Étude du Roman d'Olivier Adam, Les Lisières, au travers de la théorie de Pierre Bourdieu relative à l’espace social, la domination et la distinction

Auteurs

1 Département de français, faculté des lettres et sciences humaines, Université Shahid Beheshti, Téhéran, Iran.

2 Doctorant en littérature française, faculté des lettres et sciences humaines, Université Shahid Beheshti, Téhéran, Iran

Résumé

L’œuvre romanesque d’Olivier Adam en général et Les Lisières en particulier reflètent les crises, écarts, conflits, et rancœurs de la société contemporaine française. Par l’intermédiaire de maintes descriptions spatiales et d’innombrables personnages dont il nous relate la vie privée et le parcours professionnel, le romancier s’évertue à traiter l’instauration du système qui a entraîné de telles conséquences de même que les mécanismes qui ont favorisé sa durabilité.
Au cours de ce travail, par le biais de la sociologie bourdieusienne et ayant recours aux termes propres au sociologue français tels que « l’espace social », « l’habitus », « la champ » et « la domination », on étudie la façon dont le jeune auteur a analysé la hiérarchie sociale en  concrétisant le concept de « l’espace social » à l’aide des figures qui représentent de multiples « positions sociales ». On démontre également les stratégies de « domination » qui ont été retracées par le romancier en premier lieu dans les champs limités et à une plus grande échelle par l’État. Enfin, la théorie de « la distinction », si méticuleusement concrétée par le romancier, est traitée pour montrer les obsessions d’un écrivain qui se veut engagé au XXIe siècle.

Mots clés

Sujets principaux


Introduction

Lauréat du Prix Breizh[1] et plébiscité par les libraires interrogés pour Livres Hebdo[2], Les Lisières racontent le retour de Paul Steiner en même temps à la banlieue où il a grandi et habitent ses parents pour s’occuper d’eux et à son passé auquel il a toujours échappé. Ayant été expulsé de chez lui et de sa vie par son ex-femme adorée, le quinquagénaire se lamente l’éloignement de celle-ci aussi bien que de ses enfants.

Paru en 2012, le neuvième roman d’Olivier Adam est l’histoire d’un auteur et scénariste confronté à la fois aux orages de sa vie familiale et aux crises de la France actuelle. Le narrateur relate la vie intellectuelle qu’il mène aux « lisières » de l’existence et celle des gens démunis qui l’entourent et vivent aux « bordures géographiques et sociales ».

Par ses Raisons pratiques, ses Choses dites, sa Réponses, sa Reproduction et notamment son œuvre monumentale, Distinction, Pierre Bourdieu a au cours de longues années théorisé ses deux obsessions principales : la hiérarchie sociale et la perduration de cet ordre si solidement instauré et hérité d’une génération à l’autre. Ces deux phénomènes sont brièvement dénommés dans les théories  bourdieusiennes par les termes « distinction » et « reproduction ». C’est au premier, en faisant une micro-lecture des Lisières, que l’on s’intéressera dans le travail présent et on laissera le deuxième à d’autres études, tellement nécessaires et sans nul doute complémentaires de celle-ci.

Mais la société qu’a dépeinte l’auteur est-elle en conformité avec le célèbre graphe du sociologue « espace des positions sociales et espace de style de vie »[3], qui véhicule la généralité de la vision de Bourdieu sur la hiérarchie sociale ? Comment les relations décrites par le romancier pourraient-elles concrétiser en partie la théorie de domination du sociologue français ? Et enfin, la distinction des goûts établie par l’auteur entre ses personnages a-t-elle un fondement sociologique du biais des recherches bourdieusiennes ?

Par une comparaison entre la théorie de l’espace social de Bourdieu, pour qui la société se présente comme « une typologie sociale », et les agents sociaux qui sont peints dans ce roman; en abordant les stratégies de domination qui ont été dévoilées par de multiples personnages; et à l’aide enfin d’une micro-lecture, analysant les caractéristiques de chacune de ces figures, basée sur l’œuvre majestueuse du sociologue, on évaluera dans cet article la validité des efforts socio-littéraire de cet écrivain contemporain.

 

 Les capitaux, l’habitus et l’espace social

À la différence des sociétés d'ordres l'Ancien Régime[4], fondées sur une hiérarchie de prestige, où clergé, noblesse et tiers état bénéficiaient de droits et de devoirs codifiés, les sociétés industrielles se caractérisent par l'absence de hiérarchie sociale juridiquement définie. L'étude de la différenciation sociale supposera donc l'élaboration d'une grille d'analyse pour rendre compte des inégalités entre les groupes sociaux. Refusant de marcher dans le sillage de Marx et Weber, Pierre Bourdieu vise à les dépasser en les synthétisant. En proposant une approche en termes d'espace social et de champs sociaux, il se dote de concepts et d'instruments qui lui permettent non seulement d'analyser la position des groupes et leurs relations, mais aussi de comprendre la tendance à la reproduction de l'ordre social. Pour ce faire, le sociologue se garde de réifier les classes sociales; se fondant, comme souvent, sur l'opposition substance/relation. En revanche, il propose une conception relationnelle et non substantielle des classes, qui ne sont donc pas des classes au sens de Marx. La proximité dans l'espace social engendre une classe probable, pas toujours une classe réelle. En un sens « les classes sociales n'existent pas, […] ce qui existe, c'est un espace social, un espace des différences » (Bourdieu, 1994: 28) où les classes existent virtuellement.

La société qu’a brossée Olivier Adam dans ses Lisières est proprement parlant la version romanesque du graphe qu’a dessiné Pierre Bourdieu dans ses Raisons pratiques où il répartit les différentes couches sociales aux diverses sphères de la société en fonction de leur distance à deux axes indiquant les quatre capitaux envisagés pour positionner les agents sociaux et globalement les multiples fractions sociales. L’axe verticale regroupe le capital social, les liens et les  relations sociales qui exige un travail de sociabilité; le capital symbolique, l’ensemble des titres et étiquettes liés à l’honneur et la reconnaissance; le capital économique, les  biens d’une personne ou une famille; et enfin le capital culturel, les qualifications intellectuelles soit produites par le système scolaire, soit transmises par la famille. L’axe horizontal ne comporte que ces deux derniers pour faire une évaluation plus précise de leurs volumes et leur proportion. La théorie et les termes qui ont été abondamment employés par le sociologue dans  l’ensemble de son œuvre immense.

Cet espace des positions sociales se définit dans un espace des prises de position par l’intermédiaire de l’espace des habitus (toutes nos manières d’agir, penser et sentir) ou en d’autres termes, un système d’écarts différentiels qui détermine les différentes positions dans les deux dimensions majeures de l’espace social qui a pour résultat un système d’écarts différentiels dans les propriétés des agents ou des classes construites d’agents, c’est-à-dire dans leurs pratiques et dans les biens qu’ils possèdent. À chaque classe de positions correspond une classe d’habitus ou de goûts produits par les conditionnements sociaux associés à la condition correspondante et par ces habitus et leurs capacités génératives se forme un ensemble systématique de biens et de propriétés, unis entre eux par une affinité de style. Remplaçant la hiérarchie de classes sociales comme entendait Marx, cette idée de différence, d’écart, est au fondement de la notion d’espace, ensemble de positions distinctes et coexistantes, « extérieures les unes aux autres, définies les unes par rapport aux autres, par leur extériorité mutuelle et par des relations de proximité, de voisinage ou d’éloignement et aussi par des relations d’ordre, comme au-dessus, au-dessous et entre » (Bourdieu, 1994: 28). L’espace social est construit de telle manière que les agents ou les groupes y sont distribués en fonction de leur position dans les distributions statistiques selon les deux principes de différenciation qui sont certes les plus efficients : le capital économique et le capital culturel. Les agents ont conséquemment d’autant plus en commun qu’ils sont plus proches dans ces deux dimensions et d’autant moins en commun qu’ils sont plus éloignés.

