نوع مقاله : مقاله پژوهشی
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دانشگاه شهید بهشتی
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Introduction
Alain Robbe-Grillet, chef de file des nouveaux romanciers, représente dans La Reprise le récit d’un agent subalterne d’un service d’espionnage français, HR qui vient à Berlin afin d’accomplir une mission secrète pendant laquelle il rencontre son double (son jumeau) et il tente à retrouver son identité. Le personnage se réveille à chaque début de chapitre, ce qui peut nous inciter à penser que l'histoire n'a aucun intérêt en elle-même puisque tout pourrait être faux, du domaine du rêve. Ce récit a trois énonciateurs, l’un principal qui raconte l’histoire, l’autre, qui est son double, reprend ses propos, les modifie et les corrige dans les notes de bas de pages. Il existe également un troisième énonciateur qui prend la parole de temps en temps et donne des détails et des informations superflues. A tout cela s’ajoutent plusieurs analepses et prolepses temporels et un espace bourré d’images et de reflets qui échappe à toute tentative d’identification et qui rend l’histoire difficile à comprendre. Robbe-Grillet se méfie d’une énonciation simple et se penche plutôt vers des écheveaux de l’énonciation et une écriture complexe et labyrinthique. Ajoutons que ce roman contient plusieurs notes de bas de pages qui s'adressent au lecteur, le prennent à témoin et le mettent en garde sur la véracité des dires de l’énonciateur. Cela renforce la confusion et convient tout à fait au principe du Nouveau Roman, qui veut que l'écriture mène l'aventure. Cette aventure de l’écriture suscite une sorte de variété dans la situation d’énonciation du point de vue actantiel et spatio-temporel. Nous voulons savoir comment cette énonciation compliquée est-elle en relation avec le flux de la conscience dont parlent les critiques? Notre hypothèse est que la diversité des énonciateurs, de l’espace et du temps met en relief l’aspect de fluidité de la conscience qui est l’un des traits spécifiques du Nouveau Roman.
Pour la méthode d’analyse, nous avons choisi la sémiotique de l’école de Paris. Celle-ci est, pour être bref, la discipline qui étudie les structures signifiantes du texte et la relation logique entre elles. À travers l’explication des embrayages et des débrayages des énonciateurs par rapport à la situation d’énonciation, nous pourrons élucider la conformité entre le courant de la conscience des personnages et les écheveaux de l’énonciation.
Après avoir défini l’énonciation d’après certains théoriciens, nous allons expliquer brièvement la notion du flux de conscience. Par la suite, nous allons nous concentrer sur les notions de l’embrayage et du débrayage qui complexifie l’énonciation et finalement la relation proche et directe de la complexité de l’énonciation de ce roman et le flux de la conscience sera discuté.
La définition de l’énonciation, de l’énonciateur et le flux de conscience
Concernant la définition de l’énonciation, si on envisage l’histoire de la linguistique en France, la question de «l’énonciation» entre dans le cadre de la grammaire structurale, dans les années 1970-80 qui à la suite du structuralisme, est appelée «l’énonciation». Au cours de cette période-là, nous étions plutôt intéressés par «le sens en action» et «la dimension performative du langage» (Bertrand, 2000:49).
Ce courant énonciatif, qui approfondit le concept proposé en linguistique par É. Benveniste et en effet développé dans la sémiotique par Greimas, fait tous ses efforts pour ne pas considérer la langue comme un objet inerte, par contre il faut tenir compte de la position de l’énonciateur dans la production de l’énoncé. Nous pouvons définir «l’énonciation» selon plusieurs linguistes et sémioticiens, pourtant nous récapitulons ici quelques définitions qui nous aident à rendre clair cette notion. De prime abord, il faut dire que l’énonciation est l’acte individuel de production, d’utilisation de la langue dans un contexte déterminé, ayant pour résultat l’énoncé. L’énonciation est un acte de création.
