تاثیر رویکرد عصب زبان‌شناختی بر یادگیری زبان فرانسه نزد زبان آموزان ایرانی

نوع مقاله : مقاله پژوهشی

نویسندگان

دانشگاه تربیت مدرس

چکیده

کلود ژرمن و یوان نِتِن در سال ۱۹۹۷ در کانادا، با تکیه بر علم عصب­شناسی زبان به ویژه نظریه عصب­زبان‌شناسی در دوزبانگی میشل پارادی، روش نوینی را در حوزه یاددهی/یادگیری زبان خارجی بانام رویکرد عصب­زبان­شناختی ابداع نمودند. این روش در حال حاضر (2018) در کشورهایی نظیر فرانسه، چین، ژاپن و تایوان، در سطح موسسات و دانشگاه رواج یافته است. در این رویکرد اولویت اصلی کسب مهارت ارتباط شفاهی در زبان­آموزان بزرگ­سال بدون فراگیری قواعد دستوری است. در این مقاله در پی پاسخ به این سؤال هستیم که آیا این روش می­تواند در بافت ایرانی قابل اجرا باشد. برای این منظور یک گروه شاهد و یک گروه آزمایش انتخاب نمودیم و رویکرد عصب­زبان­شناختی را با یک روش رایج برای یادگیری زبان فرانسه در ایران مورد مقایسه قرار دادیم. با استفاده از روش تحقیق کمی و کیفی دست دریافتیم که زبان­آموزانی که با این رویکرد زبان فرانسه فرا می­گیرند در مهارت بیان شفاهی نتایج بالاتر و در مهارت درک مطلب شنیداری نتایج ضعیف­تری را نسبت به گروه شاهد به دست می­آورند.

کلیدواژه‌ها

موضوعات


Introduction

Il suffit de jeter un coup d’œil aux préfaces des manuels de FLE sur le marché actuel pour constater que leurs auteurs prônent la communication et l’interaction orale en s’appuyant sur les méthodologies dites «communicatives» «actionnelles» et
«co-actionnelles». Si ces manuels se donnent comme objectif de développer les compétences en communication orale et de préparer les apprenants à interagir socialement, dans ce cas pourquoi les apprenants iraniens jugent que leur compétence langagière orale se développe et progresse avec un rythme assez lent.

Il y a certes plusieurs arguments qui permettent de rendre compte de ce paradoxe, tel le fait que les enseignants ne soient pas en mesure d’utiliser adéquatement ces manuels en question ou que les apprenants n’optent pas pour des stratégies d’apprentissages convenables. Néanmoins, nous croyons que cette contradiction s’explique par le modèle d’apprentissage/acquisition sous-jacent à ces manuels. Il y a en effet plusieurs modèle d’apprentissage qui ont été présenté par différents auteurs tout au long de l’évolution des théories d’apprentissage d’une LÉ comme le modèle de l’enseignement programmé de Skinner (Pocztar, 1971), le modèle de moniteur de Krashen (Krashen, 1981, 1982, 1985, 1995) et le modèle ACT d’Anderson (Anderson, 1982, 1983, 2009). La plupart des manuels de francais LÉ qui existent sur le marché actuel ont été conçus selon ce modèle d’Anderson.

Dans le modèle ACT d’Anderson, l’apprentissage du savoir déclaratif précède toujours l’acquisition des connaissances procédurales. Anderson décompose le processus d'acquisition des compétences en trois étapes: (1) apprentissage du savoir déclaratif, (2) procéduralisation du savoir déclaratif et (3) acquisition du savoir procédural. Dans la première, l’apprenant apprend par exemple que les verbes du premier groupe (en français) prennent un -s au présent à la deuxième personne du singulier. Dans la deuxième, le savoir déclaratif agit comme un opérateur pour réaliser l’action désirée et se transforme graduellement en savoir procédural. Par exemple, après avoir appris que les verbes du premier groupe prennent un -s au présent à la deuxième personne du singulier, le fait de garder ces connaissances dans la mémoire de travail tout en faisant des exercices permet la restructuration de ces connaissances. De cette manière, la connaissance déclarative est procéduralisée. Dans la dernière étape, cette connaissance procédurale nouvellement acquise s’automatise par la pratique répétée et le recours au savoir déclaratif disparait. Un savoir procédural entièrement automatisé signifie, par exemple, que l'on utilise un -s au présent à la deuxième personne du singulier sans avoir à y penser.

Les manuels pour l’enseignement des L2/LÉ suivent le même modèle. Le savoir déclaratif est fourni à l’apprenant (mots de vocabulaire, conjugaisons de verbes, règles de grammaire), par la suite l’apprenant est amené à faire des exercices écrits pour mettre en pratique le savoir et finalement il est invité à réaliser des activités de communication ou une tache collective qui lui permettent d’utiliser le savoir automatiquement.