Quant au roman Les Lissières, le narrateur, Paul Steiner retourne à la zone périphérique où il a grandi pour s’occuper de sa mère hospitalisée et son père qui ne se débrouille pas bien seul à la maison. L’intellectuel gauche y retrouve la platitude de sa banlieue de même que ses anciens camarades, majoritairement démunis et paralysés par le chômage, l’instabilité professionnelle et la misère croissante. Ce voyage au lieu de sa naissance est en même temps un retour au passé au cours duquel il découvre un petit secret familial et se souvient de ses conflits avec son père tant rigide et aussi avec son frère pro-capitaliste, les tendances xénophobes de son père et ses oncles après la vague d’immigration pendant les dernières années, la popularité du Front National[5] chez les classes populaires, la soumission et le dévouement de sa mère, l’égoïsme et la dureté de son père, les adolescents traînant les rues et les adultes qui subissent les retombées du processus de la reproduction sociale. Mal placé au milieu littéraire dans lequel travaille cet auteur issu de la banlieue et expulsé par sa femme, il déplore l’éloignement de celle-ci aussi bien que celui de ses deux enfants. Aspirant à renouer les liens avec son épouse et retrouver sa fille et son fils à ses côtés, l’écrivain quinquagénaire est décidé à récompenser ses erreurs et rattraper son absence au foyer.

Sa famille, y compris ses grands-parents, ses oncles, ses tantes, ses cousins, au sein de laquelle le personnage principal a passé son enfance et son adolescence est peuplée de « manœuvres »[6] et d’« ouvriers spécialisés » se plaçant en bas de l’axe du capital global, un bon modèle de la classe ouvrière, faisant partie elle-même des classes populaires. Leur métier et le crédit que son « père avait fini par [leur] avouer qu’il avait dû prendre » pour financer les activités de ses enfants certifient la difficulté économique qui pèse sur leur dos et les critiques qu’ils adressent au seul, soi-disant, intellectuel de leur entourage et leur position à propos des noirs, des  immigrants et même des « bobos parisiens » témoignent une pénurie de capital culturel dans la famille.

Paul, auteur, et sa femme, Sarah, infirmière, ne sont pas si loin l’un de l’autre sur ce schéma se rangeant successivement dans les cases des « intermédiaires culturels » et des « service médico-sociaux », tous les deux, malgré leur différence, plus riche en capital culturel qu’économique. Son frère, François, vétérinaire, se situe dans cette dernière catégorie mais avec un meilleur statut socio-économique, plus proche de sa femme, Delphine, avocate fiscaliste, qui se trouve parmi les « cadres privés », pas tellement loin d’Éric, un ami à Paul, étant l’un des « ingénieurs » qui sont bel et bien proches du sommet. Ces trois derniers, bien à proximité des dominants sont dotés davantage de capitaux économiques que culturels.

Un de ses oncles qui est gérant d’un supermarché et un autre étant le chef du service de vente d’un extincteur se sont haussés jusqu’en milieu pour être considérés comme « contremaîtres » et « employés commerce ». Le père de Paul, dont on ignore l’exact métier qu’il exerçait, s’est acharné pour sortir sa famille de « la cité » pour s’installer dans une zone pavillonnaire en banlieue, prouvant une certaine qualification ou spécialisation dans sa profession, le mettant dans la catégorie des « ouvriers qualifiés », cependant aussi pauvre en capital culturel qu’avant. Les deux figures principales qui représentent la classe dominante sont un médecin et un patron d’une maison d’édition. Le premier, se donnant le droit de frapper le fils de Paul, est visiblement plus riche en capital économique que culturel, gisant aux environs des « ingénieurs »  et des « cadres privés ». En ce qui concerne le deuxième en revanche, d’après sa position professionnelle et les explications du narrateur, on pourrait supposer qu’il en possède d’une manière plus égale, d’où son statut près des « professeurs supérieurs ». L’autre extrême du capital global abrite des locaux comme Stéphane, Jean-François et Magali, considérés comme « manœuvres », qui travaillent tour à tour comme caissier, bagagiste et serveuse sans s’en plaindre pour autant.

 

 

Figure 1: « Espace des positions sociales et espace de style de vie », Raisons pratiques : sur la théorie de l'action, 1994: 17.

 

 

Du point de vue des choix électoraux, les agents sociaux figurant dans le livre d’Adam ont les mêmes voix que Bourdieu a fixées sur son graphe. Contrairement à ses tendances actuelles vers Marine Le Pen[7], son père était toujours un syndiqué communiste et ne tolérait même pas que son fils aîné, François, lise Le Figaro[8]ou Le Point[9]. Ce dernier, un ancien végétarien, en montant l’axe du capital global et en s’approchant des dominants se transforme en « un sympathisant zélé du RPR[10] et puis l’UMP[11] » avant de « migrer vers des banlieues plus chics » pour devenir un mari idéal pour sa femme qui gagne sa vie dans le monde de la finance et pour qui c’est difficile de supporter les idées socialistes de son beau-frère. Quant à celui-ci, ses propensions gauches sont fortement présentes tout au cours du roman, qu’il s’agisse des positions qu’il prend à l’encontre du Front National, de sa sympathie aux classes défavorisées et les exclus ou de sa compassion pour les noirs, les musulmans et les immigrants.

Ces espaces sociaux sont formés par des habitus et bien entendu à leur tour ont formé des habitus, un mot-clé du lexique bourdieusien. Défini par le sociologue comme « structure structurante » (Bourdieu, 1994: 53), la notion de l’habitus a une longue préhistoire d'Aristote à Norbert Elias en passant par les philosophes médiévaux et aussi contemporains comme Husserl et Merleau-Ponty. Mais Bourdieu en donne une version personnelle: « les conditionnements associés à une classe particulière de conditions d'existence produisent des habitus, systèmes de dispositions durables et transposables » (Bourdieu, 1980 : 88-89)  fonctionnant comme principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations. Bourdieu insiste sur le caractère incorporé des habitus qui inscrit dans les corps, gestes, postures, certains aspects du conditionnement social, lesquels  apparaissent ainsi comme « naturels » aux agents, qui ne les appréhendent qu'à travers leurs habitus.

