نوع مقاله : مقاله پژوهشی
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Introduction
Le 19e siècle français, avec plusieurs révolutions et évolutions, présente des changements dans la société. Spécialement, dans le mouvement de libéralisation qui domine l’ensemble du siècle, la réussite et la popularité croissante des journaux ont des répercussions importantes sur la société et sur l’imaginaire social. Après les horreurs de la Révolution, en même temps que les évolutions positives, une pensée sociale et pessimiste du monde se développe. Les règles disciplinaires du classicisme, bouleversées par l'art, sont réintroduites dans le système éducatif par Napoléon 1er. A la suite de la Révolution et des changements dans la pensée française, le mouvement romantique et le réalisme entrainent successivement une liberté d’expression et une séparation des règles du classicisme. Le réalisme, apparait après la Révolution de 1848, conserve l’idéologie du «vrai» du romantisme, tout en se détachant du sentimentalisme et de l’idéalisme qui lui sont reprochés. Dans ce contexte bouleversé et instable, la société française au XIXesiècle est marquée par un esprit assez pessimiste, qui se renforce avec l’approche du XXe siècle. Dans cette étude, nous avons l’intention d’étudier l’écriture de Maupassant, la création et les caractéristiques propres à ses personnages, en s’appuyant sur un corpus précis composé de récits brefs de cet écrivain.
L’écriture maupassantienne
À la fin du siècle, Maupassant se presente comme plusieurs auteurs dont l’écriture consiste à la représentation d’une vision pessimiste de la société.
«Les œuvres de Maupassant sont toutes sensiblement différentes, tant au niveau des contenus qu’à celui de la composition ou de la tonalité affective générale, contrairement au genre de la nouvelle où Maupassant semble avoir conservé toujours la même manière, comme si en rédigeant au début de sa carrière Boule de suif, il avait pu accéder à une maîtrise parfaite et définitive de la forme brève.» (Roy, 1996: 1)
Mais le genre romanesque demeure quand même tout au long de sa carrière un lieu d’expérimentation et de renouvellement de forme. Cette originalité de l’auteur a été très vite remarquée par les critiques, de sorte que Paul Bourget affirme, dans son ouvrage intitulé Études et portraits, que l’écrivain faisait preuve, de son vivant, d’un «effort ininterrompu pour varier sans cesse son faire», ayant l'inquétude de «construire chaque livre sur un type particulier et avec des procédés inemployés, ou employés autrement» (Bourget, 1906: 313)
Bourget donne aussi une description détaillée des romans de Maupassant et essaie de mettre en évidence la vérité de chacune d’elle du point de vue formelle. Il explique que sauf Mont-Oriol, les œuvres de notre écrivain est comme une «suite de petits tableaux presque détachés»: Une vie illustre «une existence usée à une monotone attente»; «à la manière de Le Sage», Bel-Ami est un «rajeunissement du roman d’aventures, remis au point du monde parisien»; Pierre et Jean constitue un«drame serré, distribué en courtes scènes et suivi avec la rigueur d’une tragédie»; et finalement, Fort comme la mort et Notre cœur, représentent deux échantillons du «roman d’analyse» issus d’« un psychologue qui sait rester visionnaire.» (Ibid., 314) Bourget continue en disant que,
«[…] cette variété dans la facture s’accompagne d’une variété non moins remarquable dans la matière ainsi traitée. Il est visible qu’à chacun de ces livres renouvelés dans leur aspect extérieur, un renouvellement parallèle s’est accompli dans le champ de l’observation.» (Idem.)
Maupassant commence d’abord à dépeindre la campagne normande, puis la petite noblesse qui perd peu à peu de sa valeur et ensuite il se penche sur le monde de la politique et du journalisme crapuleux de la grande capitale.