Le modèle d’apprentissage/d’acquisition sous-jacent à l’ANL est différent du modèle ACT d’Anderson. Dans le modèle qui émerge des neurosciences et surtout de la théorie de Paradis, la mémoire déclarative et la mémoire procédurale font appel à des substrats neuro-anatomiques[1] distincts (Paradis, 1994, 2004, 2009), c’est-à-dire, deux systèmes de fonctionnement neuronales distincts, dès lors, il n’y a pas d’interface ou de lien entre c’est deux mémoires. Conséquence est que, le savoir explicite ou déclaratif [2] -qui relève de la mémoire déclarative - ne peut se transformer (ou se procéduraliser) en savoir implicite ou procédural[3]-qui relève de la mémoire procédurale- car ils relèvent de deux mémoires qui font appel à deux supports anatomiques neuronaux distincts. Ainsi, les exercices et la pratique ne peuvent aider à transformer le savoir explicite en compétence implicite et automatisée.

Nouveau paradigme, l’ANL est un «une nouvelle façon de concevoir les relations entre l’appropriation et l’enseignement d’une L2/LE visant à créer en salle de classe les conditions optimales pour une communication spontanée et une interaction sociale réussie» (Germain, 2017: 5). Cette approche pédagogique a été conçue par deux chercheurs /enseignants canadiens, Joan Netten et Claude Germain. En 2010, l’ANL a été mise à l’essai à l’extérieur du territoire canadien, précisément à l'Université Normale de Chine du Sud (UNCS) auprès de jeunes adultes de 18 à 21 ans. Les étudiants chinois ayant commencé l’apprentissage du français via l’ANL montrent des résultats en expression orale nettement supérieurs à ceux qui ont commencé l’apprentissage via une méthode traditionnelle (Germain, Ricordel, & Liang, 2015). À l’heure actuelle (2018), l’ANL s’est répandue dans différents milieux, au Japon, en Taiwan et en France tant dans le milieu institutionnel qu’universitaire.

En 2017, nous avons effectué une étude par questionnaire auprès de 100 adultes qui apprenaient le français dans différents instituts à Téhéran et dans d’autres villes en Iran. Ce sondage n’est pas le sujet de cette présente recherche, toutefois, pour mettre en perspective la problématique visée par ce travail de recherche, il nous semble convenir de donner un bref aperçu des résultats obtenus par ce sondage. Les résultats obtenus par ce sondage d’opinion ont montré qu’il y a cette vive envie chez les apprenants d’être capables, le plus rapidement possible, de communiquer des messages authentiques. Ils sont cependant nombreux à affirmer que leur habileté à parler français ne progresse pas comme ils le souhaitaient, qu’ils éprouvent le besoin d’avoir davantage d’occasion pour parler dans la classe et que pour le développement efficace de la compétence de communication orale ils doivent obligatoirement vivre en milieu francophone et consacrer une année, même plus, pour développer leur compétence en production orale.

Compte tenu de ce besoin de communication orale chez les apprenants adultes du français en Iran, l’interrogation principale de cette recherche est de savoir si l’ANL, qui se base sur un modèle d’apprentissage différent émergeant des neurosciences, pourrait aider le public adulte iranien à développer des compétences orales (production et compréhension) supérieures. Pour mener à bien cette recherche, nous nous basons sur ces hypothèses:

1) Les apprenants iraniens ayant suivi l’ANL développeraient des compétences en expression orale supérieures à celles obtenues dans l’enseignement via la méthode habituellement utilisée dans les instituts de langue iraniens car avant d’apprendre un savoir explicite sur la langue, ils acquièrent l’habileté à communiquer à l’oral.

2) La compétence de compréhension orale des apprenants iraniens ne se développerait pas au même rythme que celle de la production orale car dans l’ANL la compétence en compréhension orale s’acquiert seulement en classe et cela en écoutant le professeur ainsi que les autres apprenants.

Il est à souligner que nous avons reçu une formation théorique et pratique à distance assurée par le co-concepteur de l’ANL (Claude Germain), afin de nous familiariser avec les stratégies d’enseignement de l’ANL et d’être habilité à enseigner en suivant les principes de l’ANL.

Dans les lignes suivantes, nous aborderons les fondements théoriques de l’ANL, présenterons la méthodologie de recherche et analyserons des données des résultats.

Fondements théoriques de l’ANL

Les principes pédagogiques fondamentaux de l’ANL qui sont à la base de toutes les activités d’enseignement et d’appropriation de la langue reposent notamment sur la théorie neurolinguistique du bilinguisme de Paradis (1994, 2004, 2009). Le passage qui suit présente quelques-uns de ces principes.