Son père est un ancien « ouvrier communiste » d’une origine provinciale dont le père travaillait « au service d’enlèvement d’ordures ». Il vivait avec ses six sœurs et frères « qui tous travaillaient dès leur quatorze ou quinze ans » à la « cité » et s’intéresse en ce moment aux idées d’extrême droite de « la Blonde ». Il n’est tout de même pas le seul à l’être : ses oncles « tous communistes, tous syndiqués, tous de gauche, sauf ceux qui étaient dans le commerce » pensent à voter pour « la fille du Borgne »[12]. L’une des raisons pour lesquelles l’écrivain socialiste s’éloigne de sa famille parce qu’à son sens « au fond même les plus à gauche d’entre eux n’avaient jamais été véritablement gênés par le racisme ». Cette image contradictoire de l’homme de la classe ouvrière se complète par une « domination masculine »[13] qui se forme et se développe par le portrait de la femme résignée.

En ce qui concerne les femmes de sa famille, sa mère, «  ouvrière à la chaîne s’y usant pendant vingt ans », a passé ses dernières années de travail « au service comptable d’une usine de biscuit » et sacrifie actuellement le reste de sa vie et peu d’énergie qu’il lui est resté pour le bonheur de ses deux fils qui ne lui rendent visite qu’aux rares occasions de Noël et Pâques et en particulier la satisfaction de son mari « froid » et « rigide » qui, comme la majorité des hommes de sa classe sociale, minore les peines des autres aussi bien que les douleurs de sa femme qui est sur le point de « perdre sa tête ». L’une de ses tantes, Josyane, qui « travaillait aux ateliers Renault […] secteur moteur », a pris l’habitude de parler « fort » pour nous donner l’exemple d’une femme ayant des traits masculins qui n’a pas mené une vie tellement confortable avant son actuelle retraite paisible. L’autre tante supporte un mari « impulsif » et « sanguin » qui la frappe depuis « presque toujours », le modèle de la femme soumise. C’est dans un tel habitus qu’a été élevé « le petit-fils d’éboueur » dont les futurs livres sont peuplés des agents sociaux des strates inférieures de la société.

On a souvent reproché à Bourdieu le déterminisme qui semble lié à la notion d'habitus. Mais selon lui, « l'habitus n'est pas le destin que l'on y a vu parfois». Il a souvent souligné la marge de  « jeu » tolérée par l'habitus, qui permet l'improvisation dans l'action tout en maintenant globalement la régularité des conduites. Dans une famille où un cousin est « routier », un autre « magasinier aux entrepôts » et un autre « gardien au parking » c’est certes normal que l’oncle qui gère « un supermarché à Ivry » ou l’autre qui est « chef des ventes pour les extincteurs Sicli »[14] soient considérés comme les gens réussis. Paul et son frère, François, font partie à leur tour de ceux qui s'en sont bien sortis, le premier étant un auteur reconnu du public et du milieu littéraire et le deuxième un vétérinaire menant une vie bourgeoise. En fait, l'habitus nous permet d'évoluer « avec naturel » (un naturel acquis) dans un champ donné sans avoir à réfléchir à tous nos faits et gestes: l'habitus « économise » le calcul et la réflexion. Pourtant ni le romancier, ni le sociologue ne se restreignent dans ses limites et reconnaissent la possibilité de les franchir.

Ce schéma de la classe défavorisée s’avère en contraste avec les fragments au cours desquels l’auteur retrace la vie bourgeoise parisienne où « prendre du temps pour soi », s’occuper de soi » et « s’écouter » n’est absolument pas « un luxe superficiel ». Les vies « sordides » et « banales » des banlieusards n’ont rien à voir avec « la beauté » et «  la supériorité innée » de ceux dont les vies sont loin de « la moindre faille, aucune vulnérabilité ». Tous ces « magasins de créateurs, des galeries de design, des restaurants branchés » et surtout la place Saint-Germain-des-Prés, où paradent « des types portant au moins deux mille euros de vêtements sur le dos » et qui paraissent à Paul comme les gens qui appartiennent à « une autre espèce » sont dans cet ouvrage les symboles urbains de la classe dominante. Au contraire de peu de détails que nous offre ce « rejeton des classes populaires » sur cette « façade arrogante » de la vie parisienne, rares sont les pages du livre qui sont dépouillées de la moindre explication de la vie périphérique. De nombreuses explications que le romancier donne des entrepôts, des rangées d’immeuble HLM séparées par des pelouses rases et mitées, des alignements d’enseignes et de cubes en tôle, de la casse automobile, des zones industrielles, des nationales, les voies ferrées et des habitations verticales qui forment le paysage de la banlieue parisienne peignent l’image d’une « vie concrète, réduite, modeste et résolue » de « la marge » qui, pendant la journée, « se vide d’elle-même » et ne se remplit qu’ à la tombée du jour. Cette « masse indistincte » dont le centre-ville ne comprend « rien de plus qu’un arrêt de bus jouxtant l’église, un bar, une boulangerie, un Simply[15] et une agence de la BNP[16] » joue un rôle classificateur non seulement par sa contraste avec la capitale mais par les descriptions subtiles que donne l’écrivains des relations des résidents des différentes sections de cette banlieue.

À l’intérieur de ces « villes sans âmes, sans centre, sans contours », on repère une sorte d’hiérarchisation qui distingue les habitants de cet « ennui résidentiel ». Au sommet de la pyramide se situe ce que l’on appelle la « banlieue chic » et les résidences bourgeoises comme celle où habite Thomas, appelée « château ». Au milieu de la pyramide, près du centre, il y a les « zones pavillonnaires » où vit la famille de Paul, ayant déménagé de la cité, non sans peine évidemment. Et à côté d’un « quartier plus bourgeois » et « un autre plus modeste », en bas de la hiérarchie, il y a les cités avec « des scooters, des djellabas, des femmes coiffées de foulards, des enfants braillards, des adolescents déguisés en rappeurs »  que son père, qui y vivait avant, a du mal à fréquenter et dans lesquelles ne se sent pas en sécurité disant  « on est plus chez nous ». Ces barrières sont aussi invisible qu’infranchissable d’autant qu’Éric, étant éliminé des invitations de chez Thomas, ne peut pas les surmonter pour la simple raison qu’il vient de « la cité » et qu’il est métis. Dans un milieu où « la lutte des classes, c’était un jardin, un boulot, une voiture », Paul se souvient que Mehdi, Karim et Noredine ne leur adressaient plus parole quand Éric et lui ont quitté la cité car ils n’étaient « plus des leurs » et étaient devenus des « bourges, ou des Gaulois » :

« Nous n’étions plus des leurs, nous étions devenus des bourges, ou des Gaulois, ce qui revenait au même, on l’était vite là-bas, un pavillon suffisait à vous y classer, des emplois stables non liés au ménage, au bâtiment ou à la surveillance, un emploi tout court pour l’un de vos deux parents aussi. »(Adam, 2012: 42)

Cette distinction urbaine prend une autre dimension, plus récente et moins connue, par un phénomène selon lequel Paris a commencé à « repousser les classes moyennes hors de ses murs » et une foule de « nouveaux déclassés géographiques » échappent à la capitale pour s’installer « au milieu de nulle part » à la suite de considérables augmentations des coûts de vie, d’où « une flambée immobilière » dans les zones périphériques. Pendant les dernières années les agents immobiliers contactent les parents de Paul de temps à l'autre avec des offres séduisantes pour vendre leur pavillon banal. Lorsque son père se décide enfin de le faire pour habiter en compagnie de sa femme dans une résidence de retraite, la signature se fait en une demi-journée avec la stupéfaction de Paul qui a du mal à comprendre pourquoi ces « nouveaux exilés » se battent pour vivre dans cet endroit qu’il voulait toujours quitter. Ce déplacement, la réaction de Paul vis-à-vis de ce phénomène et les changements survenus dans cette « banalité pavillonnaire »      démontrent les crises des différentes fractions au sein de « la petite bourgeoisie qui n’en [sort] plus » dans Paris. Cette immigration du centre à ces « zones intermédiaires » se résume et s’interprète par ces mots de Paul Steiner :

