporation des composantes du moi dans les personnages : on a affaire à un processus complexe projection-personnification» (Assoun, 1996 : 41). C’est pourquoi, Anna Gavalda a tramé ce décor familial en utilisant sa propre vie et sa féminité. On se pose ici une question fondamentale sur cette idée que si on trouve un personnage unique dans chaque œuvre qui aurait partie liée avec la personne de l’auteure, tout roman ne serait pas réduit à sa version psychologique et auto-biographique et nous rappeler son aspect subjectif. Cela donne l’occasion à l’auteure pour concentrer sur son propre moi ainsi que pour l’exploiter de façon exceptionnelle sous l’aptitude l’auto-observation qui est très évidente. Dominique Viart et Bruno Vercier l’expliquent ainsi :

« Dans les années 1960-70 succèdent des livres qui s’intéressent aux existences individuelles, aux histoires de familles, aux conditions sociales, autant de domaines que la littérature semblait avoir abandonnés aux sciences humaines en plein essor depuis trois décennies, ou aux récits de vie qui connaissent alors un véritable succès» (Viart et Vercier, 2008 : 7).

 

En effet, Gavalda a commencé à écrire avec un recueil de nouvelles intitulé, Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part, à travers lequel elle était extrêmement présente dans l’ensemble de textes, et après, son premier roman L’échappée belle, elle a fortement teinté de sa vie bien qu’on ne voie pas le titre autobiographique. A travers l’histoire de L’échappée belle, elle a mis en scène sa vie familiale, ses sœurs et ses frères. Son deuxième roman est ainsi marqué par sa vie conjugale âpre. L’auteure se considère comme la conscience dominante qui donne au personnage certains fragments de son existence.

Dès le début de son recueil, Anna Gavalda a mis en scène, à travers sa première nouvelle « Petites pratiques Germanopratines », un quartier qui est devenu un haut lieu de la vie intellectuelle et culturelle parisienne. Il est à noter que dans cette œuvre la narratrice est anonyme et elle a une présence énigmatique, Gavalda l’a décrit ainsi : « …une fille mignonne et vive qui envoie des fax du côté de Saint-Germain-des-Près travaille dans l’édition, forcément…» (Gavalda, 1999 : 10). Apparemment, l’écrivaine elle-même a donné sa parole à son alter égo qui a fréquenté dans les lieux symboliques. C’est le narrateur en tant que personnage dans l’histoire qui se considère comme un actant homodiégétique. Elle raconte tout en jouant le rôle du personnage principal. Selon le théoricien russe, l’écrivaine crée l’être romanesque en deux temps : « Il commence par s’identifier à son personnage (se mettent à sa place, imaginent ce qu’il peut sentir, penser) pour réintégrer ensuite sa position propre (d’où il voit le personnage comme un autre distinct de lui-même)» (Jouve, 1992 : 35).

En effet, elle utilise tout le temps le pronom « je » en mettant en scène sa propre histoire. Christian Uwe en parle ainsi : « Je a une forte tendance à se dédoubler ou à se penser double… Le motif du double joue sur deux aspects : la complémentarité mais aussi la ressemblance qui peut aller jusqu’à la fusion voire à une forme d’incorporation» (Uwe, 2019 : 25).

A travers « Je l’aimais », Gavalda veut décrire également sa propre situation au moment de son divorce. En mettant en scène le pronom « je », elle accentue sur l’intériorité inaperçue et les paroles inédites entre les membres d’une famille. Sa famille est placée sous le signe du manque. Nous voulons ajouter cette idée de Bellemin-Noël selon laquelle nous sommes témoins « D’un sujet-moi ou mieux, d’un sujet-je : un mixte de mon âme et de celle des mots, tant au niveau conscient qu’à celui de l’inconscient» (Bellemin-Noël, 1988 : 9). Ses paroles ont l’odeur de l’authenticité et elles ont pénétré au fond de nos cœurs, elle raconte plutôt les vicissitudes de la vie qui courent au quotidien. Le mot « je » nous suggère le développement affectif et une sorte de confession, c’est-à-dire « un je s’interroge sur sa situation particulière dans le monde» (Bisanswa et  Kavwahirehi, 2017 : 18). La première personne permet à Gavalga d’utiliser le discours analytique, l’interprétation infinie, la description de la profondeur du cœur sous les apparences, en découvrant les lois psychologiques et métaphoriques. Anna Gavalda est une femme écrivaine contemporaine qui est devenue un phénomène populaire et connu intitulé, « Gavaldamania ».