Il faut également ajouter la définition d’A. J. Greimas donnée en sémiotique sur cette notion -là : acte de structuration du sens et de position d’un sujet dans le discours. Selon É. Benveniste qui donne une définition basique de l’énonciation, «l’énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation» (Benveniste, 1969: 80). Dans la théorie de Benveniste, l’énonciation est la mise en œuvre singulière de la langue et l’énoncé, selon Courtés, c’est «l’objet produit par l’acte d’énonciation» (Courtés, 1991: 245). Relativement à la différence de l’énoncé et l’énonciation, il faut faire cette remarque: l’énoncé est un participe passé devenu substantif: ce qui est énoncé, passé avec valeur résultative. C’est le résultat de l’énonciation, c’est le message abordé. L’énonciation: la suffixation marque l’action. C’est la prise en compte de l’acte et de la manière d’énoncer mais aussi la situation (temps, lieu...) et celui qui est à son origine: l’énonciateur. Comme mentionné antérieurement, il y a de multiples perceptions et définitions de l’énonciation, on ne saurait passer sous silence cette définition remarquable, l’énonciation est:
«L’ensemble des éléments absents dont la présence est néanmoins présupposée par le discours grâce à des marques qui aident le locuteur compétent à les rassembler afin de donner un sens à l'énoncé. Il est également traditionnel, du moins chez Greimas, de distinguer soigneusement l'énonciation telle qu'elle installée ou inscrite dans le discours, de l'énonciation proprement dite qui est toujours seulement présupposée. Enfin, il est admis, toujours chez Greimas, de ne pas considérer l'énonciation comme l'ensemble des conditions sociales, économiques, matérielles, psychologiques ou pragmatiques qui entourent l'énoncé.»[1]
Il y a deux figures qui sont toujours associées à la notion de l’énonciation, si nous considérons le discours comme le produit d’un acte d’énonciation, il garde normalement les traces d’un sujet compétent qui met en œuvre les structures de la langue, et c’est là où nous devrions définir: l’énonciateur et l’énonciataire. On appellera énonciateur, le destinateur implicite de l'énonciation (ou de la communication), et le distinguant ainsi du narrateur - tel le “je” par exemple - qui est un actant obtenu par la procédure du débrayage et installé explicitement dans le discours. Parallèlement, l'énonciataire correspondra au destinataire implicite de l'énonciation, à la différence donc du narrataire (par exemple: le lecteur comprendra que...) qui est reconnaissable comme tel à l'intérieur de l'énoncé. Ainsi compris, l'énonciataire n'est pas seulement le destinataire de la communication, mais le sujet producteur du discours, la lecture étant un acte de langage (un acte de signifier) au même titre que la production du discours proprement dite. Le terme “sujet de l'énonciation” employé souvent comme synonyme d'énonciateur, recouvre en fait les deux positions actantielles d'énonciateur et d'énonciataire.[2] Tout compte fait, l’énonciateur envoie le message et l’énonciataire le reçoit.
On pourra définir l’énonciateur, quelqu’un qui, dans la situation d’énonciation dans un moment donné et un lieu donné, dans une certaine disposition d’esprit, avec une certaine intention, transmet un message à un destinataire. «Un énonciateur est une personne qui est à l’origine d’un énoncé de quelque type qu’il soit. L’énonciateur peut-être l’auteur d’une production écrite, d’un discours fait à l’oral ou d’une production graphique.»[3] Ou bien «(Celui, celle, ce) qui énonce quelque chose.»[4] L’énonciateur disposé dans le discours, possède des fonctions diverses. Celui-ci prenant des différentes façons de mettre le message en circulation, ou bien offrir le message au public, produit certains effets dans le discours. L’une des fonctions décisives, c’est «le point de vue» exprimé par l’énonciateur, celui-ci est quelqu’un qui «voit» et qui pourrait voir de différentes manières et différents angles. En choisissant un point de vue particulier, dit stratégie en sémiotique dont nous allons expliquer plus tard, l’énonciateur choisit ce que l’énonciataire va voir (lire) et comprendre. C’est avec le point de vue que l’énonciateur influence et directe l’énonciataire dès le début jusqu’au point final de chaque énoncé. En effet, le point de vue, c’est «la perspective selon laquelle les événements du discours ou du récit seront perçus et présentés.»[5]
Lorsqu’on aborde la problématique de «l’énonciation», il s’ensuit que nous serons sensibles à deux notions fondatrices attachées à ce sujet à caution: embrayage et débrayage. Ce jeu de l’embrayage et débrayage joue un rôle fondamental dans notre corpus et comme nous l’avons déjà signalé, la question du temps de l’espace et des énonciateurs, est extrêmement compliquée et confuse et cela accentue l’aspect énigmatique du texte.
En ce qui concerne le flux de conscience, il faut brièvement dire que celui-ci est une technique littéraire qui cherche à décrire le point de vue cognitif d’un individu en présentant écrit du processus de pensée du personnage. La technique du flux de conscience dévoile un état subconscient ou préconscient de la vie intérieure du personnage et le mouvement processuel de l’intériorité humaine qui se passe chez le personnage. Cette technique montre le flux de myriade d’impressions qui affectent la conscience de l’individu. Cette sorte d’écriture, sous la forme du courant de conscience est associée bien avec la littérature moderniste et le Nouveau Roman. La conscience apparaît comme un monologue intérieur partout présente dans notre corpus. Cela rend la lecture du texte difficile à suivre. En fait, on peut bien indiquer que dans le corpus soumis à notre étude, ce flux de conscience rend la réalité des événements narrés de plus en plus relative. On peut voir que la complexité de la vie psychique et la pensée des énonciateurs se met très bien en relation directe et immédiate avec le langage qui se présente dans l’énonciation. En fait, le flux de conscience des énonciateurs apparaît énormément et vivement dans l’élaboration énonciative et met l’organisation spatiale et temporelle de ce récit en désordre. Maintenant nous allons voir les différentes situations de l’énonciation dans cet ouvrage.
L’énonciation embrouillée dans La Reprise et différentes stratégies
Comme nous l’avons déjà précisé dans l’introduction, les énonciations sont dans La Reprise embrouillées et compliquées. En utilisant des phrases trop longues et mal structurées, les énonciateurs tourmentent et perturbent les lecteurs. En effet, La Reprise est le dialogue interne des phrases, des mots et même des sons et des lettres. Parfois le discours est en lutte sadiquement contre lui-même et parfois s’embrasse affectueusement. Il introduit les lecteurs dans les labyrinthes textuels et se perd parfois avec le lecteur dans ces labyrinthes et s’embrouille. L’énonciation est ainsi une énigme qui s’élucide en profitant de l’énonciation elle-même. Cette complexité met en retard l’apparition du sens.