«Puis c’est le tableau bucolique et satirique de l’essor d’une station thermale en Auvergne; suivi d’un retour en Normandie, dans une famille bourgeoise de la ville portuaire du Havre; enfin les deux derniers romans, qui ont pour cadre les salons et les antichambres de la haute société parisienne, fréquentés par les artistes et les gens du monde, annoncent, selon certains critiques, l’œuvre de Proust.» (Roy, 1996: 2)
La source d’inspiration de Maupassant
Dans l’intention de dégager les traits et les points importants de son inspiration, André Vial a fait des études et dans son important ouvrage sur Maupassant et l’art du roman, paru en 1954, a annoncé que la production romanesque de Maupassant qui est en évolution représente une simple variété. Pour prouver son affirmation, Vial a découpé l’œuvre du romancier en quatre «moments» (Vial, 1954: 354). Le premier moment est représenté par le premier roman dont la structure narrative ressemble à Un Cœur simple, donc on pourrait dire qu’il serait d’inspiration flaubertienne. Il explique encore que si Une vie se définit comme la «lente élaboration intime d’une organisation morale» (Ibid., 357), on pourrait considérer Bel-Ami et Mont-Oriol, comme le deuxième moment de l’évolution romanesque de Maupassant, du fait que ces œuvres témoignent d’un «élargissement dans la conception du sujet» (Ibid., 363). Vial affirme que ce deuxième moment de l’œuvre de Maupassant est plutôt d’inspiration balzacienne, car leur arrière-fond historique est plus appuyé. On y distingue un panorama social plus élargi, et un temps narratif plus serré: alors que le premier roman raconte l’histoire d’«une vie», l’action de Bel-Ami s’étend sur environ trois années, et celle de Mont-Oriol sur un peu plus d’un an seulement.
Le troisième moment de l’œuvre romanesque de Maupassant selon la division de Vial est représenté avec Pierre et Jean. Le mouvement de concentration du temps narratif que ce critique a distingué dans le moment précédent atteint son apogée dans ce roman: cette œuvre se présente comme «l’analyse et le récit d’une crise brutale et décisive» (Idem.), la durée de l’action se limite à quelques semaines seulement. À part ce resserrement du temps narratif nous avons «un brusque rétrécissement» du nombre de personnages aussi. (Idem.)
Les critiques pensent que Pierre et Jean constitue un point tournant dans l’œuvre du romancier. Dans l’un de ses chapitres, André Vial, en s’appuyant sur la typologie de Jules Lemaitre du «roman biographique» au «roman drame» (Lemaître, 1989: 7) affirme que Maupassant passe avec Pierre et Jean «du roman de mœurs au roman psychologique» (Idem.). Edward Sullivan explique cette transition en disant que l’écrivain aimait Mont-Oriel moins que ses autres romans, et pensaitqu’il devait renouveler sa conception première de l’écriture romanesque. C’est pour cette raison, que Maupassant aurait composé l’étude sur «Le Roman», adjointe à Pierre et Jean comme préface. Maintenant, selon Pierre Danger, Maupassant ne cherche plus à emprunter des formes balzaciennes ou flaubertiennes, comme il l’aurait fait pour ses trois premiers romans, c’est pourquoi Pierre et Jean se trouve «au centre de l’œuvre» et constitue «le pivot autour duquel tout bascule». (Danger, 1993: 161)
Cette décision chez l’écrivain peut avoir aussi une raison d’ordre psychologique. Déjà, Jules Lemaître relevait dans Mont-Oriol, mais surtout dans les romans qui suivent, un «attendrissement» de l’écrivain, qui jusque-là se distingue par le regard froid et détaché qu’il pose sur les êtres et le monde (Lemaître, 1993: 161). Avec Pierre et Jean, Maupassant nous donnele «roman de la confession la plus intime, de l’aveu essentiel sur la vraie nature de sa blessure secrète». (Ibid., 7-8). Pierre Danger aussi explique ainsi ce fait: «Après Pierre et Jean, quelque chose a changé. Les deux derniers romans sont ceux de l’authenticité retrouvée, peut-être tout simplement de l’authenticité acceptée.» (Danger, 1993: 128)
Le quatrième et dernier moment de l’évolution romanesque de Maupassant apparaît selon Vial avec Fort comme la mort et Notre cœur. Maupassant passe maintenant du «roman de crise» au «roman pathétique» (Vial, 1954: 356), bien que les trois derniers romans aient comme caractéristique commune d’être le récit de «la souffrance de trois hommes» (Ibid., 370). Mary Donaldson-Evans montre qu’à mesure que progresse l’œuvre romanesque cette souffrance est directement reliée au rôle nouveau que prend la femme: tandis que dans Une vie la femme est une «mère nourricière» dans Notre cœur, elle devient «femme fatale» (Donaldson-Evans, 1986: pp. 770-772). Cette transformation progressive serait montrée dans l’opposition vie/mort qui apparaît dans le titre du premier et du cinquième roman: Une vie et Fort comme la mort. En considérant la structure spatiale des dernières œuvres, Louis Forestier parvient à cette fin dans l’édition des nouvelles de Maupassant que «l’espace du roman conduit à l’anéantissement de l’homme» (Forestier, 1974: XVI).