 

Gavaldamania : les frontières perplexes

Anna Gavalda expérimente une vie assez moyenne, comme ses personnages. Elle veut tout le temps mettre en scène des personnes qui ont besoin d’entrer en communication avec un autre opposé. La plupart des nouvelles du recueil ont suivi la moralité en peu de pages, c’est pourquoi, elles sont devenues si frappantes. Elle fait des observations authentiques dans son environnement et elle suscite de vrais sentiments comme la lâcheté, le courage et la trahison. Ses œuvres reflètent sa vie amoureuse désenchantée, les parents séparés et ses différentes expériences au travail. Celles-là ont une résonance particulière de la société contemporaine où les personnages semblent transparaître la vie de l’auteure. Par son style et l’authenticité des personnages, elle est devenue de plus en plus célèbre et populaire. Elle a essayé de mêler un double sentiment d’effondrement et d’espérance. Selon Gavalda, il faut de l’expérience pour que le texte ait de la substance. Vous devez avoir des expériences pour commencer, si vous n’êtes pas un génie.[2]

Par ailleurs, nous savons que l’œuvre d’art, comme le dit Picon Gaëtan: « ne s’impose pas seulement à nous comme un objet de jouissance ou de connaissance ; elle s’offre à l’esprit comme objet d’interrogation, d’enquête, de perplexité » (Gaetan, 1953 : 11). Les questions traitées par Gavalda sont apparemment simples, mais elle veut concentrer sur les différentes formes de l’expérience quotidienne, inscrite dans la réalité et dans ici et maintenant. En dénonçant les tares de la société contemporaine et en donnant la parole aux personnes qui n’ont pas de place dans le monde malgré leurs dextérités, elle transmet les paroles de toutes les classes dans le dessein de dire la vérité. Une situation objective déclenche d’un facteur subjectif, Georges Lukacs en parle ainsi : « Même si la vie quotidienne semble souvent confuse et dépourvue d’une direction définie, ce n’est qu’en elle que les incarnations factuelles et idéologiques qui mènent à la socialité peuvent mûrir progressivement» (Lukacs, 2012 : 307).

En traitant les récits de vie, Anna Gavalda plonge l’intensité et l’épaisseur des couches constitutives dans la société. Soulignons que les personnages ne disposent pas seulement de bons sentiments, mais elle nous clarifie qu’il s’agit d’une tentative d’exploration et de questionnement de la réalité des diverses situations sans ignorer les difficultés, les problèmes et les questions qu’elles posent. Dans ce sens, il est indispensable pour elle de s’appuyer sur des stratégies narratives qui sont capables d’exprimer au mieux les émotions et les sentiments des différents personnages. En suivant ces pistes, elle donne la voix aux protagonistes, à leurs états d’âme, à leurs impressions et à leurs angoisses. Notre auteure arrive à combiner les espoirs et les détresses des hommes en proposant des solutions et des conclusions véritables à ses œuvres et en suggérant les idéaux sur lesquels se construit la vie de tout individu. L’écriture devient un équivalent de l’engagement humanitaire quand elle met en scène les questions les plus proches de nous. On jette un coup d’œil sur cette notion un peu deleuzienne de l’expression :

« Nous chercherons tous, dans notre existence et par notre existence, à exprimer quelque chose. Par notre comportement, notre langage, à travers l’art, via tout un ensemble de choses. Et il se trouve que, de temps en temps, notre expression touche davantage. Nous touchons un langage à l’intérieur des autres, notre langage rencontre celui d’une plus grande quantité d’humanité et il fait même découvrir parfois, à l’intérieur des autres, un langage qu’ils n’utilisent pas, dont ils n’avaient pas conscience…notre expression touche des langages existants mais révèle de nouveaux langages jusqu’alors non perçus» (Brigitte, 2006 : 176). 

 

On constate bien que l’écrivaine s’oriente vers une écriture poreuse qui sait capter ses inspirations de la vie en mouvement. Et nous savons que la littérature s’intéressait plus aux mouvements psychiques, grâce auxquels elle recourt aux profondeurs et aux ébranlements cachés de l’esprit qui sont inaperçus. Gavalda attire notre attention vers les personnages qui errent dans un monde au sein des pensées et des sentiments chaotiques et imprévisibles. Cela montre de plus en plus l’importance du côté mental dans la création littéraire. Gavalda recourt à des formes appropriées aux personnages pour qu’ils puissent nous transmettre leurs intériorités, leurs pensées et leurs places d’où une présence permanente des monologues dans les œuvres gavaldiennes. 