Au cours de la lecture, nous nous affrontons à la pluralité d’énonciateurs, qui de temps en temps l’un entre autres prend le rôle principal et parfois le premier énonciateur est jugé par un second qui le reprend, le corrige et met en ordre apparemment les propos du premier. Cette correction se passe normalement dans les notes de bas-de-page, et ce fait nous met dans un abîme et casse la démarche habituelle et routine du texte. D’ailleurs, il faut aussi signaler le déplacement énigmatique des énonciateurs : l’un commence le prologue et l’autre finit l’épilogue. Il y a en outre un autre énonciateur qui n’est pas parmi les personnages du récit, il raconte des scènes et présente des descriptions. Donc, ce jeu de multiples énonciateurs, qui prend, de temps à autre la parole, crée une énonciation compliquée et confuse.
Bref, la diversité de l’énonciateur multiplie non seulement les personnages mais aussi les personnages marginaux qui possèdent les rôles principaux. Les énonciateurs cherchent la trace de certitude et ils essaient de s’éloigner de ses illusions, des interprétations fausses et des données erronées qui trompent les locuteurs. Dans tous ces jeux, l’énonciateur est en train de nous mettre dans le dilemme du vrai et du faux et nous oblige de participer dans la file de l’énonciation et nous fait accompagner dans son flux de conscience.
Soulignons de nouveau que La Reprise nous représente deux énonciateurs principaux et le troisième secondaire. Les deux premiers sont jumeaux, qui sont en même temps les personnages (si on pourrait définir des personnages pour le Nouveau Roman) centraux et décisifs. L’un parle, l’autre remanie ce même propos et l’ajuste et le troisième énonciateur rectifie les notes de bas de page. L’un commence le roman, l’autre le termine. Et de temps en temps les énonciateurs bougent et changent la position et l’ordre. Ce jeu des énonciateurs et les différentes stratégies (point de vue) manipulées par eux, accentue tout d’abord les attraits énigmatiques du Nouveau Roman et ajoute à la complexité de celui-ci, de plus désoriente l’énonciataire et en fin retarde l’apparition du sens. Il faut mentionner que malgré ce fait, nous sommes témoins d’une sorte de linéarité dans l’ordre des énonciateurs. Cette linéarité devient un faux-semblant, une apparence qui finira inévitablement par se dissoudre au gré de l'annotateur ou d'un nouveau développement. Et cette linéarité deviendra elle-même un faux-semblant dans les dernières pages, où la fragile assurance gagnée par le lecteur volera en éclats. Bref, l’énonciateur varie, le point de vue diversifie et la diversité du point de vue entraîne une lecture difficile. Pour analyser les différentes stratégies que prend l’énonciateur, il nous faut nous référer aux définitions de Jacques Fontanille. Il en définit quatre différentes: Stratégie englobante, Stratégie cumulative, Stratégie élective et Stratégie particularisante
La stratégie englobante
Selon J. Fontanille, «la stratégie englobante donne lieu par exemple des points de vue omniscients. Au prix, dans certains cas, d’une très grande distance, mais aussi à des phénomènes relevant du sommaire narratif, voire de la généralisation; elle a pour principe la domination et la compréhension des états des choses, et n’accord de la valeur qu’à leur ensemble cohérent, à leur totalité. Certains verbes de perception en relèvent, comme considérer, contempler, ou embrasser du regard.» (Fontanille, 1999: 51)
De ce fait, nous pourrions comparer la stratégie adoptée par l’énonciateur avec une caméra qui donne sur un paysage ou un objet précis, d’une distance déterminée, mais cette caméra prépare cette possibilité de voir tout le paysage, pas surtout en détail, mais on pourrait le voir en général et nous serons dans la situation d’avoir une certaine information et une idée à propos du paysage. On aura cette impression que l’énonciateur est loin des détails mais cette généralisation sera quand même assez pratique pour l’énonciataire. Dans ce cas-là, l’énonciateur aura cette capacité de présenter l’ambiance générale du paysage. Il faut faire attention que l’énonciateur (la caméra) partage cette façon de voir (point de vue) avec son énonciataire et celui-là cherche à garder la distance, et ainsi l’énonciateur ne veut que l’énonciataire ait à sa disposition des explications avec précision. Prenons quelques exemples du livre soumis à nos études: «Au cours de l'interminable trajet en chemin de fer, qui, à partir d'Eisenach, me conduisait vers Berlin à travers la Thuringe et la Saxe en ruines» (La Reprise, p.9) comme nous voyons dans ces phrases, l’énonciateur donne une image générale de Saxe afin de nous fait entrer dans l’ambiance et c’est: Saxe en ruine. Ou bien «Dehors, il faisait déjà presque nuit, et les quais au sol inégal, bosselé, paraissaient tout à fait déserts sur l'une et l'autre rives.» (La Reprise, p.216), cela nous de même donne une vue générale.