1) Deux grammaires: grammaire interne et grammaire externe

Dans l’ANL, il y a deux grammaires distinctes: la grammaire interne et la grammaire externe. La grammaire externe relève de la mémoire déclarative. C’est une grammaire à faire apprendre car elle réfère aux règles de grammaire, de conjugaison, aux mots de vocabulaire. Elle est donc explicite et consciente. Cette grammaire intervient principalement lors de la lecture ou l’écriture et aussi parfois à l’oral, lorsque nous nous apercevons que nous avons produit une forme fautive en parlant (le monitoring de l’oral).

En ce qui concerne la grammaire interne, elle relève de la mémoire procédurale. C’est une grammaire à faire acquérir car elle est constituée «de régularités statistiques» (Germain & Netten, 2013: 19) qui se créent grâce à l’utilisation et à la réutilisation fréquente des mêmes structures langagières dans différents contextes. L’apprenant a recours à cette grammaire de manière non consciente et implicite lors la communication et l’interaction orale avec les autres.

En ce qui concerne la grammaire interne, elle relève de la mémoire procédurale. C’est une grammaire à faire acquérir car elle est constituée «de régularités statistiques» (Germain & Netten, 2013: 19) qui se créent grâce à l’utilisation et à la réutilisation fréquente des mêmes structures langagières dans différents contextes. L’apprenant a recours à cette grammaire de manière non consciente et implicite lors la communication et l’interaction orale avec les autres.

La grammaire interne n’est pas faite de règles explicites apprises par cœur, mais plutôt de réseaux de connexions neuronales construits dans la tête qui permet à l’apprenant d’utiliser
la langue sans en être conscient. Autrement dit, l’utilisation et la réutilisation des structures langagières crée dans le cerveau des réseaux de connexions neuronales, qui permettent à l’apprenant d’utiliser la langue avec spontanéité et ainsi de développer sa grammaire interne. (Germain & Netten, 2012, 2013; Germain, C., Ricordel, I., & Liang, M., 2015; Germain, 2017).

Ainsi, la grammaire interne est une compétence implicite qui permet de communiquer principalement à l’oral, avec aisance et spontanéité (Germain & Netten, 2012; Germain, C., Ricordel, I., & Liang, M., 2015; Germain, 2017). Quant à la grammaire externe, elle permet principalement de lire et d’écrire avec précision, c’est-à-dire avec le moins d’erreurs possible et de corriger les erreurs dans les phrases produites à l’oral (Germain & Netten, 2012; Germain, C., Ricordel, I., & Liang, M., 2015; Germain, 2017).

2) Recours à une pédagogie axée sur le développement de la littératie

Dans l’ANL, la priorité est accordée au développement de l'oral, car seule l’utilisation fréquente de la langue orale permet de développer la grammaire interne (Germain & Netten, 2012). Dans ce contexte, la pédagogie de l’ANL est centrée sur le développement de la littératie. La littératie, tant en L1 qu’en L2, c’est «la capacité d’utiliser la langue et les images pour comprendre, parler, lire, écrire, voir, représenter et penser de façon critique. Elle permet d’échanger des renseignements, d’interagir avec les autres et de produire du sens» (Germain, 2017: 35). Ainsi la littératie n’est pas un savoir mais une habileté. Cela signifie que, pour les auteurs de l’ANL, la langue est considérée en tant qu’habileté plutôt qu’en tant que savoir. Dans la perspective du développement de la littératie, l’apprenant doit donc être capable «de parler avec une certaine spontanéité de son vécu, de ses expériences personnelles, comme cela est le cas dans sa L1, avant de pouvoir lire et écrire dans la L2/LÉ (Germain & Netten, 2012, 2013; Germain, C., Ricordel, I., & Liang, M., 2015; Germain, 2017).

Ainsi, dans l’ANL les structures langagières sont d’abord présentées oralement (par modélisation), des activités pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture sur les mêmes structures langagières viennent immédiatement après. Le recours à une pédagogie axée sur le développement de la littératie implique que l’habileté à lire et à écrire dépendent étroitement des compétences acquises d’abord à l’oral. Dès lors, l’oral occupe une place importante dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans l’enseignement et l’appropriation d’une L2/LÉ (Germain & Netten, 2005). C’est ainsi que, dans une perspective de développement de la littératie, dans l’ANL, chaque unité pédagogique commence par une phase orale. L’apprenant développe d’abord l’habileté à parler sur un thème donné et ce sans recevoir un savoir explicite. Par la suite, il est amené à faire des activités de lecture et ensuite d’écriture sur le même thème en recourant avant tout aux mots de vocabulaire et aux structures langagières qu’il a déjà développées à l’oral. Lors de l’activité de lecture les apprenants doivent reconnaitre les formes graphiques des sons de la L2/ LÉ et observer les traits de la langue qui sont spécifiques à la forme écrite. L’activité de lecture est donc une activité de reconnaissance (à l’écrit) de ce que l’apprenant connaît déjà à l’oral. C’est pour cette raison que la lecture vient immédiatement après l’oral. L’écriture vient immédiatement après la lecture car, lors de la production des formes écrites, l’apprenant utilise une grande partie du savoir langagier qu’il a observé dans la phase d’observation de la leçon de lecture.