« Les choses s’étaient inversées : le centre était devenu la périphérie. La périphérie était devenue le centre du pays, le cœur de la société, son lieu commun, sa réalité moyenne. […] Cela ne faisait aucun doute, la périphérie était devenue le cœur. Un cœur muet, invisible, majoritaire mais oublié, délaissé, noyé dans sa propre masse. » (Adam, 2012 24)

L’étude des caractères pour jeter la lumière sur la classification sociale n’est pas moins acharnée, dans Les Lisières d’Olivier Adam, que l’analyse des espaces. Par le long inventaire, considérablement varié, que dresse le romancier socialiste des agents sociaux, il trace avec lucidité la hiérarchie sociale déjà théorisée par Pierre Bourdieu. À travers les détails qu’il nous partage de la vie de multiples figures se situant dans de divers espaces sociaux, il dépeint les relations entre les trois classes majeures définies par le sociologue : la classe dominante, la petite bourgeoisie et les classes populaires et également les conflits apparemment inéluctables entre elles.

Paul, l’écrivain entre deux âges et issu d’une couche économiquement inférieure qui s’est haussé jusqu’au niveau bourgeois parisien, se sentant déplacé et étranger à son nouveau statut social, est d’un côté en conflit constant avec les dominants et d’autre côté le sujet des critiques dérisoires de la part des dominés, son entourage et précisément parlant les gens qui constituent son habitus primaire. L'habitus préserve une marge de liberté aux agents. Et il est également vrai que l'intégration de contraintes donne aussi une certaine liberté dans un champ donné, rendant même possible la créativité. Il y a dans la notion d'habitus plus qu'une philosophie des contraintes sociales et de leur nécessaire incorporation: une philosophie des capacités ou des savoir-faire acquis, fruits d'une rationalité pratique irréductible à la raison théorique. Pourtant ce ne sont pas la majorité des personnes qui peuvent franchir les limites de leur habitus.

L’intellectuel se jette sur Rozenn, un médecin local avec « ses pompes vernies et son coupé Audi », qui s’est emparé de sa femme et s’est permis non seulement de fréquenter son ancien domicile mais « a filé une fessée » à son petit- fils. L’autre personne, que « quatorze ans n’avaient pas réussi à l’habituer à [sa] présence » et vice versa, est son patron dans la maison d’édition. Bien que Paul reconnaisse en lui les mêmes « froideur », « dureté minérale », « solidité autoritaire » et « absence de tendresse »  de son père, les attribuant à « la plupart des hommes de son âge », il est convaincu que ce qui les éloigne c’est avant tout leur « pedigree » :

« Il ne pouvait s’empêcher, à son corps défendant, inconsciemment sans doute, de signifier en permanence que je n’étais pas des leurs, que je portais les stigmates de mes origines et que cela me distinguait, en bien ou en mal peu importe, mais que cela me distinguait. » (Adam, 2012: 264)

En effet, S’il est qualifié comme « la banlieue enfante forcément des sauvages » et s’il se trouve « mal placé », c’est à cause d’un changement d’habitus. Son habitus primaire, c’est-à-dire son groupe familial, sa position de classe et ses dispositions anciennement acquises et par conséquent plus durables, ne s’adapte pas si facilement à son habitus secondaire, ça veut dire ses études, sa lecture, son milieu professionnel, son nouvel espace social, son vécu et en un mot l’acquisition ultérieure de nouvelles dispositions. Ainsi, chez ses amis, c’est un « étranger », dans la famille un « bobo », « intello », « gauche », et enfin au monde de publication un banlieusard en « exil breton » :

« Ma place n’était plus parmi eux, pas plus que dans cette ville, pas plus que dans cette maison me disais-je, mais où pouvait-elle bien être, puisque à Paris non plus je ne l’avais pas trouvée, pas plus qu’au sein du milieu professionnel dans lequel j’étais supposé évoluer, puisque fuyant aux bords extrêmes du pays j’avais fini par être expulsé de chez moi. » (Adam, 2012 244)

 

Le champ et la domination

Le monde social moderne, selon Pierre Bourdieu, se décompose en une multitude de microcosmes, les champs, dont chacun possède des enjeux, des objets et des intérêts spécifiques (champ littéraire, scientifique, politique, universitaire, juridique, des entreprises, religieux, journalistique). Ces parties de l'espace social sont relativement autonomes, c'est-à-dire libres d'établir leurs propres règles, échappant aux influences hétérologiques d'autres champs sociaux. Un exemple du champ, qui n’est pourtant pas tellement développé par l’auteur, est son propre milieu professionnel, ça veut dire le « monde de l’édition littéraire ». En tête, un patron «froid et autoritaire » qui constate la lutte des différents niveaux du champ, y compris « les dandys narcissiques » qui ne rêvent que de télévision; les fils et les filles de « grands bourgeois » qui ne voyagent en province que pour les vacances, les « normaliens » et les « agrèges » selon qui c’est le « chaos », la « barbarie » et l’ « inculture crasse » qui règnent en banlieue et enfin, en bas de la pyramide de domination les « écrivains primitifs et prolétaires » comme lui.  C’est, faudrait-il le reconnaître, en réalité sous l’influence de la pensée bourdieusienne du social où prédomine une pensée de la domination, y compris dans son analyse des champs savants, esthétiques, etc., qu’Olivier Adam considère tout champ social un lieu du conflit et voire de la lutte. Pour le romancier aussi bien que pour le sociologue, les champs se présentent effectivement comme « des espaces structurés de positions », celles des agents qui œuvrent dans ces « champs de force », dont les propriétés dépendent de leur position dans ces espaces et qui peuvent être analysées indépendamment des caractéristiques de leurs occupants.

Néanmoins, l’exemple le plus représentatif qu’a méticuleusement traité l’écrivain malouin est les milieux professionnels dans lesquels gagnent leur vie les anciens camarades de classe du personnage principal des Lisières comme des exemples de ces microcosmes constituant un espace social où l’on discerne d’emblée des relations de force entre les dominants et les dominés. L'œuvre de Bourdieu est une sociologie de la domination et de la dénonciation de la domination, y compris et surtout là où selon lui elle est la plus cachée. L'opposition dominants/dominés structure toute sa vision du monde sociale. Le concept de domination remplace chez lui le concept marxien d'exploitation. On peut comparer cette notion au concept de pouvoir chez Foucault, surtout que la domination s'exerce selon Bourdieu autant sur le corps que sur les esprits.