La stratégie cumulative
Selon la définition de Jacques Fontanille: «la stratégie cumulative, ayant disposé les «aspects» d’une situation ou d’une question en séries, ne sait que les parcourir les uns après les autres, et elle ne s’accomplira qu’en visant l’exhaustivité, la seule valeur admise ici. Le roman qui multiplie les points de vue, qui change sans cesse de personnage-observateur, voire qui combine plusieurs points de vue sur chaque scène en est une réalisation. Mais, à un tout autre niveau d’analyse, des verbes comme prospecter ou explorer en fournissent aussi une bonne illustration.» (Fontanille, 1999: 51)
En ce qui concerne la stratégie cumulative, on pourrait comparer le rôle de l’énonciateur avec une caméra qui a une certaine distance avec un paysage et il observe tout le paysage dans une gradation. Il parcourt le paysage, va dans toutes les parties et traverse d’une partie à l’autre et cela a cette possibilité de voir tout en détail. En comparaison avec la stratégie élective, on pourrait voir le paysage complet dans une manière transparente et par rapport à la stratégie particularisante le cadre est plus vaste et de plus l’énonciateur prend plus de distance. Il suffit de donner comme exemple issu du corpus:
«Le Théâtre Royal au centre, l'Église des Français à droite et la Nouvelle Église à gauche, étrangement semblables l'une à l'autre en dépit de l'antagonisme des confessions, avec la même flèche statuaire terminant un clocher en rotonde qui domine les mêmes quadruples portiques à colonnes néo-grecques. Tout cela s'est écroulé, réduit désormais à d'énormes entassements de blocs sculptés où l'on distingue encore, sous la lumière irréelle d'une glaciale pleine lune, les acanthes d'un chapiteau, le drapé d'une statue colossale, la forme ovale d'un œil-de-bœuf. Au milieu de la place, se dresse le socle massif, à peine écorné par les bombes, de quelque allégorie en airain aujourd'hui disparue, symbolisant la puissance et la gloire des princes par l'évocation d'un terrible épisode légendaire, ou bien représentant tout autre chose, car rien n'est plus énigmatique qu'une allégorie. Franz Kafka l'a bien sûr longuement contemplée, il y a juste un quart de siècle, lorsqu'il vivait dans son voisinage immédiat, en compagnie de Dora Dymant, le dernier hiver de sa brève existence. Guillaume de Humboldt, Henri Heine, Voltaire, ont aussi habité sur cette place des Gens d'Armes.» (La Reprise, p.28)
Comme il est évident dans l’exemple donné, l’énonciateur parcourt son entourage et il nous présente une explication détaillée de ce qu’il voit.
La stratégie élective
J. Fontanille explique la stratégie élective de manière suivante: «La stratégie élective, recherche, parmi tous les aspects, le «meilleur exemplaire» possible, celui dont l’éclat dispense de chercher plus avant, car il vaut pour tous les autres; dès lors, l’aspect «élu» retiendra l’attention, et focalisera le discours; le principe qui guide en sous-main une telle stratégie est celui du choix: s’sélectionner et focaliser pour connaitre et agir. La valeur requise est ici la représentativité ou l’exemplarité. Bien des points de vue qui se présentent comme omniscient en relèvent pourtant: mais ils font illusion parce que tout autre aspect de l’histoire ou de la situation présentée a été soigneusement occulté. … des verbes de perception comme fixer, examiner sont aussi susceptibles d’y participer.» (Fontanille, 1999: 51)
Ainsi, il est également possible de comparer la stratégie élective de l’énonciateur avec une caméra qui pourrait donner sur un paysage général, et on peut aussi considérer qu’il voit tout le site, pourtant c’est seulement une partie particulière de ce panorama est transparente, claire et pénétrante et d’autres fragments sont insaisissables et brumeux. C’est comme si l’énonciateur ou la caméra oriente le regard de l’énonciataire et choisit des parties qu’il faut attentivement voir. On pourrait dire que la distance est moins que celle de la stratégie englobante. Bref une certaine partie est élue à voir. L’énonciateur fait l’énonciataire de se concentrer sur une seule partie du paysage. Par exemple:
«Devant nous se tenait immobile un groupe compact d'hommes plutôt grands, très maigres, avec de longs manteaux noirs ajustés et des chapeaux en feutre à larges bords, noirs également, attendant on ne savait quoi, puisque le convoi qui venait de Halle, Weimar et Eisenach, était déjà là depuis quelque temps. Par-delà cette masse funèbre, ou religieuse, j'ai cru apercevoir Pierre Garin. Mais sa figure avait un peu changé. Une barbe naissante, qui pouvait avoir au moins huit jours, couvrait ses joues et son menton d'un indécis masque d'ombre. Et des lunettes noires cachaient ses yeux…»(La Reprise, p.252)
L’énonciateur oriente le regard de l’énonciataire vers un homme qui ressemble à Pierre Garin (j’ai cru…), il focalise sur lui et cela donne cette impression que c’est seulement Pierre Garin qui existe dans cet endroit et les autres n’ont aucune importance et ils n’attirent pas le regard de l’énonciateur.