3) Création de situations authentiques de communication en salle de classe

Dans la terminologie de l’ANL, le terme authentique est synonyme de «ce qui est vrai, réel pour la personne qui parle» (Germain, 2017: 42). Ainsi, afin de susciter la motivation des apprenants, ceux-ci sont amenés à parler, à lire et à écrire sur des thèmes qui relèvent de leurs expériences personnelles. En outre, pour ne pas enfreindre le principe de l’authenticité, il faut que tous les éléments lexicaux de la langue soient utilisés dans une phrase car la réalisation phrastique est plus semblable aux situations de communication réelles de la vie. Ainsi, le fait de faire apprendre la conjugaison d’un verbe en le conjuguant sur le tableau ou en faisant observer les tableaux de conjugaison dans les manuels - sans donner une structure phrastique aux conjugaisons- ne permet pas aux apprenants d’acquérir implicitement et de manière inconsciente les propriétés grammaticales de ces verbes. En outre, cet emploi non-contextualisé ne correspond pas à une vraie situation de communication.

Cela est valable également pour la mémorisation des mots de vocabulaire hors contexte. Dans l’ANL, il n’y a pas de listes de mot de vocabulaire. L’apprentissage de mots de vocabulaire isolés, hors contexte phrastique ne peut contribuer au développement de la grammaire interne et d’ailleurs cet emploi non-contextualisé des mots de vocabulaire ne correspond pas à une situation authentique de communication. Mieux est que l’apprenant apprenne un nombre limité de mots de vocabulaire qu’il peut utiliser dans des phrases qu’il construit, plutôt que d’apprendre un grand nombre de mots isolés, hors contexte, qu’il ne peut utiliser par la suite.

Pareille pour les exercices écrits. Dans l’ANL, il n’y a pas d’exercices écrits car, encore, on les considère comme «fabriqués» et non authentiques.

4) Aisance et précision

L’aisance et la précision sont deux notions clés de l’ANL. Selon les concepteurs de l’ANL pour communiquer avec efficacité et spontanéité dans une L2/LÉ, il faut être en mesure d’utiliser la langue avec précision et aisance (Germain & Netten, 2001). Autrement dit, plus un apprenant arrive à atteindre un niveau supérieur en précision et aisance, plus il sera en mesure de communiquer avec spontanéité à l’oral.

La précision est définie comme étant «la connaissance correcte que possède un individu des règles d’une langue ainsi que l’habileté à utiliser correctement ces règles dans une situation socioculturelle de communication» (Germain & Netten, 2001: 83). Ainsi, une absence de précision chez un apprenant pourrait être une connaissance fautive des règles langagières et pragmatiques ou une utilisation incorrecte de ces règles. La correction des erreurs à l’oral est donc très importante dans l’ANL. Par ailleurs, autre que la correction, il importe également de faire employer la phrase corrigée sinon la grammaire interne se développera incorrectement.

L’aisance, quant à elle, se définit comme étant «l’habileté à mettre en relation avec facilité les composantes d’une compétence de communication: compétence grammaticale, compétence discursive et compétence socioculturelle, dans une situation réelle de communication. Et, par la négative, l’absence d’aisance peut se traduire, selon l’état de développement de cette compétence à l’oral, par exemple, par des hésitations, des pauses, des longueurs, des reprises, etc.». (Germain & Netten, 2001: 85)

Méthodologie de recherche

Pour évaluer et comparer les retombées de l’ANL auprès d’apprenants adultes iraniens nous l’avons mise en parallèle avec une méthode courante d’enseignement/ d’apprentissage en Iran (en l’occurrence le manuel Alter Ego+). Dans cet optique, avons choisi un groupe contrôle (GC) et un groupe expérimental (GE). Le GC a commencé son apprentissage via le manuel Alter Ego+. Quant au GE, celui-ci a commencé son apprentissage via l’ANL. L’enseignement aux deux groupes a commencé en parallèle. Les deux groupes devaient recevoir une même durée d’enseignement mené sur 7 mois (décembre 2016-juin 2017) à savoir, 180 heures de formation réparties sur 6 blocs, à raison de 10 séances de 3 heures par bloc. Toutefois, en raison de certaines contraintes qui ont surgit à la fin du 4e bloc la durée d’enseignement fut diminué à 120 heures réparties sur 4 blocs, à raison de 10 séances de 3 heures par bloc (décembre 2016-avril 2017) pour les deux groupes.

Participants

Dans un plan quasi-expérimental, les sujets constituants le GC (voir Tableau 2) étaient des apprenants inscrits à un cours de français langue étrangère niveau débutant organisée dans les locaux de l’institut Borna, à Téhéran. Le GC a reçu un enseignement basé sur le manuel Alter Ego plus A1. L’enseignement du français pour le GC était assuré par une enseignante diplômée et expérimentée.