 

L’approche monologique

On est témoins d’une démarche expressive, qui a pour tâche de figurer la vie sentimentale d’un sujet. C’est la façon à l’aide de laquelle nous dialoguons avec nous-mêmes, c’est un espace où nous fuyons les soucis, les angoisses, les malheurs qui nous viennent du monde, et où nous cherchons à la fois les pensées agréables ou réconfortantes. Pendant plusieurs décennies, le monologue intérieur est une forme privilégiée qui a été considérée comme « la voie royale vers les pensées d’un individu, comme la retranscription directe de son esprit » (Martin-Achard, 2017 : 10). On peut trouver facilement les traces du monologue intérieur, à travers toute l’œuvre de Gavalda, qui se caractérise par l’absence du narrateur au profit d’un discours libre des personnages. Dans son livre, intitulé Roman, Rey a dit :

« On utilise le monologue lorsque le personnage parle à voix haute et formule ses pensées pour le lecteur, mais aussi lorsque le personnage ne formule pas ses pensées à voix haute. Dans ce cas, on parle d’un monologue intérieur, ou d’un discours intérieur où le lecteur formule en lui-même des phrases semblables à celles qu’il énoncerait à voix haute» (Rey, 1992 : 97-98).

 

On peut dire que la plupart des histoires qui ont été écrites par les femmes ont l’air de l’authenticité et elles sont les morceaux originaux, « ces éléments trans- ou pré-verbaux » (Kristeva, 1985 : 12) comme le tropisme chez Nathalie Sarraute. « Quand elle préfère le prélangage au langage considéré comme artificiel » (Assadollahi, 2002 : 95). En utilisant une forme liée à l’intime au discours mental, Gavalda a bien traité les questions sociales et familiales. Donc, on peut conclure que grâce au monologue intériorisé, on voit la volonté de l’auteure pour nous donner un panorama réel de la société. Nous ajoutons que les personnages qui monologuent sont « des humbles et des dominés, voire des déclassés et des exclus» (Martin-Achard, 2017 : 39). On est témoins des personnages qui sont les plus torturés et qui sont également les plus vivants. Linguistiquement parlant, il n’y pas de locuteur sans allocutaire réel ou virtuel car chaque énonciation crée une allocation, sa structure fondamentale ressemble à celle du dialogue. Le monologue n’est pas une exception, comme Benveniste l’explique bien : « Le monologue est un dialogue intériorisé, formulé en langage intérieur, entre un moi locuteur et un moi écouteur. Parfois le moi locuteur est seul à parler, le moi écouteur reste néanmoins présent, sa présence est nécessaire et suffisante pour rendre signifiante l’énonciation du moi locuteur» (Benveniste, 1974 : 85-86).

Chloé, le personnage principal de Je l’aimais, veut résister aux chagrins et aux oppressions qui se sont imposés sur elle. Gavalda en parle ainsi : « Allez, il faut pleurer une bonne fois pour toutes. Tarir les larmes, presser l’éponge, essorer ce grand corps triste et puis tourner la page. Penser à autre chose. Mettre un pied devant l’autre et tout recommencer» (Gavalda, 2002 : 17).

A la suite, nous allons voir comment les gens réagissent en rencontrant les autres. La psychologie sociale traite la question de l’homme en tant qu’être social dans la société selon les notions fondamentales données par Fischer à travers Ensemble, c’est tout.

 

La psychologie sociale selon Fischer

La psychologie sociale est une discipline récente qui étudie les comportements individuels qui changent dans une foule. D’après Fischer :

« Elle se considère comme toutes les autres sciences humaines, s’inscrit dans un effort pour organiser une connaissance de l’homme qui, durant des siècles, est restée essentiellement philosophique. Cette connaissance s’est largement développée en s’appuyant sur une distinction entre individu et société » (Fischer, 2010 : 4).