La stratégie particularisante
D’après J. Fontanille: «La stratégie particularisante est certes quelque peu «myope», car elle se suffit du détail qu’elle est parvenue à isoler ; mais, puisqu’elle n’accorde aucun prix à la maîtrise des grands ensembles, elle se satisfera de la spécificité de la partie isolée. Le nouveau roman, notamment chez Robbe-Grillet, offre un large éventail de tels points de vue, faiblement représentatifs, limité et déroutants. Des verbes de perception tel qu’apercevoir ou scruter en relèvent souvent.» (Fontanille, 1999: 51)
De même, si on met en parallèle la stratégie particularisante avec une caméra lorsque celle-ci zoome sur une partie déterminée et particulière afin de pointer quelque chose de spécifique, en fait on insiste sur un fragment et les autres parties ne sont même pas dans le cadre. Donc nous n’avons plus un paysage général, totalement au contraire de la stratégie englobante et de plus dans ce cas, l’énonciateur donne plus de détail possible. La distance de la caméra avec l’objet ou le paysage est diminuée au moindre possible. En outre il faut signaler qu’en choisissant cette stratégie, l’énonciateur déroute l’énonciataire vers une petite partie de ce qui est en train d’être décrit, et nous oblige à voir une seule partie d’un tout. De plus l’énonciateur (la caméra) détermine des limites, les forme et nous restreint. Il y aura une sorte d’impossibilité pour l’énonciataire de voir les autres parties et de se familiariser avec l’ambiance générale du paysage.
Prenons pur exemple:
«Contre la paroi de droite (pour l'observateur placé dos à la fenêtre) se dresse une grosse armoire à glace, assez profonde pour servir de penderie, dont l'épais miroir aux biseaux très marqués occupe en presque totalité la porte à un seul battant, où l'on aperçoit l'image du tableau, mais inversée, c'est-à-dire que la partie droite de la toile peinte se retrouve dans la moitié gauche de la surface réfléchissante, et réciproquement, l'exact milieu du châssis rectangulaire (matérialisé par la tête au port noble du vieillard) coïncidant de façon précise avec le point central de la glace pivotante, qui est close et donc perpendiculaire au tableau réel, ainsi d'ailleurs qu'à sa virtuelle duplication. Sur cette même paroi, entre l'armoire placée presque dans l'angle et le mur extérieur où se situe la fenêtre, entièrement soustraite aux regards par les lourds rideaux fermés, s'adosse la tête des deux lits jumeaux, qui ne sont guère utilisables que pour de très jeunes enfants, tant leurs dimensions sont réduites: moins d'un mètre cinquante de longueur sur environ soixante-dix centimètres de large…» (La Reprise, p.107)
Comme nous voyons, en choisissant différentes stratégies, nous sommes face à une énonciation qui manque de simplicité et complique la compréhension du texte et en effet, cette complexité met en retard l’apparition du sens de l’énoncé. Tout cela crée une sorte de lecture qui nous empêche et nous déroute d’arriver à un but. A part des stratégies, nous pouvons analyser également les différents brayages dans le test qui sont liés à l’espace et au temps.
La question de l’embrayage et du débrayage dans La Reprise
«La théorie des embrayages et des débrayages a été élaborée par A. J. Greimas à partir du concept de “shifters” qui, chez Jacobson, désignait les éléments de la langue susceptibles de manifester la présence de l’énonciation.» (Courtés, 1991: 98) Elle montre la relation de «l’énonciation» et de «l’énoncé», de deux façons. Soit l’énoncé est entièrement planté dans la situation de l’énonciation, c’est là où nous avons cette impression que l’énonciateur a cette tendance de personnaliser l’énoncé, soit dans le cas contraire, l’énoncé s’éloigne de la situation de l’énonciation et il la disjoint, dans ce cas-là, on juge que l’énonciateur dépersonnalise l’énoncé.
En effet, soit on présente «un monde autre» que celui dans lequel se trouve l’énonciateur, soit nous sommes face à «un monde propre» (Courtés, 1991:96) qui est le monde de «je, ici, maintenant» de l’énonciateur. Selon Dictionnaire de Greimas et Courtés, le débrayage est défini en tant que «l’effet de retour à l’énonciation, produit par la suspension de l’opposition certains termes des catégories de la personne et/ou de l’espace et/ou du temps, ainsi que la désignation de l’instance d’énoncé.» (Greimas et Courtés, 1798: 54). De son côté, Jacques Fontanille définit l’embrayage et le débrayage de manière suivante: Le débrayage est d’orientation disjonctive. Grâce à lui, le monde du discours se détache du simple \vécu \ indicible de la présence; le discours y perd en intensité, certes, mais gagne en étendue: de nouvel espace, de nouveaux moments peuvent être explorés, et d’autres actants être mis en scène. Le débrayage est donc par définition pluralisant, et se présente comme un déploiement en extension ; il pluralise l’instance de discours[6]: le nouvel univers du discours qui est ainsi ouvert comporte, au moins virtuellement, une infinité d’espaces, de moments et d’acteurs. L’embrayage est en revanche d’orientation conjonctive. Sous son action, l’instance de discours s’efforce de retrouver la position originelle. Elle ne peut y parvenir, car le retour à la position originelle est un retour à l’indicible du corps propre, au simple pressentiment de la présence. Mais elle peut au moins en construire le simulacre. C’est ainsi que le discours est à même de proposer une représentation simulée du moment (maintenant), du lieu (ici) et des personnes de l’énonciation (je/tu). L’embrayage renonce à l’étendue, car il revient au plus près au centre de référence, et donne la priorité à l’intensité ; il concentre à une nouvelle instance de discours (Fontanille, 2003: 92). Compte tenu de ce qui précède, alors le débrayage est une sorte de séparation d’une situation référence de l’énonciation qui sont: je, ici et maintenant. Alors dans le débrayage, en effet nous sommes coupés de la situation d’énonciation. Ainsi «je» devient «non-je» et les pronoms personnels sont exclusivement: \il(s)\ et \elle(s)\, de plus «maintenant» devient «non-maintenant» et les temps ne font jamais références à la situation de référence et puis, “ici” devient «non-ici» qui ne fait pas référence à la situation d’énonciation. Bref, nous sommes éloignés de la situation d’énonciation, par contre dans l’embrayage, on reste toujours attaché à la situation d’énonciation. Dans un autre terme: Le débrayage est une opération énonciative qui consiste à distinguer l’instance énonciative de l’instance énoncive. L’énonciateur abandonne l’instance fondatrice de l’énonciation (je, ici, maintenant) en projetant dans l’énoncé un non-je par le débrayage actanciel, un non-ici par le débrayage spatial et un non-maintenant par le débrayage temporel. Le sujet, le temps et le lieu de l’énonciation (je, ici, maintenant) se séparent des représentations actancielles, spatiales et temporelles (non-je, non-ici, non-maintenant) par le débrayage.