 

Tableau 2. Description de l’échantillon

 

Niveau

Nombre

Age moyen

Institut de langue

Approche/Méthode

GC

Débutant

10

27

Borna

Alter Ego + A1

GE

Débutant

10

32

To Be

ANL

 

 

Pour s’assurer que les participants du GC n’étaient pas de faux débutants, nous avons demandé aux responsables de l’institut ayant servi de GC de demander aux adultes inscrits s’ils avaient déjà suivi des cours de français LE auparavant. Selon les données fournies, tous les participants étaient de vrais débutants. Pour le GE, nous avons nous-même demandé aux participants. À part deux participants qui avaient commencé à apprendre le français à plusieurs tentatives et qui avaient renoncé à chaque fois, les autres étaient des débutants complets. Il convient aussi de mentionner que tous les participants à cette recherche avaient des connaissances intermédiaires de l’anglais

Afin de diminuer l’effet Hawthorne [4], il n’a jamais été mentionné aux apprenants du GE qu’ils participaient à une «expérience». Par ailleurs, comme nous l’avons déjà mentionné, les sujets du GE à l’exception de deux personnes, n’avaient jamais suivi un apprentissage de français auparavant. L’ANL était donc leur première méthode d’apprentissage. Dans ce cas, les résultats de l’expérience ne sont plus dus aux facteurs expérimentaux (en l’occurrence, l’ANL).

Procédés de recueil des données et instruments de recherche

En ce qui concerne le recueil et l’analyse des données empiriques, cette recherche combine sur le plan analytique la méthode quantitative (étude expérimentale comparée) et la méthode qualitative.Nous avons eu recours à trois instruments de recherche et d’évaluation:

1) Entretien individuel (méthode quantitative).

Il est question d’une évaluation externe (par un examinateur) sous forme d’un entretien oral individuel pour savoir si les apprenants sont capables d’utiliser les structures langagières apprises tout au long du bloc avec aisance et précision. Tel que mentionné précédemment, l’aisance à communiquer et la précision sont deux composants qui peuvent servir de critères pour évaluer ou apprécier le développement de la compétence à communiquer à l’oral (Germain & Netten, 2001). De sorte que, plus un apprenant arrive à atteindre un niveau supérieur en précision et aisance, plus il sera en mesure de communiquer avec spontanéité à l’oral.

Pour chaque bloc d’apprentissage, nous avons dressé une liste de questions correspondant aux thèmes et fonctions de communication apprises pendant le bloc par le GC et le GE. Nous avons fourni les questions de l’entretien aux enseignants de chaque groupe un jour avant la séance de l’entretien individuel. En somme, il y a eu donc quatre entretiens individuels, à savoir, un à la fin de chaque bloc (à la 10e séance). Les entretiens de chaque apprenant- d’une durée 7 à 10 minutes- ont été enregistré sur téléphone portable pour être ensuite évalués quelques jours après par une examinatrice de DELF. Environ 3 heures de séance d’évaluation (à savoir 45 minutes de séance d’évaluation pour chaque bloc) ont été enregistré. Il convient de préciser que dans les limites de notre recherche, les enseignantes de chaque groupe n’ont que dirigé les entretiens en tant qu’interlocutrice, l’évaluation des productions orales a été faite par une examinatrice-correctrice aux épreuves du DELF, officiellement habilités par le CIEP, afin d’avoir une évaluation plus «objective». Cette examinatrice a écouté les entretiens et noté les productions orales en fonctions de la grille d’évaluation fournie et des directives que nous lui avions précisées.

Pour recueillir les résultats de cet entretien oral individuel, nous avons construit une grille d’évaluation qui nous permet d’évaluer les niveaux de précision et d’aisance atteints dans la production orale des apprenants. Cette grille d’évaluation a été conçue à partir des critères proposés par Germain, Netten et Movassat (2004). Cette grille contient deux parties, une consacrée à évaluer le niveau atteint en précision et l’autre à évaluer le niveau atteint en aisance. Le niveau de précision est évalué à partir de cinq critères: la structure des phrases, accord en genre et en nombre, accord du verbe, vocabulaire, la prononciation (Tableau 1). La structure des phrases renvoie au fait que les phrases sont bien construites dans les limites de ce qui est nécessaire dans un dialogue entre deux interlocuteurs. L’accord en genre et en nombre renvoie à l’emploi correct des déterminants, des noms, des adjectifs, des pronoms et des attributs. L’accord du verbe renvoie à l’utilisation correcte des verbes. Le vocabulaire revoie au recourt de l’apprenant à sa langue maternelle (en l’occurrence, le persan). Enfin la prononciation renvoie à la bonne prononciation des sons de sorte qu’un interlocuteur francophone peut les comprendre, ainsi que le respect des éléments prosodiques (intonation, rythme et accentuation). (Germain, Netten & Movassat, 2004)