Le cas de Jean-François et sa femme qui se classifient parmi ces « soumis » est un exemple de cette résignation d’esprit. Il travaille à Orly comme bagagiste  après bien sûr « une vingtaine d’emplois différents ». Magali « était avant au guichet d’un péage »  mais elle vient de prendre « un emploi de caissière dans une station de service au bord de l’autoroute » à côté de laquelle il y a un café où elle pourrait faire « aussi la serveuse », ce qui lui plaît bien sur car « au moins, là, elle peut aller pisser quand elle veut ». Selon Bourdieu c'est par la culture et la mentalité que les dominants assurent leur domination. La culture et à dire vrai l’éducation est un système de significations hiérarchisées: elle devient un enjeu de luttes entre groupes sociaux dont la finalité est de maintenir les écarts distinctifs entre classes sociales. Dès lors, s'ouvre tout un domaine d'analyse des conflits et de la violence symbolique, qui amène à s'interroger sur les mécanismes par lesquels les dominés participent à l'acceptation de leur domination.

Ce n’est pourtant pas tous les gens qui se soumettent si docilement à ce que leur position sociale leur impose. Les dominés peuvent développer des stratégies de résistance et s'engager dans des luttes. Avant d’attaquer son supérieur qui ne l’a pas « gardé » sous prétexte qu’il n’a pas « l’esprit maison » et qu’il n’a pas « envie de porter la veste de Simply » et qu’on ne sent pas qu’il en est « fier », Stéphane, un autre ami à Paul, prononce un long discours dévoilant les astuces employées par les « petits chefs » pour établir leur dominance et les alibis auxquels ils recourent pour exploiter les inférieurs :

« De quelles compétences j’ai besoin pour encaisser des articles ou foutre un steak entre deux tranches de pain ? Alors pour te virer ils invoquent toujours la même connerie. L’attitude. L’enthousiasme. La motivation. La niaque. Le sourire au travail. L’esprit maison. » (Adam, 2012: 231)

Tout cela pour éviter qu’un salarié réclame un « salaire décent », des « horaires aménagés », une « augmentation », un « congé » et résiste à « travailler le dimanche » ou pose éventuellement une question sur « son avenir dans la boîte ». Ce fait qu’il y a toujours « un plus jeune » étant moins « exigeant » et qui trouve, même d’être «  trop cher » payé incite davantage les dirigeants à poursuivre cette stratégie:

« Des petits chefs relayaient auprès d’encore plus petits qu’eux des instructions, des objectifs et des techniques de management débilitantes que ces derniers appliquaient avec zèle pour satisfaire leur hiérarchie, et tout cet empilement de zèle finissait sur le dos des plus petits, qui assuraient les tâches les plus anodines, les plus ingrates. » (Adam, 2012: 230-231)

Un autre ami, Fabrice, ayant déploré la marginalisation et l’exclusion des immigrants, des noirs et des « musulmans qui menacent l’identité », révèle un autre moyen systématique appliqué cette fois-ci par l’État instrumentalisant une discipline sportive :

« Y a des années, on nous a fait croire que ça y était, que c’était bon, que ça marchait, que tout le monde allait vivre heureux ensemble. Et tu sais pourquoi on devait croire à ça ? À cause d’une putain de match de foot. Blacks Blancs Beurs. » (Adam, 2012: 279)

Cette stratégie et le rôle du gouvernement pour maintenir cet ordre établi entre les dominants et les dominés, Paul, lui-même, en est tout à fait conscient. La preuve c’est que quand sa mère se plaint de la futilité des discussions politiques il s’exalte et s’y oppose se disant:

« Comme si elle-même, petite employée, femme d’ouvrier, fille, petite-fille, arrière-petite-fille de prolétaires, dans le camp des dominés depuis des générations, ne voyait pas du tout en quoi les décisions prises en hautes sphères, les débats qui agitaient la rue et l’Assemblée nationale pouvaient s’appliquer à sa propre vie et à celle de ses enfants. » (Adam, 2012: 282)

Cette domination coloniale et hiérarchisée est explicitement détaillée par un chauffeur de taxi d’après qui les banquiers et les financiers imposent leurs décisions à l’État et par la suite celui-ci transfère à son tour la pression sur les classes moyennes et défavorisées. Selon lui, les « petits branleurs des agences de notation » dictent leur volonté aux politiques et ensuite on demande aux classes moyennes et populaires de « faire leurs efforts » pour résorber une crise dans laquelle elles n’ont « aucune responsabilité ». Parallèlement les banques exigent de l’État qu’il fasse des efforts pour « résorber une dette dont elles sont la cause », de là l’inclination totale devant « les marchés ». Ces stratégies de domination sont fondées sur le mécanisme d’une institution robustement implantée qui n’est que l’école dont le rôle n’est pas passe inaperçu dans l’œuvre ni d’Adam ni de Bourdieu, entre autres La reproduction (1970) et Les Héritiers, Les étudiants et la culture (1964), et dont l’étude du fonctionnement exige d’autres analyses.

 

La distinction des goûts

L'analyse des relations entre les systèmes de classement (le goût) et les conditions d'existence (la classe sociale) qu'ils retraduisent sous une forme transfigurée dans des choix objectivement systématiques (la classe) nous conduit ainsi à « une critique sociale du jugement qui est inséparablement un tableau des classes sociales et des styles de vie». (Bourdieu, 1979: 4e de couverture)

Aux alentours d’où vivait l’auteur et dans la même banlieue, des lignes nettes sont dessinées entre les fractions d’une même classe sociale. Grâce aux efforts de son père et aux crédits dont le remboursement dure toute une vie, la famille de Paul s’est libérée de la cité et ils ont un pavillon dans un lieu enviable de la zone. Leur domicile joue un rôle intermédiaire entre les cités et la prétendue « banlieue chic » dans laquelle habitent des gens tels que Jérôme qui ne se donne plus la peine de fréquenter ses parents. La comparaison du « petit pavillon banal, crépi de rose et mitoyen » de la famille d’ Éric, son meilleur ami, avec la maison de Caroline, « un monde au jardin fleuri de lilas et de glycine, de tables et de chaises peintes en blanc » dont « le salon était rempli de livres, où la chaîne jouait en permanence la musique classique », ou celle de Thomas où « il y avait aussi un bureau-bibliothèque […], la cuisine était lumineuse et richement équipée, le salon triple et doté de canapés en cuir crème posés sur un parquet blond » met une image détaillée des divisions des habitants de la même zone sous les yeux du lecteur.

Les classes populaires ont un habitus fortement marqué par le sens de la nécessité et de l'adaptation à cette nécessité. Ainsi, la soumission à l'urgence les incline à des goûts ou à des choix refusant la gratuité des exercices esthétiques. On voit par exemple les ouvriers dire plus souvent que toutes les autres classes préfèrent, comme eux, les intérieurs « nets et propres », les vêtements « simples ». Dans un long passage, Paul rapporte les conversations qu’il a eues avec son père sur la décoration de la maison montrant en clarté les goûts de ces deux représentants, l’un d’une classe populaire et l’autre socialement « embourgeoisé ». Alors que chez l’ancien syndiqué « le pratique, le confort et la fiabilité [l’emportent] toujours sur tout » le prix qu’a dépensé son fils « à meubler le salon de petits meubles chines, charmants mais presque inutilisables » semble au père absolument « superficiel ». Ce dernier qui n’a pensé toute sa vie qu’au « nécessaire » lui conseille de se « faire aménager une cuisine équipée » tandis que « le bobo » a fait le choix de faire démonter les doubles vitrages au prétexte qu’ils sont « laids avec leur cadre d’aluminium ». Les phrases comme « ce n’est pas pour nous » et « il y a tant de choses qui passent avant » sont les expressions orales de ce qu’appelle Bourdieu « le choix du nécessaire »[17]. C’est en fait un choix doublement prudent d’un objet à la fois « simple », c’est-à-dire aussi peu marqué et aussi peu risqué que possible et « avantageux », c’est-à-dire à la fois bon marché et durable. Contrairement à Adam, Bourdieu préfère un exemple féminin pour illustrer sa pensée :