Récapitulons nos propos avec une phrase de Denis Bertrand «l’embrayage construit un énoncé ancré dans la situation d’énonciation et le débrayage construit un énoncé coupé de la situation d’énonciation» (Bertrand, 2000: 58). Si nous retournons à notre corpus, comme nous l’avons déjà signalé, nous sommes envahis par la perplexité et l’incertitude issues de plusieurs ruptures actancielles, spatiales et temporelles. Par le biais de cette diversité on peut bien montrer la technique du flux de conscience. En fait par l’intermédiaire de l’énonciation compliquée, nous allons arriver au chaos et fluidité de la conscience. En effet en lisant La Reprise, nous entrons dans un jeu d’embrayage et de débrayage et nous voyons huit différentes positions de «je, ici maintenant» dans leurs rapports l’un à l’autre.
1) L’actant (Je), l’espace (ici) et le temps (maintenant) sont tous, complètement liés à la situation d’énonciation, nous sommes dans l’embrayage total avec la situation de l’énonciation. Par exemple: «Ici, donc, je reprends, et je résume.» (Robbe-Grillet, 2001: 9) «Je n'ai pas de carte sur moi, mais je vois mal que les aléas du rail nous aient aujourd'hui.» (P. 11) «Et voilà que je me remets à ce manuscrit après une année entière de rédaction cinématographique entrecoupée de trop nombreux voyages, quelques jours à peine après la destruction d'une part notable de ma vie, me retrouvant donc à Berlin…» (82)
Dans les exemples ci-dessus, l’énonciateur reste tout à fait attaché à la situation d’énonciation. L’énonciateur se présente sous la forme du pronom ‘’Je’’, et ‘’ici’’ montre le lieu où se trouve la personne qui parle (l’énonciateur) pendant l’énonciation et le verbe au présent, de même, indique ce fait que l’action abordée par l’énonciateur, se passe dans le temps actuel, lié à la situation de ‘’Je’’( l’actant et l’énonciateur) et ‘’ici’’(l’espace)
2) L’actant (Je), l’espace (ici) sont attachés à la situation d’énonciation donc nous avons l’embrayage actanciel et spatial, par contre nous avons une rupture temporelle, un débrayage temporel avec la situation de l’énonciation:
«Au bout du canal mort, en face de moi, le souvenir d'enfance était toujours en place, immobile et têtu, menaçant peut-être, ou bien seulement désespéré. Un réverbère archaïque, placé juste au-dessus, éclairait de sa lueur bleuie par le brouillard naissant, dans un halo théâtral savamment calculé, le squelette de bois pourri du voilier fantôme, éternisé en plein naufrage...» (Robbe-Grillet, 2001: 216)
Dans cette partie nous avons signalé que l’énonciateur actant et l’espace restent liés à la situation, tandis que nous sommes face à un débrayage temporel, l’actant se distancie de point de vue temporel de la situation de l’énonciation en utilisant le verbe au passé.
3) L’actant (je) reste lié à la situation d’énonciation, donc nous avons embrayage actanciel, mais l’espace (ici) et le temps (maintenant) sont détachés de la situation d’énonciation, c’est-à-dire nous avons le débrayage spatiotemporel.
«J’ai arraché vivement ma lourde sacoche du filet à valises, juste au-dessus de cette tête qui ne m'appartenait pas, bien qu'étant sans conteste la mienne (plus authentique, même, en un sens), et je suis ressorti du compartiment» (Robbe-Grillet, 2001: 14).
«Quand j'atteins enfin le fond de cette spirale qui me semblait interminable, jalonnée seulement par de rares veilleuses beaucoup trop espacées, j'ai devant moi l'entrée d'une galerie qui, elle, n'est plus éclairée du tout» (167).
En ce qui concerne les exemples précédents, évident c’est que l’actant reste attaché à la situation de l’énonciation en utilisant le pronom ‘’Je’’, cependant il y a une distance spatiotemporelle par rapport à la situation d’énonciation. Cette distance est bien désignée par les verbes au passé et les espaces qui ne sont absolument pas ‘’ici’’ par exemple: l’entrée d’une galerie.
4) L’espace (ici) et le temps (maintenant) restent en contact direct avec la situation d’énonciation, ainsi nous avons l’embrayage spatiotemporel, et l’actant (Je) est séparé de cette situation et donc c’est un débrayage actanciel.