Quant au niveau d’aisance, il est aussi évalué à partir de cinq critères: le sens des phrases, la prise d’initiative, la fluidité, la durée et le débit. Le sens des phrases renvoie à la bonne compréhension par l’apprenant des questions posées par son interlocuteur et à une réponse appropriée. La prise d’initiatives détermine dans quelle mesure l’apprenant ose prendre des initiatives dans l’interaction verbale et aller plus loin dans la conversation. La fluidité vise à mesurer la capacité de l’apprenant à réagir immédiatement aux paroles de son interlocuteur, elle renvoie à l’absence de pauses trop longues ou trop fréquentes ou de reformulations qui pourraient nuire à la compréhension du sens du message. La durée des pauses renvoie au fait que les pauses et les silences sont suffisamment brefs avant de répondre aux questions de l’enseignant. Enfin, le débit renvoie à la lenteur ou la rapidité d’élocution de l’apprenant dans l’enchainement des mots qui doit être comparable à celui d’un francophone. (Germain, Netten & Movassat, 2004)

 

Tableau 1. Critères de la grille d’évaluation (d’après Germain, Netten et Movassat, 2004).

Précision linguistique

Structures des phrases

Les phrases sont bien construites dans les limites de ce qui est nécessaire dans un dialogue entre deux interlocuteurs

Accord en genre et en nombre

Les déterminants, les noms, les adjectifs, les pronoms et les attributs sont utilisés correctement.

Accord et conjugaison du verbe

Les verbes sont conjugués et accordés correctement.

Vocabulaire

L’apprenant ne recourt qu’au français pour préciser l’information

Prononciation

Les mots sont prononcés adéquatement (bonne prononciation des sons) de sorte qu’un interlocuteur francophone peut les comprendre. Les éléments prosodiques sont bien respectés (intonation, rythme et accentuation).

Aisance à communiquer

Sens des phrases

Les phrases utilisées, ou les parties de phrases, répondent aux exigences de la conversation et donnent l’information appropriée.

Prise d’initiatives

Des prises d’initiatives permettent de rendre la conversation plus riche ou de donner une tournure plus intéressent à la conversation

Fluidité

Absence de pauses trop longues ou trop fréquentes ou de reformulations qui pourraient nuire à la compréhension du sens du message

Durée des pauses

Les pauses et les silences sont suffisamment brefs avant de répondre aux questions de l’enseignant.

Débit

Le débit (lenteur ou rapidité d’élocution) de l’apprenant dans l’enchainement des mots est comparable à celui d’un francophone.

 

 

Pour cette grille d’évaluation, nous avons eu recours à une échelle de 3 points, tel que suggéré par Germain, Netten et Movassat (2004). Ainsi, les 10 critères de cette grille ont été notée de 1 à 3 où 1 correspond à «non acquis», 2 pour «en voie d’acquisition» et 3 pour «en très bonne voie d’acquisition ou acquis» (Germain, Netten et Movassat, 2004). Pour le critère de vocabulaire, le point 1 est attribué lorsque l’apprenant a recours autant à sa langue maternelle (en l’occurrence, le persan) qu’au français; le point 2 est accordé lorsque celui-ci recourt presque davantage au français et le point 3 lorsqu’il ne recourt qu’au français (Germain, Netten et Movassat, 2004).

2) Test de compréhension orale (méthode quantitative)

Afin de vérifier notre deuxième hypothèse de recherche nous avons évalué la compétence en compréhension orale des apprenants dans le GC et le GE par l’intermédiaire d’un test de compréhension orale que nous avons administré à la fin du dernier bloc d’apprentissage. Ce test a été conçu à partir des questions de l’épreuve de compréhension orale du DELF pour le niveau A2. L’examen du DELF est en accord avec les standards européens de l’apprentissage des langues étrangères définit par le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR). Le niveau A2 a été choisi en fonction des heures d’apprentissage du GC et GE. Le nombre d’heures d’apprentissage nécessaires pour se présenter à l’examen de DELF A2 est de 100 à 160 heures. Les participants de cette recherche ont suivi une formation de 120 heures, le choix du niveau A2 nous a donc semblé judicieux. Au terme du dernier bloc d’apprentissage, nous avons demandé aux responsables de l’institut où le GC poursuivait son apprentissage, la permission d’administrer le test aux apprenants du GC. Nous avons également fait passer ce test aux apprenants du GE.

3) Questionnaire d’appréciation administré au GE (méthode qualitative)

Il s’agit d’une appréciation qualitative des apprentissages. Pour obtenir l’opinion des apprenants à l'égard de l’ANL, nous avons administré, à la fin du parcours d’apprentissage prévu, un questionnaire au GE qui comprenait 10 propositions. Ce questionnaire a été conçu en persan afin d’éviter toutes confusions et des résultats erronés. Les répondants étaient amenés à indiquer leur degré d’accord ou de désaccord par le biais d’une échelle de Likert à quatre points: pas du tout d’accord, plutôt pas d’accord, plutôt d’accord, tout à fait d’accord.