« Rien n’est plus étranger aux femmes des classes populaires que l’idée, typiquement bourgeoise, de faire de chaque objet de leur intérieur l’occasion d’un choix esthétique, de porter jusque dans la salle de bains ou la cuisine, lieux strictement définis par leur fonction, l’intention d’harmonie ou de beauté. » (Bourdieu, 1979: 508)

Cette « distinction » perdure d’une génération à l’autre quand l’écrivain décrit les appartements de Stéphane et Éric, adultes, le premier déchu, affligé par le quotidien et enfermé dans la banlieue où il vit depuis toujours et le deuxième, suffisamment rémunéré à la capitale. Le caissier du Simply, regrettant de ne pas avoir écouté son père qui l’encourageait à faire de bonnes études habite un appartement « désert » où « le salon [fait] office de chambre à coucher et la seule autre pièce est réservée à ses deux filles. En contrepartie, l’appartement de l’ingénieur, l’exemple des rares personnes s’étant libérés les contraintes de leur habitus pour changer leur destins, est « au sixième étage d’un immeuble moderne », dominant la Seine, « entièrement blanc » avec « les murs éclaires par divers halogènes » et dont « le sol [est] en parquet flottant ». Ce domicile bourgeois nous rappelle l’appartement de Thomas que ce même Eric n’avait pas la permission de fréquenter quand ils étaient adolescents.

Cette classification se manifeste ouvertement à travers la contraste qu’établit le jeune auteur entre le sport favori de son père et en gros ceux qui ont la plus de popularité chez sa famille et le sport préféré de Paul, le futur membre de la nouvelle bourgeoisie. Celui-ci, méprisant « ces grands gamins couvert de pognon » qui jouent au football ne cesse d’exprimer  çà et là son admiration à l’égard du tennis. « Persuadé que l’élégance et la sophistication de ce sport » le distingue des autres disciplines, il s’est toute sa vie « rêvé en Edberg[18], Sampras[19] et Fédérer[20] ». Même si dans sa famille « on ne jurait que par le vélo, le foot, le rugby à la rigueur », le cadet a choisi le suédois Stefan Edberg comme modèle, le considérant le point culminant de classe. Pour cela, on pourrait trouver des raisons bien évidentes comme l’exigence d’apprentissage précoce, la tenue et bien sur les moyens pour les cours et les équipements. Les grimaces des parents de Paul en signant les chèques d’inscription en témoignent visiblement. De fait, autant que l’on s’élève dans la hiérarchie des classes, on s’éloigne des sports d’équipe, nécessitant plus d’engagement, violence, énergie et contact, et l’on s’approche des sports plus individuels:

« L’échange sportif y revêt l’allure d’un échange social hautement policé, excluant toute violence physique ou verbale, tout usage anomique du corps (cris, gestes désordonnés, etc.) et surtout toute espèce de contact direct entre les adversaires (souvent séparés par l’organisation même de l’espace de jeu et différents rites d’ouverture et de clôture). » (Bourdieu, 1979: 279)

Ce penchant envers le prestige et l’affinité s’oppose radicalement au choix de son père, le parfait représentant de la classe ouvrière. Parmi tous les cyclistes bien réputés de l’époque, le favori du chef de la famille n’est que Richard Virenque[21], bien qu’il se soit dopé et malgré ses « fautes de français ». C’est ainsi qu’il prend position contre les « petits Parisiens bourgeois prétentieux méprisants » qui raillent la manière dont le champion parle. Ici la langue et le sport s’entremêlent pour manifester une double distinction:

« Tout ce qui les intéresse c’est de se foutre de sa gueule parce que c’est un petit gars du peuple, qu’il n’a pas fait d’études et qu’il parle pas bien le français. C’est à gerber, de se moquer de quelqu’un pour ça. Tu vois, mes grands-parents à moi, ils étaient paysans. C’étaient pas des cons pour autant. C’étaient des gens bien. Courageux. Droits. Ils parlaient encore moins bien que lui. » (Adam, 2012: 140)

Cette question de langue est bien entendu l’un des éléments les plus marquants, pour ne pas dire le plus révélateur, dans la société. Si Pascal « ne cesse de rappeler que l'ordre social n'est que l'ordre des corps » (Bourdieu, 1997: 201) c’est parce que les contraintes sociales s'exercent et s'inscrivent avant tout sur les corps et les dominés intériorisent leur infériorité sociale en l'incorporant, sous forme de maladresse corporelle et de timidité.

 « Le faux pas » dont avaient peur ses parents quand ils assistaient aux concerts et aux auditions de son frère est le reflet de l’inquiétude d’un homme et une femme de la classe populaire qui semblent « terriblement déplacés, gênés d’être là au milieu des parents de la petite-bourgeoise locale » au niveau du comportement et du corps. Pensant que l’on vieillit « mieux » à Saint-Germain-des-Prés et apparemment « moins vite » qu’en banlieue, le narrateur remarque le corps de ses parents qui s’est mis « à se voûter un peu » dans une vie où « chaque dépense est une torture » et « les fins de mois commencent le 10 ». Ces corps quasiment voûtés se plient davantage à l’hôpital devant un médecin, le bon représentant d’un dominant, symbolisant la résignation des dominés en présence des supérieurs:

« Mon père a acquiescé comme un enfant devant son maître. Face aux médecins mes parents baissaient toujours la tête, arboraient des voix et des attitudes que je ne leur connaissais pas, soumises, impressionnées. Je m’étais souvent demandé si c’est ainsi qu’ils se comportaient également devant leurs patrons. » (Adam, 2012: 87)

Selon l’auteur, si ce couple ne pose « la moindre question » et n’exige « la moindre explication » c’est parce qu’ils croient que le docteur a « d’autres patients bien plus importants » qu’eux à traiter et cette « impatiente » n’est pas liée à la gravité de leur état mais à « leur statut social ». C’est d’une telle façon que le langage, le corps et le comportement s’unissent pour former une représentation flagrante de la soumission des dominés face aux dominants. Produit social, le corps, seule manifestation sensible de la « personne », est perçu comme l’expression la plus naturelle de la nature profonde. C’est pour cela que les faiblesses et les forces sont accentuées par les différences de maintien, différences dans la manière de porter le corps, de se porter, de se comporter où s’exprime tout le rapport au monde social. C’est avec ces mots qu’opine le sociologue quand il fait lien entre le corps et l’espace social:

« Ainsi se dessine un espace des corps de classe qui, aux hasards biologiques près, tend à reproduire dans sa logique spécifique la structure de l’espace social. » (Bourdieu, 1979: 349)

En nous partageant l’opinion de ses parents sur ses livres, le narrateur fournit un rapport immédiat du jugement d’un couple issu de la classe ouvrière, pour qui le métier d’auteur signifie être en « vacances perpétuelles ou à la retraite », sur les doubles des livres d’Adam lui-même pour son lecteur. Sa mère, n’ayant pas l’habitude de lire, ne cache pas que « les livres lui [prennent] la tête et [ceux de son fils] en particulier ». Si l’on fait une liste des sujets abordés par Olivier Adam tels que « le fossé de classe sociale », la vague de « xénophobie ordinaire »[22] et la répartition inégale de la richesse dans une œuvre où il n’y a que les « failles mêmes derrière les plus belles carapaces », on se rend compte des raisons pour lesquelles ses écrits n’intéressent pas à une femme au foyer qui s’est vouée à sa famille et dont la lecture se limite à Télé Loisirs[23] ou Femme Actuelle[24].