«Sans se gêner, le prétendu pêcheur tourne progressivement la tête pour suivre des yeux cet improbable bourgeois en pelisse qui longe les maisons d'un pas de promenade, sur la berge opposée, c'est-à-dire du côté pair de leur numérotation, s'arrête à mi-chemin…» (Robbe-Grillet, 2001: 80)
«Peut-être à cause du poids de son bagage, dont il a maintenant passé la courroie sur son épaule gauche, la rue Frédéric lui paraît plus longue qu'il ne l'aurait cru» (50).
Dans les exemples ci-dessus, nous avons bien remarqué la distance actantielle par rapport à la situation de l’énonciation indiqué par le pronom ‘’il’’ ou bien ‘’son’’ qui ne sont évidemment pas ‘’je’’, alors que le temps et l’espace restent attachés à cette situation.
5) Le temps (maintenant) garde son rapport avec la situation d’énonciation, ainsi nous avons l’embrayage temporel, et à l’inverse l’actant (Je), l’espace (ici) sont écartés de la situation d’énonciation, c’est le cas du débrayage actanciel et spatial.
«Et c'est dans un silence total, trop parfait, un peu inquiétant, que Franck Matthieu (ou aussi bien Mathieu Frank, puisqu'il s'agit là en vérité de ses deux prénoms) se réveille, on ne saurait dire au bout de combien d'heures, dans une chambre familière, dont il lui semble du moins reconnaître les moindres détails, bien que ce décor soit pour le moment impossible à situer, dans l'espace comme dans le temps. Il fait nuit. Les épais doubles rideaux sont fermés Suspendu au centre de la paroi face à la fenêtre invisible, il y a le tableau» (Robbe-Grillet, 2001: 106).
L’exemple précédent montre bien l’embrayage temporel en profitant bien des verbes au présent, alors que l’actant et l’espace s’éloignent de la situation d’énonciation. On peut bien voir que l’actant n’est plus ‘’je’’ et se change en ‘’il’’ ou bien ‘’Mathieu Frank’’, d’autre part l’action se passe dans un endroit qui n’est sûrement pas ‘’ici’’ mais ‘’une chambre familière’’.
6) L’actant (Je), l’espace (ici) et le temps (maintenant) sont tous détachés de la situation d’énonciation, autrement dit, nous sommes dans un débrayage total avec la situation d’énonciation.
«Tandis qu'il range en y mettant tout son soin habituel contenu de la grosse sacoche, Boris Wallon, dit Wall pour la circonstance, se souvient tout à coup d'un rêve qu'il a fait cette nuit…» (Robbe-Grillet, 2001: 77)
«HR, en tout cas, possède désormais une certitude : il a retrouvé sa chambre d'hôtel et c'est là qu'il a passé la fin d'une nuit agitée. Cependant, s'il a conscience d'être rentré fort tard, il ne se souvient pas d'avoir demandé qu'on le réveille, à quelque heure que ce soit, et il a maintenant omis de se le faire répéter d'une façon moins vague par le patron grincheux, compensant alors le manque d'une montre en bon état de marche. Au reste, on dirait que la notion d'heure, exacte ou même approximative, a perdu toute importance à ses yeux, peut-être parce que sa mission spéciale se trouve mise en suspens, ou bien seulement depuis qu'il s'est perdu dans la contemplation du tableau de guerre ornant sa chambre d'enfant, chez la maternelle et troublante Io» (157)
Les exemples donnés indiquent tout à fait le débrayage actantiel et spatiotemporel. Les pronoms ‘’il’’ ou les noms propres comme ‘’H.R.’’ qui ne sont évidemment pas ‘’je’’, l’utilisation des verbes au passé et ‘’la chambre d’hôtel’’ en que l’espace montrent bien ce débrayage par rapport à la situation d’énonciation. Nous sommes tout à fait hors du cadre ‘’je, ici, maintenant’’.
7) L’actant (Je) et le temps (maintenant) restent attachés à la situation d’énonciation, pourtant l’espace (ici) est écarté de cette situation. Ainsi nous avons le débrayage spatial et l’embrayage actanciel et temporel.
Le souvenir d'enfance est alors revenu dans toute son intensité. Je dois avoir sept ou huit ans, espadrilles, culotte courte, chemisette brunâtre délavée, ample pull-over déformé par l'usage. Je marche sans but…C'est l'hiver qui commence. La nuit tombe vite (Robbe-Grillet, 2001: 19).
Le cas précédent qui est un exemple intéressant puisque l’énonciateur (l’actant) commence à raconter une mémoire de son enfance en se gardant attaché au présent de l’indicatif pourtant en même temps il substitue ‘’ici’’ par un autre espace qui appartient à la mémoire de l’enfance soudainement étalée. Bref nous visons au débrayage spatial et à l’embrayage actantiel et temporel.