 

A cet égard, l’être humain définit à l’aide d’une double nature, Fischer analyse bien cet aspect. Fischer en parle ainsi:

« Un invariant, une structure stable par rapport aux fluctuations externes, à la société changeante. L’opposition corps/âme permettait de comprendre la relation dehors/dedans chez un même individu : le corps, c’est l’extériorité correspondant à l’apparence, l’âme, c’est l’intériorité correspondant à la substance» (Fischer, 2010 : 4).

 

Selon ces propos, c’est l’âme qui est en perpétuel devenir et qu’elle est le siège des changements. On insiste ici sur l’étude des conduites et des phénomènes sociaux au point de vue des relations entre l’individu et le collectif. On sait très bien que l’homme est formé par la société et il ne s’agit pas d’un être isolé. Les personnages du roman Ensemble, c’est tout, nous démontrent comment les comportements individuels changent en imitant les modèles construits au sein de la société. Le rassemblement avec d’autres mène à la formation d’un être nouveau, comme Camille, Philibert et Franck. Le seul fait d’être dans une foule modifie l’individu. Leurs émotions et leurs opinions se communiquent et se renforcent réciproquement. Selon Durkheim : « La vie sociale est basée sur des représentations qui sont des processus psychiques et de la sorte, la sociologie apparaît comme une psychologie particulière distincte de la psychologie individuelle» (Fischer, 2010 : 17).

Nous sommes formés par les liens que nous vivons avec les autres et nous les façonnons sous un jeu d’influences. La société est un ensemble des interactions et des échanges d’individu à individu. Dans ce sens, Fischer l’explique ainsi : « La psychologie sociale nous aide à comprendre que le social n’est pas une réalité homogène, mais qu’il tend vers l’homogénéité dans la mesure où il nivelle les comportements et, par là-même, occulte les différences inhérentes à toute construction sociale du réel» (Fischer, 2010 : 12).

C’est pourquoi, ses différents types des rapports, soit indépendants de sa volonté soit antagonistes, produisent son existence sociale. En effet, c’est toujours à l’aide de la notion de la personnalité qu’on voit la nature d’adaptation de l’individu à son milieu comme les personnages gavaldiens à travers Ensemble, c’est tout. Nous sommes témoins de l’interaction en tant que mode positif de communication ou la meilleure coopération des individus entre eux. Alors, nous tenons à focaliser sur deux parties intégrantes de l’approche psychosociale, d’un côté l’individu et de l’autre la société, mais qui doivent réconcilier deux pôles antagonistes ; le psychologique et le collectif (Fischer, 2010 : 12). Par ailleurs, la notion de relation ne réside pas dans une simple liaison entre les personnes indépendantes mais celle-là se considère comme un axe qui crée des modifications entre les deux pôles. Gavalda a essayé d’utiliser un registre langagier particulier à chaque personnage selon son statut social, cela insuffle une véracité intense à ses personnages.

 

La deixis sociale dans Ensemble, c’est tout

La deixis est une notion fondamentale à l’aide de laquelle on parle de la situation concrète d’énonciation. Il s’agit de savoir qui parle et dans quel espace le locuteur est lié au monde en mettant en jeu les éléments psychologiques. Selon Saussure : « Son substantif signifie Je montre ; il renvoie à l’action de désigner, de montrer. Par la deixis, nous montrons une certaine portion du monde sensible qui tombe sous nos yeux» (Saussure, 2018 : 11).

La deixis sociale est définie ainsi : « L’aspect des énoncés qui reflètent, établissent ou qui sont déterminés par certaines réalités de la situation sociale dans laquelle l’acte de parole est mis en œuvre » (Levinson, 1983 : 89). Les gros mots prononcés par les personnages féminins sont moins tolérables que chez les garçons. Mais les psychanalystes, les sociologues ont confirmé que les femmes détestent naturellement les expressions grossières et obscènes. D’ailleurs, il est certain que « Freud, comme Jespersen pensaient surtout aux femmes de la bonne société, aux femmes bien élevées, celles qui ont le mieux intériorisé les tabous verbaux» (Yaguello, 1992 : 36). Cette politesse réduit les conflits mais masque les désaccords, les divergences des points de vue.