Les personnages dans les quatre moments de l’évolution romanesque de Maupassant
Dans Fort comme la mort et Notre cœur la durée de l’action s’allonge, tandis que nous distinguons la diminution du nombre de personnages principaux; de même l’espace se réduit à quelques lieux clos dans le dernier roman.
Nous avons déjà vu que le rétrécissement du nombre de personnage a commencé au troisième moment de l’évolution romanesque de notre écrivain, et maintenant le quatrième moment se caractérise, outre les caractéristiques narratives citées, par le fait que des personnages d’artistes peintre, romancier, sculpteur, musicien occupent le devant de la scène. Forestier explique que, «L’écrivain se met au cœur de sa propre création sous la figure même d’un artiste. Il devient le centre et le héros de l’œuvre qu’il est en train de créer.» (Ibid., XXXIII)
Nous avons alors ici une autoreprésentation de l’écrivain par des personnages d’artistes, qui fait que l’œuvre se retourne sur elle-même. D’après E. Sullivan, «l’écrivain éprouvait en ce moment difficile de sa vie, le besoin d’un retour aux origines et d’un second départ» (Sullivan, 1972: 165). Dans son roman inachevé intitulée L’Angélus, Maupassant raconte sa fuite avant l’entrée des Prussiens en 1870, et son internement forcé, juste après la création de Boule de suif. Avec ce roman qui est encore le récit de l’humiliation d’une femme et de son pays, nous pouvons dire que de Boule de suif à L’Angélus, la trajectoire de Maupassant aurait été celle d’un cercle complet.
Après ce bref survol sur la structure narrative des nouvelles de Maupassant, nous allons passer à la création des personnages et leurs caractéristiques.
Le héros maupassantien représentant un problème onomastique et identitaire
Comme nous l’avons déjà dit, au XIXe siècle, l’âge d’or du roman, le personnage, autour duquel tout se crée, et qui est comme le centre, a effectué des changements sur le genre littéraire. Donc, le roman gagne sa force des personnages.
Les personnages de Maupassant ont tous un modèle dans la réalité. Même si certains d’autres sont imaginaires, leurs comportements correspondent à la réalité, et sont représentants des caractéristiques de leur classe sociale.
Les narratologues ont souligné le fait qu’un personnage de fiction constitue d’abord un nom, qui sert de rubrique à une série de caractéristiques physiques, psychologiques, sociologiques, etc. Maupassant se situe en amont de cette théorie du personnage avec Bel-Ami, puisque le nom même du protagoniste principal pose problème. Rappelons en effet, que pour obéir à ses ambitions nobiliaires, Georges Duroy change successivement son patronyme pour adopter ceux de Georges Du Roy et Georges Du Roy de Cantel, avant de finalement s’adjoindre le titre de baron. Rappelons aussi que tous les autres personnages, ou à peu près, le désignent par son surnom de Bel-Ami, lequel comme nous l’avons déjà dit, fournit le titre du roman. À l’encontre du personnage kafkaïen, qui s’efface derrière une simple initiale, et en l’absence de toute caractérisation physique ou psychologique, le héros maupassantien représente avant tout un problème onomastique et identitaire.
L’auteur et la création du personnage
Selon Bajtin (1999), l’auteur, en donnant de la vie à ses personnages, devient leur responsable. Il doit offrir à chaque moment un panorama de l’objet de l’œuvre à travers sa création, et doit faire sentir et voir les sentiments positifs ou négatifs en utilisant les éléments nécessaires. L’auteur doit être conscient de sa responsabilité avec l’histoire qu’il a créée. Son travail est de transformer un personnage et de lui donner les caractéristiques les plus réels possibles. (Analyse du personnage Georges Duroy en tant que représentant de la société du XIXème siècle dans le roman Bel- Ami de Guy de Maupassant, 2011, p. 41.)
Une autre responsabilité de l’auteur c’est l’esthétique du personnage; il doit les créer de façon réelle. Donc l’image qu’il offre de ses personnages doit être très complète et très réelle. On peut considérer cet effort comme une certaine lutte avec lui-même. La connaissance que le lecteur obtient du personnage c’est une connaissance objective qu’il trouve dans l’histoire. C'est-à-dire, il saisit par les sens et l'esprit la force du personnage sans rien savoir à propos de son évolution psychologique. Même si le lecteur fait des hypothèses, cela n’a rien à voir avec l’esthétique.