Analyse des données et discussions des résultats

1) Production orale

Le traitement des données quantitatives rapportées ci-dessous a été effectué avec le logiciel Excel 2016.


Tableau 2. Moyennes du groupe expérimental pour les critères de précision

Critères de précision

Entretien 1

Entretien 2

Entretien 3

Entretien 4

Structures des phrases

2.6

2.6

2.6

2.6

Accord en genre et en nombre

2.5

2.5

2.6

2.6

Accord et conjugaison du verbe

2.4

2.4

2.5

2.5

Vocabulaire

2.5

2.8

3

3

Prononciation

2.6

2.7

2.8

2.8

Score total

12.6

13

13.5

13.5

Tableau 3. Moyennes du groupe expérimental pour les critères d’aisance

Critères d'aisance

Entretien 1

Entretien 2

Entretien 3

Entretien 4

Sens des phrases

2.6

2.6

3

3

Prise d’initiatives

2

2.3

3

3

Fluidité

2.4

2.4

2.6

2.6

Durée des pauses

2.4

2.4

2.6

2.6

Débit

1.7

1.9

2.4

2.6

Score total

11.1

11.6

13.6

13.8

Tableau 4. Moyennes du groupe contrôle pour les critères de précision

Critères de précision

Entretien 1

Entretien 2

Entretien 3

Entretien 4

Structures des phrases

2.1

2.3

2.3

2.3

Accord en genre et en nombre

2.1

2.1

2.2

2.2

Accord et conjugaison du verbe

2.1

2.2

2.3

2.3

Vocabulaire

2

2.3

2.3

2.3

Prononciation

1.7

2

2

2.4

Score total

10

10.9

11.1

11.5

Tableau 5. Moyennes du groupe contrôle pour les critères d’aisance

Critères d'aisance

Entretien 1

Entretien 2

Entretien 3

Entretien 4

Sens des phrases

2.3

2.3

2.6

2.6

Prise d’initiatives

1.8

1.8

2.3

2.5

Fluidité

1.7

1.7

2.3

2.3

Durée des pauses

2.1

2.1

2.3

2.3

Débit

1.3

1.3

2.3

2.3

Score total

9.2

9.2

11.8

12

Tableau 6. Moyennes globales 1des scores obtenus pour chacun des 4 entretiens pour les critères de précision et d’aisance

 

Critère

Groupe contrôle

Groupe expérimental

Différence

t-test 2

Précision

Structures des phrases

2.25

2.6

35.00%

p<0.05

Accord en genre et en nombre

2.15

2.55

40.00%

p<0.05

Accord et conjugaison du verbe

2.225

2.45

22.50%

p<0.05

Vocabulaire

2.225

2.825

60.00%

p<0.05

Prononciation

2.025

2.725

70.00%

p<0.05

Score total (sur 15)

10.875

13.15

 

 

Aisance

Sens des phrases

2.45

2.8

35.00%

p<0.05

Prise d’initiatives

2.1

2.575

47.50%

p<0.05

Fluidité

2

2.5

50.00%

p<0.05

Durée des pauses

2.2

2.5

30.00%

p<0.05

Débit

1.8

2.15

35.00%

p<0.05

Score total (sur 15)

10.55

12.525

 

 

1 Moyenne des moyennes

2 Les différences observées entre les groupes ont été soumises à un test de signification statistique (t-test) sur le logiciel Excel 2016. Ce test montre que les résultats obtenus sont inférieurs au seuil usuel de 0.05 (alpha). Cela signifie que les différences entre le GC et le GE sont statistiquement significatives

 

 

En ce qui concerne les résultats des entretiens oraux individuels, dans le GE le score moyen obtenu pour les critères de précision progresse d’un entretien à l’autre (1er entretien: 12.6; 2e entretien: 13, 3e entretien: 13.5; Tableau 2) et atteint le résultat de 13.5 (sur 15) lors du 4e entretien avec une progression de 0.9 points (90%) par rapport au 1er entretien. Le score moyen obtenu pour chaque critère d’aisance progresse également d’un entretien à l’autre
(1er entretien: 11.1; 2e entretien: 11.6, 3e entretien: 13.6;Tableau 3) et atteint le résultat de 13.8 (sur 15) lors du 4e entretien avec une progression de 2.7 points (270) par rapport au 1er entretien.