A cet égard, la façon de dire des choses, le choix des mots, les suffixes ou les préfixes sont importants. Dans les relations interpersonnelles « Tu » reflète la familiarité et une relation intime par contre «Vous » nous suggère la distance entre les gens. Selon Catherine Kerbrat –Orrecchioni, les interlocuteurs choisissent les pronoms selon trois critères : « 1. Leur degré de connaissance mutuelle, 2. La nature du lien socio-affectif qui les unit, 3. De la nature de la situation communicative (situation familière et situation formelle)» (Kerbrat-Orrecchioni, 1992 : 39). Le pronom « vous » nous suggère le statut social inégal mais celui de « tu » nous donne l’idée de la solidarité mutuelle. On peut insister sur deux axes : « la relation horizontale, soit la relation de familiarité ou d’intimité, et de la relation verticale, soit la relation de distance» (Kerbrat-Orrecchioni, 1992 : 69).

Camille a rencontré une femme qui avait beaucoup d’enfants et qu’elle appartenait à la classe inférieure de la société. L’accent de classe, est un signal d’identification. « -Mais t’en a combien de gamins ? -A moi j’en ai cinq et mon frère, il en a quatre… Ma mère, elle en a bien douze, elle ! » (Gavalda, 2005 : 6). A cet égard, Philibert a bien connu ses défauts, il était très timide, « L’idée même de m’adresser à un auditoire, si restreint soit-il, me donne des sueurs froides. Je…j’ai des problèmes de…de socialisation, je crois… » (Gavalda, 2005 : 43). Son origine aristocratique reflète aussi à travers son langage, il vouvoie même sa famille d’une manière réciproque, Gavalda a insisté sur cette façon de l’appellation. Gavalda dit à ce propos : « Il vouvoyait ses parents, ses parents le vouvoyaient et se vouvoyaient entre eux. -Bonjour, père. -Ah, vous voilà, mon fils. Isabelle, allez prévenir votre mère, je vous prie» (Gavalda, 2005 : 156).

Il n’y a aucune relation appropriée entre les membres d’une même famille, le pronom « vous » nous donne l’impression de la neutralité qui se renvoie à une constellation de vies individuelles. Toutes les personnes utilisent « vous » dans les lieux et les services publics comme dans un café, chez le médecin. Mais quand Camille était en train de parler avec Vincent qui n’avait aucun abri, elle utilise le pronom « tu » peut-être parce qu’il vient d’une famille pauvre. C’est pourquoi, les gens fragiles, socialement parlant, parlent d’une manière inappropriée ou tiennent un langage et utilisent des expressions de mépris, comme le mot « putain », l’argot sexiste et sexuel. Sa grand-mère s’adresse ainsi à Franck : « - Oh, putain. -Franck, pourquoi tu dis toujours putain ?- Oh, saperlipopette, déjà » (Gavalda, 2005 : 19).

 

L’oralité : une trace de la quotidienneté

A côté des détails authentiques qui ont été traités dans les nouvelles, l’oralité peut aussi être considérée comme un aspect réel qui nous aide à mieux saisir les attitudes personnelles de l’auteure. Cela nous montre une individualité particulière qui décrit le texte comme une courbe. Nous savons que la langue n’est pas un ensemble de données homogènes, mais un système symbolique. De plus, la langue est un moyen pour la description d’une réalité qui peut apparaître sous deux formes, orale et écrite. Il va de soi que Gavalda recourt toujours au registre oral quand elle commence à narrer.

Mais pourquoi cette écrivaine a choisi la nouvelle qui est un genre « polymorphes » (Grojnowski, 2000 : 1), genre qui est  voué aux événements réels, et considéré comme sa première œuvre. Ce qui est important chez Gavalda, c’est la condensation verbale, c’est-à-dire, on ne peut trouver les verbes en cascade. C’est plutôt une écriture basée sur la liste, on explore une hétérogénéité cohérente à travers son œuvre. Le style particulier de l’écriture gavaldienne saute à nos yeux, « récit raconté, la nouvelle comporte fréquemment des marques d’oralisation » (Grojnowski, 2000 : 7), de plus, la fascination de l’oral l’a tout naturellement amenée à s’intéresser à ses malformations. A travers sa dernière nouvelle, « Epilogue », une femme écrivaine, qui semble être le porte-parole de Gavalda, en tenant la lettre de l’éditeur, voit plein de mots méprisables à l’égard d’elle-même. Gavalda en parle ainsi : « Madame blablabla, c’est avec un grand intérêt que blablabla et c’est pourquoi blablabla j’aimerais vous rencontrer blablabla, veuillez prendre contact avec mon secrétariat blablabla dans l’espoir de vous blablabla chère madame blablabla» (Gavalda, 1999 : 146).