À la suite d’un travail continu et minutieux, l’auteur crée un personnage et lui donne des attitudes et des valeurs morales positives et acceptables. Mais il doit s’éloigner de lui, car cette création doit avoir aussi son indépendance. La conscience que l’auteur donne à son personnage, c'est un point important. L’auteur, en tant que le créateur qui connaît tout de l’histoire et des personnages, doit étudier de façon approfondie la conscience du personnage.
Enfin, l’auteur doit rester à l’extérieur par rapport à son personnage; ils doivent être différents et avoir chacun leur propre personnalité. À vrai dire, l’auteur doit devenir «un autre», et laisser son personnage libre pour agir et se développer dans de différentes situations de la vie. C’est ce que Bajtin appelle «l’extraposition» (Bajtin, 1999: 22). À partir de là, le personnage aurra sa propre vie et existe dans l’histoire.
Quant au lecteur, Bajtin pense que celui-ci peut aller encore plus loin que le personnage. Bien qu'il ne sache rien à propos de la pensée du personnage, le lecteur doit se croire cet autre et vivre la réalité concrète de lui. Là encore, c'est une extraposition où le lecteur, dans un espace et un moment déterminés, peut sentir le personnage et comprendre son monde depuis son intérieur. Le lecteur redevient lui-même quand la lecture est terminée,
Les personnages vivants de Maupassant
Les personnages de Maupassant nous semblent très vivants. Ceux de son premier roman sont inspirés de personnes réelles, personnes-modèles; nous pensons que Maupassant les a rencontrés pendant sa vie et dont il a conservé le souvenir. Maupassant écrit une lettre (1889) à la comtesse Potocka, où il parlait de sa mère: «Ah ! La pauvre femme, a-t-elle été écrasée, broyée et martyrisée sans répit depuis son mariage». (Maupassant, 1983: 367)
On pourrait aisément appliquer ces termes à Jeanne, le personnage d’Une Vie, roman qui est une sorte de biographie imaginaire de son auteur. La solitude de Jeanne, quand elle reste immobile, se ressemble à la solitude de la mère de Maupassant. C’est Jeanne qui «rest[e] là des jours entiers, immobile, les yeux plantés sur la flamme, laissant aller à l’aventure ses lamentables pensées et suivant le triste défilé de ses misères» (Maupassant, 2013 : 185).
Même si Maupassant était très discret sur sa vie, c’est lui-même qui a choisi certains «fragments» de sa vie privée, et a laissé libre cours à certaines réminiscences autobiographiques à travers ses personnages. D’ailleurs, l’étymologie du mot «personnage», nous conduit à persona: les masques de l’acteur. Or, comme le remarque très justement Louis Forestier, il est évident que les «personnages […] sont le plus souvent des masques derrière lesquels se cache l’auteur» (Forestier, 1974: XXXVIII). Cela nous fait penser à la phrase célèbre de Flaubert qui dit «Madame Bovary, c’est moi»: une identification qui reste toujours problématique, puisque son personnage, pénétré dans son intérieur, le fait igniorant de son propre moi. À vrai dire, dans cette situation l’auteur et le personnage se rapprochent. Cela semble toujours possible à différents degrés entre ces deux, dont l’un existe en chair et en os, et l’autre peut être fictif ou de modèle réel, or cela se réalise à condition que l’auteur donne de l’épaisseur à ces créations.
Encore dans Une Vie, nous constatons la «parenté» entre Paul (enfant de Jeanne) et Hervé (enfant de Laure et frère de Guy). Citons, à cet égard: «On se souvient en revanche des procédés d’Hervé de Maupassant, qui servit de modèle, et des épithètes dont Guy qualifiait son frère» (Maupassant, 1954: 42).
Mais l’énergie étalée par Laure nous reporte à celle de Rosalie, la sœur de lait de Jeanne. Certaines sensations de Jeanne et rapportées dans le roman sont du vécu: des «sensations-souvenirs». Il y a une relation très étroite entre Jeanne et la mer, qu’elle appelle sa «grande amie», et que l’auteur décrit au début comme une mère. Cela montre que Maupassant, en union étroite avec la nature, sent une fascination pour l’eau et la mer.
De plus, le pessimisme du personnage principal lui ressemble et la pousse presque au suicide.