Chez son père, cette expression d’opinion prend une double fonction. D’une part, à l’instar de sa mère, il ne s’est pas retenu de s’exprimer sur « ces narrateurs qu’il détestait tant, qu’il [lui] avait maintes fois confessé avoir envie de gifler, ces types faibles qui s’écoutaient, enculaient les mouches et  le répugnaient » et l’évident c’est que « ces types » n’étaient autres que l’auteur lui-même. En déclarant cette sentence, le père traditionnel place son fils aux antipodes de ses propres valeurs de même que de l’espace social dans lequel, eux, tous les deux ont vu le jour et grandi : « dépouillé des convenances et des obligations ». D’autre part, considérant « trop intime », « trop impudique » et « trop vulgaire » ce qu’a rédigé son cadet dans ses « livres sombres », le retraité porte de surcroît un jugement moral, propre à une couche sociale qui se réserve une vaste marge de pudeur et conservatisme, visiblement à l’opposé d’un individu « tout à fait libre d’être lui-même, pour le meilleur ou pour le pire ».

À l’aide de l’écran aussi, Adam effectue une double différenciation, d’abord entre Paul et sa famille par le petit écran et ensuite entre Paul et ses amis par le grand écran. Lorsqu’il demande à Éric s’il aime « toujours autant le cinéma » la réponse que reçoit l’intellectuel n’est pas sans ironie :

« Pas le même que toi. Quand je rentre du boulot j’ai besoin de me détendre. Je sais que tu dois trouver ça vulgaire, mais c’est comme ça, tout le monde n’a pas envie de passer sa vie à se prendre la tête. » (Adam, 2012: 116)

C’était ce même Éric qui « louait au club de vidéo de centre-ville » les VHS qu’ils regardaient du soir au matin pendant leur adolescence. Ce n’est donc pas si étonnant de l’entendre dire d’un air «  un peu interrogatif », après avoir visionné le dernier Kusturica[25] et un film de Ken Loach[26] « tu as vraiment aimé ça ? ». La raison se voit dans ce fait que l’écrivain s’est déjà démarqué dès son adolescence en regardant « les films du Cinéma de minuit[27], les cycles de Truffaut[28], Godard[29] » ainsi que les « films d’Ozu[30] et du cinéma de Naomi Kawase[31] ou de Kore-eda[32] ».

À l’autre extrême de ses choix audiovisuels se trouvent ceux de ses parents qui ont consacré leur vie à « regarder les émissions débiles » de la télévision, tout au contraire des parents de Caroline, exemple d’une famille cultivée « où la télévision ne [sert] que rarement, réservée au visionnage de films, anciens ou inconnus pour la plupart ». Sa mère ne se lasse « jamais de ses feuilletons débiles où des gens blindés de fric passent leur vie à se trahir, à se tromper et à fourbir des complots sentimentalo-industriels ». Celle-ci se classifie parmi des millions de femmes au foyer commençant leur journée avec « les émissions du matin à la télé » et passent leur journée en regardant « les vieilles séries, les vieux téléfilms aux couleurs fanées, aux intrigues lentes ». Son père, lui aussi, ne cesse de zapper les chaines « jusqu'à s’arrêter sur un jeu à la con », les yeux rivés sur un concours culinaire pour savoir lequel des participants peut enfin « monter sa mayonnaise » alors qu’il ne sait « même pas se faire cuire des pâtes ».

Cette critique venimeuse vis-à-vis cette « obsession de la bouffe » et ce point de vue méprisant sur les programmes où l’on doit deviner un mot, maquiller un autre ou « massacrer » une chanson nostalgique est évoquée avec ces termes teintés des soucis pour l’éducation nationale par le narrateur intellectuel:

« Ces inepties qu’à défaut d’interdire on aurait pu taxer massivement afin de renflouer les caisses des ministères de la Culture et de l’Education nationale, dont elles insultaient le travail, sapaient l’action, en vertu de principe de lobotomisation[33]sur lesquelles elles fondaient leur travail. » (Adam, 2012: 55-56)

L’étude scrupuleuse qu’a faite Olivier Adam des microsomes de la France de la fin du XXe et le début du XXIe siècle est approfondie par son recours aux medias et voire aux remarquables figures médiatiques représentant une tendance sociopolitique quelconque. Il clive d’abord les deux camps gauche et droit qui occupent l’espace politique de France de même que de l’Europe entière en relatant le revirement radical de son frère d’un gauche ardent à un électeur fervent de  droite à la suite d’une série de bagarres avec des « types descendues de la cité d’une ville voisine ». Cet ancien lecteur de Charlie Hebdo[34] et L’Humanité[35], rapporte désormais « chaque matin Le Figaro que [jette son père] aussitôt à la poubelle ». L’adolescent de quinze ans qui était « branché du matin au soir sur Radio Libératoire » et qui écoutait Jacques Higelin[36], Bernard Lavilliers[37] et Hubert-Félix Thiéfaine[38] change de cape considérant dès lors Charles Pasqua[39] « comme un sérieux gage » pour ses options électorales.

Cette distinction au niveau de la presse écrite est évoquée d’une manière plus délicate quand le narrateur décrit le père de Caroline, une famille petite-bourgeoise du voisinage, en citant Télérama[40] et Le Nouvel Observateur[41] pour donner une idée sur son niveau culturel au lecteur alors que « la table de chevet [de sa propre mère est] couverte des revues people[42] » ou plus ouvertement dans le passage où Stéphane s’efforce, en vain évidemment, à introduire l’auteur à des locaux en rémunérant les presses dans lesquelles ils peuvent lire sur lui alors que le seul qui pourrait leur être familier est un quotidien sportif :

« - Vous savez, on parle de lui dans les journaux … Enfin, dans les pages livres, bien sûr. Dans Le Nouvel Obs., Télérama, Le Monde.

Ils ont haussé les épaules en chœur. Tant que mon nom n’apparaisse pas dans L’Équipe[43] il y avait peu de chance qu’ils tombent dessus un jour. » (Adam, 2012: 155)


 

Figure 2 : La Distinction. Critique sociale du jugement 1979: 362.