La répétition du mot blablabla est très significative, cet homme n’écrit pas même le nom de l’écrivain. De plus, un autre aspect de l’écriture gavaldienne, c’est l’utilisation des nominalisations anglaises en italique, l’anglicisisme est la catégorie la plus fournie et la plus visible grâce à laquelle l’auteure montre la co-présence de deux langues dans son discours. La valeur des mots écrits en italiques est caractérisée par le contexte qui reflète ici le contraste essentiel au sein de cette famille. Gavalda dit : « Chez les Dippels, c’est never explain, never complain, tout de suite, c’est autre chose» (Gavalda, 2002 : 54). Elle nous suggère son sentiment au moment où elle écrirait un terme ou une phrase, autrement dit, les mots ont une âme bien spécifique. Chez Gavalda, la structure de surface du langage a bien été  caractérisée et elle a joué aussi un rôle de plus en plus important. Gavalda recourt souvent à la communication non verbale. Par ailleurs, le raccourcissement peut créer une énigme à déchiffrer comme les expressions de gestes. En lisant les œuvres gavaldiennes, tous les gestes,  mouvements, toutes les expressions du visage ou le regard peuvent nous transmettre des émotions variées comme le bonheur, la tristesse, la colère, la peur, la surprise et le dégoût. Ce sont les moyens grâce auxquels Gavalda renforce l’intensité communicationnelle avec les personnages.

 

Conclusion

Les réalités sociales actuelles sont les obsessions qui se reconnaissent par nous-mêmes et qui se font quotidiennement malgré nos volontés. C’est pourquoi, d’abord nous avons constaté comment Anna Gavalda a essayé d’adapter ses œuvres aux besoins insatisfaits et aux impasses imprévues dans la société contemporaine. Le moi est formé par des règles, des gestes, des façons de penser et d’agir qui s’imposent par la société. Nous savons que les rapports des gens avec la société, des réalités des relations dans un monde régi par la contrainte orientent les individus vers une décrépitude considérable. Nous pouvons ajouter que l’identité de soi et de la communauté s’entrelacent, se complètent et forment une totalité problématique. Gavalda a mis l’accent sur le sentiment de l’angoisse existentielle qui est considérée comme une souffrance commune entre tous les êtres humains. En soulignant le pouvoir sine qua non de l’argent et l’esclavagisme moderne qui nous entoure, elle caractérise des êtres perdus et déçus qui vivent dans une société marquée par l’indifférence et la transgression des valeurs humaines et émotionnelles.

Ensuite, en pratiquant les théories psychosociales, nous avons essayé d’aborder ce qui peut être le roman de l’intériorité. Grâce à Gavalda, on comprend ce qui est une représentation des espaces domestiques. A cet égard, nous avons essayé de dire dans quelle mesure l’auteure a projeté sa vie personnelle à l’ensemble de son œuvre à travers le clivage et les traces monologiques. Nous avons l’impression que notre auteure veut insister sur cette idée freudienne, en disant la cure par la parole ou la verbalisation est la méthode à l’aide de laquelle l’être cherche à se délivrer de tout ce qui l’obsède. En outre, nous avons abordé la question du phénomène social de gavaldamania aussi. Son engagement social apparaît au miroir de ses œuvres, son attachement aux différents métiers met l’accent sur son regard global et minutieux en tant que témoin privilégiée de notre époque. A cet égard, il faut tenir en compte qu’elle adopte une présence multiple dans les différentes positions sociales, en accordant une typologie particulière sous une fresque exceptionnelle aux gens. Le monologue reflète d’une certaine manière une relation interpersonnelle avec nous-mêmes dont la place du destinataire est vide ou saturée par le locuteur. Elle mobilise tour à tour la vie, en traçant la vie complète d’un homme, le moi littéraire et social s’entremêle en une couleur sincère. Son moi s’expose mais elle ne se dévoile pas, cela réside dans la complexité de notre écrivaine.

En fin de compte, en nous référant à la psychologie sociale chère à Fischer, ainsi qu’à l’interaction entre la société et le langage, nous avons analysé certains aspects de ses œuvres basés et reformulés par l’oralité. L’auteure préfère le mot, le plus adapté à la communication ordinaire.

 

[1] Il est né en Allemagne au dix-huitième siècle sous l’appellation « Bildungsroman » ou roman de formation.  

[2] http://www.tidskrift.nu/artikel.php?Id=2142

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