En 1889 Maupassant écrit dans sa Correspondance: «Je désire que tout ce qui touche à ma vie et à ma personne ne donne lieu à aucune divulgation» (Maupassant, 1983b: 372). Ainsi, Maupassant est contre la littérature qui révèle toute la personnalité privée. Pourtant malgré lui, parfois il dépeint sa personnalité à travers ses personnages. En somme, l’écrivain réaliste devient l’autre tout en étant lui-même; il entre dans l’espace de l’autre, en devenant cet autre mais avec une petite distance pour continuer à être lui-même, c’est-à-dire, l'auteur. Maupassant sait bien que ses écrits consistent à des éléments biographiques. Pourtant, il ne résige pas une autobiographie. Il ne faut pas oublier quand même que sa première nouvelle, Boule de suif, représente les traits de l’influence de la guerre de 1870, et le sentiment que son auteur éprouve.
Georges Duroy est un arriviste absolu et en devenant maître de la presse, atteint le pouvoir. Dès le début, Duroy gagne une place remarquable, le beau rédacteur du journal et toutes les femmes tombées sous son charme. Il est un homme charmant qui est à la recherche d’une conquête dans les rues de Paris. Duroy est pauvre mais fier, avec une telle personnalité qu’on dirait qu’il était prêt à défier la terre entière.Bref,Maupassant se livre dans cette œuvre aux liens proches qui existent entre le capitalisme, la politique, la presse mais aussi le pouvoir des femmes, privées de vie politique depuis le code Napoléon et qui œuvrent dans l’ombre pour éduquer et conseiller.
Lors de la rédaction de cette œuvre, Maupassant avait l’intention d’«analyser une crapule» en la développant «dans un milieu digne d’elle», mais il y a des aspects de ce personnage qui représentent les caractéristiques de l’auteur. Maupassant aussi comme Bel Ami avait quitté son emploi dans le bureau pour se présenter dans le monde particulier du journalisme. Leur succès dans le travail et leur ascension est très brusque. Les articles de Bel-Ami, comme ceux de Maupassant, ont reçu un excellent accueil et font la popularité des deux journalistes. Pour les deux, l’argent occupe une place essentielle dans leur existence.
À part la ressemblance dans le travail, Duroy et Maupassant sont tous les deux des hommes qui rencontrent leur réussite grâce aux femmes. Ils ont donc la même ambition de réussite et de séduction mais les ressemblances ne se limitent pas à ces deux traits communs: lorsque Duroy commence à écrire des articles sur l’Algérie, et qu’il se retrouve à Cannes auprès de Mme Forestier où l’Esterel est magnifiquement décrit, la similitude entre le personnage et l’auteur atteint son apogée. Pourtant, avec toutes ces similitudes et ces bribes de la vie privée de Maupassant, il ne faut pas considérer Bel-Ami comme une autobiographie. L'auteur a simplement donné à son personnage un caractère plus proche de la réalité de son temps.
L’écriture romanesque de Maupassant, ainsi que la manière d’être de ses personnages se révèlent à travers une autre œuvre: Pierre et Jean. Des êtres ordinaires, des lieux qui existent vraiment, un temps proche de celui de l’auteur, et des détails tirés de la vie quotidienne, sont assez de preuves pour montrer que Maupassant fait constamment référence à la réalité. De même, l’histoire de ce roman est bâtie à partir d’un événement réel, pour présenter au lecteur le monde le plus proche du réel. En fait, l’auteur n'avait pas l’intention de montrer la vérité, et rien que la vérité, car selon lui, le réalisme restitue non la réalité mais l’illusion de la réalité. C’est ce que nous pouvons trouver dans cette affirmation:
«Dans un texte souvent cité (la préface à Pierre et Jean, Maupassant assimile l’auteur réaliste de talent à un illusionniste. Tout son art consiste en effet à opérer un tour de passe-passe entre réalité et fiction, à prétendre que celle-ci est la trace de celle-là alors qu’elle en est la matrice.» (Cordesse et al., 1991: 86)
Les notations concrètes qu’il a employées abondamment dans Pierre et Jean sont preuves que l’écrivain n’est jamais un observateur neutre: il a son originalité, ses idées et sa vision personnelle. Cette œuvre devient un moyen pour Maupassant d’avoir un regard critique et désabusé sur le monde, et de pouvoir faire une analyse psychologique de ses héros.