8) L’actant (Je), le temps (maintenant) désenchaînent de la situation d’énonciation, de ce fait nous avons le débrayage actanciel et temporel, tandis que l’espace reste attaché à la situation d’énonciation d’où nous avons l’embrayage spatial. Lorsque les policiers allemands viennent de demander à H.R des questions:
«Dans la salle du Café des Alliés, peu fréquentée d'une façon générale, les deux hommes qui demandaient à me voir, sans pourtant manifester d'impatience, étaient identifiables très aisément: il n'y avait aucun autre consommateur….leur costume qu'il s'agissait de policiers allemands en civil, qui m'ont d'ailleurs, en guise de préambule, présenté les cartes officielles attestant leur fonction et le devoir dans lequel ils étaient d'obtenir de moi des réponses précises, véridiques…» (Robbe-Grillet, 2001: 201)
C’est exactement là, le cas que nous avons expliqué:
«Peut-on savoir alors où vous avez pris cette lingerie poignardée, découverte ici-même dans votre salle de bains ?» (210)
Dans ces exemples, comme nous l’avons signalé, l’actant et le temps de détachent de la situation d’énonciation, l’un en utilisant ‘’les deux hommes’’ à la place de ‘’je’’ et l’autre en employant les verbes au passé. Mais en ce qui concerne l’espace, celui-ci reste lié à la situation. L’adverbe ‘’ici-même’’ en est un indice.
Tout ce qu’on vient de présenter à travers les exemples montre une sorte de chaos dans la démarche de l’énonciation, une sorte d’errance énonciative où le changement perpétuel de l’actant, du temps et de l’espace met le lecteur dans la difficulté à suivre le courant normal du récit. Cette errance qui existe dans les différents discours de cet ouvrage et également dans l’univers romanesque labyrinthique de La Reprise, représente et met en relief la fluidité du courant de conscience des personnages. L’énonciateur, qui change de temps en temps dans ce roman, met le lecteur dans un jeu de l’embrayage et du débrayage qui perturbe la lecture. En effet cette déconstruction de la démarche normale du récit qui est l’une des caractéristiques du Nouveau Roman
En effet cette diversité dans la situation des énonciateurs qu’on vient d’expliquer, montre également l’omniprésence de l’un des traits du Nouveau Roman qui est le courant de conscience. Celui-ci est tramé de perceptions actuelles servant de stimuli à des pensées et à des souvenirs. Le développement de ces états de conscience successifs se fait selon une double ligne: d’une part l’ancrage dans l’environnement (le personnage se déplace, perçoit les objets, les personnes, les lieux autour de lui); et d’autre part une logique intérieure faite d’associations d’idées, de réminiscences du passé et de projets d’avenir. On peut dire qu’on se trouve tout à fait dans la voie d’une compréhension difficile et tardive et dans un labyrinthe où c’est très difficile à s’en dégager et s’en délivrer. Il faut dire que la présence perpétuelle du flux de conscience est belle et bien mis en relief par les différentes stratégies choisies par les énonciateurs et la complexité spatio-temporelle. Cette aporie de l’énonciation robbe-grilletienne nous offre une lecture gênante mais également captivante.
Conclusion
L’univers romanesque d’Alain Robbe-Grillet, dans cet ouvrage, n’atteint à une cohérence non seulement au niveau de l’énonciation mais de plus au niveau de la conscience du personnage qui se met toujours dans un chaos et dans une sorte de fluidité. La Reprise de Robbe-Grillet se présente comme l’accomplissement de l’errance, de la mobilité spatiotemporelle et de la perturbation narratologique. Loin d’aucune analyse psychologique, on peut bien voir les troubles psychiques des personnages par le biais des discours présentés et le flux de la conscience. Dans l’ensemble, à part des effets énigmatiques produits par la complexité de l’énonciation, Alain Robbe-Grillet range bien un labyrinthe où le lecteur s’enferme dès le début jusqu’à la fin du livre, il devient ainsi l’esclave de cette manière d’écriture et de cette élaboration des énoncés. Le point qui nous frappe également dans ce livre, c’est que La Reprise est bourrée de la stratégie particularisante qui nous permet d’entrer dans les détails des objets. C’est là où l’énonciateur nous introduit dans un monde des objets qui sont là et qui donne les informations précises sur l’ambiance. Avec toutes ces précisions, l’énonciateur fait tomber l’énonciataire dans l’univers qui est autour de lui, cet univers est bien sûr tourné vers l’extérieur c’est-à-dire le monde objectif de l’énonciateur. À la lumière de ce qui précède, cela serait possible de dire que cette présence perpétuelle de la stratégie cumulative et la stratégie particularisante, mette l’accent sur l’importance des objets dans le Nouveau Roman. Les personnages du Nouveau Roman existent à travers le regard qu’il pose sur le monde extérieur et sur les objets. C’est à travers le monde objectif que l’énonciateur se trouve graduellement.
Note
L’instance de discours: «l’instance désigne alors ensemble des opérations et des opérateurs et des paramètres qui contrôlent le discours. Ce terme générique permet d’éviter notamment d’introduire prématurément la notion de sujet». Jacques, Fontanille (2003), Sémiotique du discours, Limoges, Pulim, p. 92
[1] http://www.bruno-latour.fr/sites/.../75-FABBRI-FR.pdf
[2] Rigobert, Mukendi, «Analyse pragmatique du discours de Barack H. Obama à Accra. Approche énonciative». [Document électronique]. Disponible sur http://www.memoireonline.com consulté en 2010.
[3] http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr
[4] http://www.cnrtl.fr/lexicographie
[5] http://xn--coursdefranais-qjb.net/narration.htm
[6] Note à la fin.