 

 

Cette analyse de la stratification sociale s’étend chez Bourdieu jusqu'à ce point où il fait une distinction des dominants et des dominés au sein même de la classe dominante. Ainsi, dans l’opposition entre Le Figaro ou L’Express et Le Nouvel Observateur s’expriment l’opposition entre les fractions dominantes et les fractions dominées, entre le privé et le public, et, plus précisément, entre les patrons les plus proches du pôle privé du champ économique, les moins riches en capital scolaire, les cadres du secteur privé d’un côté et de l’autre les cadres du secteur public et les professeurs :

« On a ainsi à un pôle les gros commerçants et les industriels qui, faibles lecteurs, lisent surtout des quotidiens omnibus et Le Figaro, à l’autre, les professeurs (et, plus loin encore, les intellectuels) qui, forts lecteurs, lisent surtout Le Monde et L’Humanité ou Le Nouvel Observateur. » (Bourdieu, 1979: 584)

Classeurs classés par leurs jugements, les sujets sociaux se distinguent par les distinctions qu'ils opèrent entre le savoureux et l'insipide, le beau et le laid, le chic et le chiqué, le distingué et le vulgaire etc. et où s'exprime ou se trahit leur position dans les classements objectifs. C’est ce qu’avec tant de scrupules a décrit Olivier Adam dans son roman intense.

Conclusion

Roman d'une grande ambition, bouleversant par les questions qu'il soulève, Les Lisières, rappelant en même temps les romans-fleuves, est ainsi un livre très singulier, mais aussi éminemment politique, ayant une vision de l'époque, aiguë et engagée. C’est un tableau puissamment incarné de la France de nos jours, d'une géographie minutieuse, bien vivante, de ce pays devenu majoritaire, relégué à la périphérie des villes, ouvriers, employés, cadres moyens, jeunes familles, habitants des cités, des lotissements et des banlieues.

Par l’intermédiaire de la sociologie de Bourdieu qui est plus une pensée de la distinction et des principes de distinction et de classement qu'une pensée des classes réelles, on s’est efforcé d’aborder les questions traitées par le jeune auteur dans ce roman volumineux. On a employé les notions clés du sociologue telles que l’espace social qui a remplacé le clivage traditionnel des classes; le champ où se déroulent de nombreuses  luttes pour perpétuer la domination de même que pour renverser l’ordre déjà établi; et enfin l'habitus qui nous fait trouver naturels et allant de soi des traits de la vie sociale, que la société a en fait construits puis « naturalisés » afin de les légitimer pour en dévoiler les techniques. À travers l’étude que l’on a faite sur d’innombrables personnages que le romancier a créés dans son livre intergénérationnel, on a tenté de mettre un coup de projecteur sur les méthodes visibles et invisibles de cette légitimation.

Enfin, en abordant les éléments tels que la décoration et l’ameublement, le sport, la presse écrite, la télévision et le cinéma, on a effectué une étude distinctive des goûts et des styles de vie de deux couches sociales: la classe populaire et la petite bourgeoisie.

Cette hiérarchie et l’écart qui s’ensuit fondent également les trames d’un autre phénomène social qui contribue à la persistance de ce fossé qui divise si amèrement les classes : la reproduction. L’étude de son mécanisme exige d’autres travaux qui, d’une part complètent le portrait que brosse Olivier Adam de la société française actuelle et d’autre part éclaircit davantage les tentatives de Pierre Bourdieu pour expliquer les procédés favorisant l’invulnérabilité de cet ordre stable et persistant



[1] Prix littéraire attribué sous ce nom depuis 2001, succédé au prix Bretagne créé en 1961. Il couronne chaque année un auteur d'origine bretonne ou ami de la Bretagne.

[2] Magazine hebdomadaire français destiné aux professionnels du livre, principalement aux libraires, aux éditeurs et aux bibliothécaires.

[3] Présenté dans les Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action (1994).

[4] L'Ancien Régime est en effet le nom donné au régime politique de l'histoire de France qui prévalait durant les deux siècles antérieurs à la Révolution française.

[5] Parti politique français d'extrême droite, fondé en 1972.

[6] Les termes entre guillemets dans ce fragment de l’article se réfèrent au graphe de l’« espace des positions sociales et espace de style de vie » de Bourdieu publié dans ses Raisons pratiques : sur la théorie de l'action (1994).

[7] Présidente du Front national depuis 2011, un parti politique d’extrême droite, connu sous le nom du Rassemblement national depuis le premier juin 2018.

[8] Le plus ancien quotidien de la presse française encore publié dont la ligne éditoriale est de droite gaulliste.

[9] Magazine d'actualité hebdomadaire français, traditionnellement classé au centre-droit.

[10] Le Rassemblement pour la République est un ancien parti politique français, classé à droite.

[11] L'Union pour un mouvement populaire (UMP) est un parti politique français classé du centre droit à la droite.

[12] Surnom donné à Marine Le Pen, la présidente du FN.

[13] Le titre d’un livre de Pierre Bourdieu, publié en 1998.

[14] L’enseigne belge d'extincteur.

[15] Auchan Supermarché est une enseigne française de supermarchés, apparue en 2005 sous le nom « Simply Market ».

[16] Banque française.

[17] Le titre du septième chapitre de sa Distinction (1979).

[18] Joueur de tennis suédois qui a remporté 42 titres dont six titres du Grand Chelem.

[19] Joueur de tennis américain qui a remporté 64 titres en simple dont 14 tournois du Grand Chelem.

[20] Joueur de tennis suisse qui détient le record de 20 victoires dans les tournois du Grand Chelem.

[21] Coureur cycliste français, populaire à l'époque et connu pour son implication dans un scandale de dopage.

[22] Marquée surtout par la montée du Front National, parti extrême droite.

[23] Hebdomadaire de la presse de télévision française.

[24] Magazine hebdomadaire féminin français qui se vend rapidement à 2 millions d'exemplaires.

[25] Cinéaste, acteur et musicien serbe qui a été deux fois lauréat de la Palme d'or au Festival de Cannes.

[26] Réalisateur britannique dont le style naturaliste s'axe sur une étude de la misère au Royaume-Uni.

[27] Une émission de télévision française consacrée au cinéma dit « classique » ou ciné-club.

[28] Cinéaste français, figure majeure de la Nouvelle Vague.

[29] Auteur complet de ses films, il en est un des fondateurs de la Nouvelle Vague.

[30] Réalisateur japonais dont l’esthétique a la particularité de mettre en scène le charme triste des choses.

[31] Réalisatrice et écrivaine japonaise qui s'est distinguée aussi bien pour ses fictions que pour ses documentaires.

[32] Réalisateur japonais, réputé pour son approche novatrice, non spectaculaire et quasiment documentaire.

[33] Intervention chirurgicale sur le cerveau consistant en une section de la substance blanche du lobe frontal.

[34] Hebdomadaire satirique français qui fait une large place aux illustrations.

[35] Journal français, socialiste jusqu'en 1920, puis communiste.

[36] Auteur-compositeur-interprète et comédien français avec certaines prises de position politiques ou militantes.

[37] Auteur-compositeur-interprète français adhérant au parti communiste.

[38] Auteur-compositeur-interprète français dont l’œuvre est marquée d'inspirations littéraires variées.

[39] Homme politique gaulliste

[40] Magazine culturel français à parution hebdomadaire avec la vocation de publier les programmes de télévision.

[41] Magazine d'actualité hebdomadaire français classé à gauche, avec une ligne sociale-démocrate.

[42] La presse people traite de l'actualité et de la vie privée des personnes publiques et des célébrités.

[43] Journal quotidien sportif français, propriété du Groupe Amaury.

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