Dans ses contes fantastiques ou hallucinatoires, ce rapprochement entre l'auteur et ses personnages est encore plus évident, car il s'agit de la follie. A travers ses personnages, des doubles de l'auteur, Maupassant nous fait sentir ses sentiments et ses soucis. Dans sa chronique «En lisant», paru dans Le Gaulois, le 9 mars 1882, Maupassant affirme que ses personnages sont ses «voisins», ses «égaux». De même, A.M. Schmidt dit qu’ils sont comme, «[…] ses enfants douloureux ou atroces, voire les incarnations quelque peu caricaturales de telles particularités de son propre destin» (Schmidt, 1962: 54).
Le langage des personnages
En citant des exemples de certaines œuvres de Maupassant, nous pouvons constater que malgré les personnages avec des caractéristiques de l’auteur, ils existent aussi pour eux-mêmes, donc avant de conclure définitivement qu’ils portent des traces du réel, il faut dire qu’ils sont originaux. Là encore nous pouvons distinguer un des principes du roman au XIXe siècle qui insiste sur ce que l’œuvre rédigée doit être universelle, et ne doit pas s’attacher à représenter le singulier.
Une autre caractéristique des personnages de Maupassant qui nous fait penser aux créatures réelles, c’est leur parler normand. Remarquons que si les protagonistes parlent un français standard assez ordinaire, d’autres personnages comme le vieux juif parlent leur propre parler avec des traces d’oralité. Enfin, les œuvres de Maupassant comptent de nombreux personnages qui jouent chacun un rôle précis et l’auteur les manipulera pour arriver à ses fins. Pour ce faire, il s’attache à observer et à décrire les personnages et les lieux de façon objective et proche de la réalité. L'auteur offre à chaque personnage des caractéristiques propres selon son milieu où il fréquente et sa place qu'il occupe dans la société, mais il essaie de nous donner une vision complète. En effet, il ne raconte pas tout, mais choisit des événements et des situations et leur donne le motif convenable, pour créer une sensation profonde de la vérité chez le lecteur.
L’écrivain dépeint la passion et le manque d’honnêteté des gens dont la manière de vivre se forme pour s’amuser. À partir de son personnage, Maupassant donne une illusion réelle des faits, et les petits éléments que l’on distingue dans la narration nourrissent la réalité qu’il a comprise.
Maupassant montre les angles qu’il connaît personnellement comme le monde du journalisme. Duroy appartient à une société inspirée de la vie de Maupassant. Ce personnage et l’auteur ont beaucoup d'aspects communs dans la vie quotidienne, sur le plan personnel et certains événements de leur époque. Pour tous les deux la vie à Paris est tellement remarquable.
La colonisation de l’Algérie, des anecdotes de l’Ancien régime et de la vie arabe sont racontés par l'auteur: ce pays colonisé entre 1830- 1848 est, du point de vue politique, comme une entrée primordiale de l’Afrique. Alger est déjà à cette époque, une ville qui grouille de monde, où le tutoiement est de rigueur et où la vie se savoure sous le soleil éclatant. Mais Maupassant, qui est journaliste, raconte les injustices de la colonisation. En effet, l’Algérie a donné à l'auteur l’occasion de se confronter avec lui-même face à un décor et un monde nouveaux, et a développé et enrichi son pouvoir d’expression. Ce qui a aidé l’écrivain à créer des pages vraiment originales de l’accent.
L'écrivain nous montre Paris des années 1880 où l'argent et le plaisir, en tant que les préoccupations bourgeois, régissent la vision sociale de l’époque. Maupassant et son personnage, Duroy, sont marqués par ce monde.
Conclusion
En définitive, l’étude des œuvres littéraires, en général, montre que le roman se fait dans un espace biographique-fictionnel. En outre, la réalité de la vie intime de l’auteur, pénétrée dans la littérature, se révèle avec tous les détails.
Cette étude nous a prouvé que chez Maupassant, le narrateur-auteur est un terme appartenant au champ lexical de la grammaire et de l’histoire.L’auteuravait, du point de vue formel, le souci de vraisemblance et d’exactitude, et c’est ce qui a donné à ses œuvres son aspect polyphonique. Dans ce contexte socio-économique, le plus réel que possible, l’écrivain a fait évoluer ses personnages qui nous aident à mieux nous connaître, car ils sont le miroir du réel et un reflet de la nature humaine. Maupassant a mis en scène des individus quotidiens qui appartiennet à des diverses classes sociales. Ainsi, peut-on dire que les personnages présentés dans l'œuvre de Maupassant construisent un microcosme de la société française de la fin du XIXe siècle.