Dans le GC, on constate également que le score moyen obtenu pour les critères de précision progresse d’un entretien à l’autre
(1er entretien: 10; 2e entretien: 10.9, 3e entretien: 11.1;Tableau4) et atteint le résultat de 11.5 (sur 15) lors du 4e entretien avec une progression de 1.5 points (150%) par rapport au 1er entretien. Le score moyen obtenu pour chaque critère d’aisance enregistre également une progression du 2e entretien au 3e (1er entretien: 9.2;
2e entretien: 9.2, 3e entretien: 11.8 ; Tableau 5) et atteint le résultat de 12 (sur 15) lors du 4e entretien avec une progression de 2.8 points (280%) par rapport au 1er entretien. Or, le taux de progression du 4e entretien par rapport au 1er entretien est inférieur dans le GE (0.9 par rapport à 1.5; 2.7 par rapport à 2.8).

Par ailleurs, il est intéressant de comparer de plus près les résultats des groupes quant à tous les critères séparément. Comme l’illustre le Tableau 6, pour tous les critères en cause, les moyennes globales des scores sont nettement supérieures pour le GE. En effet, les apprenants du GE respectent la structure des phrases à l’oral avec une supériorité de 0.35 points (35%). Ils respectent l’accord en genre et nombre ainsi que l’accord et conjugaison des verbes, avec une supériorité, respectivement de 0.4 points (40%) et de 0.225 points (22.5%). Le recours à langue maternelle (en l’occurrence le persan) est inférieur de 0.6 points (60%) dans le GE. Cela signifie pour les apprenants du GE ont moins recours au persan lors des entretiens individuels. On remarque aussi que le score moyen pour la prononciation est supérieur de 0.7 points (70%) dans le GE. Le score moyen pour le sens des phrases est supérieur de 0.35 points (35%) dans le GE. La prise d’initiative est également 0.475 points (47.50%) plus élevé dans le GE. Le score moyen du niveau de fluidité est supérieur de 0.5 points (50%) dans le GE. La durée des pauses et le débit sont respectivement, supérieur de 0.3 points (30%) et 0.35 points (35%) dans le GE. En conséquence, des différences apparaissent dans les niveaux de précision et d’aisance atteints (Tableau 6). On observe que pour la précision, le score moyen pour le GE est de 13.5 (sur 15) et pour l’aisance, il est de 12.525 (sur 15) ce qui est supérieur aux résultats du GC où le score moyen pour la précision est de 10.875 (sur 15) et pour l’aisance, il est de 10.55
(sur 15).


2) Compréhension orale

Tableau 7. Scores obtenus dans le test de compréhension orale par chaque apprenant

Groupeexpérimental
(N=10)

Score
(sur 251)

Groupe contrôle
(N=10)

Score
(sur 25)

t-test

A1

16

A1

19.5

p<0.05

A2

11

A2

21.5

p<0.05

A3

13

A3

19

p<0.05

A4

14

A4

19

p<0.05

A5

18.5

A5

12

p<0.05

A6

16.5

A6

21.5

p<0.05

A7

17

A7

16

p<0.05

A8

17.5

A8

17.5

p<0.05

A9

14

A9

19

p<0.05

A10

11

A10

23

p<0.05

Moyenne des scores

14.85

 

18.8

 

1 Le test de compréhension orale contient 3 exercices avec chacun un pointage de 5, 8, et 12 points respectivement sur un total de 25 points

 

 

Les scores obtenus pour le test de compréhension orale (Tableau) nous révèlent que le GC a obtenu un score plus élevé que le GE à la fin de 120 heures d’enseignement. En effet, pour le GC le score moyen est de 18.8 (sur 25) alors que pour le GE, il est de 14.85. En outre, on remarque deux apprenants dans le GC (*) ont réussi à atteindre un score de 21.5 qui est près de 25. Alors que dans le GE, le score maximum est de 18.5.

3) Questionnaire d’appréciation

La Figure 1 montre les résultats du questionnaire d’appréciation que nous avons administré au GE. Il convient de rappeler que le traitement des données issues de ce sondage a également a été effectué avec le logiciel Excel 2016.


 

Figure 1. Résultats du questionnaire d’appréciation administré au GE

 

 

Comme on peut le constater, tous les 10 apprenants du GE ont indiqué leur degré d’accord ou de désaccord par le biais d’une échelle de Likert à quatre points: pas du tout d’accord, plutôt pas d’accord, plutôt d’accord, tout à fait d’accord.

Les résultats du questionnaire d’appréciation montrent que les apprenants du GE ont une appréciation très favorable envers la méthode avec laquelle ils ont commencé leur apprentissage du français. Il convient de rappeler que le GE ignorait recevoir un enseignement différent de ce qui est usuel dans l’institut To Be. Nous rapportons ici l’interprétation des résultats pour 5 propositions pertinentes à ce stade de notre recherche.

1- À la proposition 1: «Cette méthode d’apprentissage est efficace pour le développement de la compétence à communiquer.», 5 personnes ont répondu qu’ils étaient tout à fait d’accord et 4 personnes étaient plutôt d’accord.

2- À la proposition 2: «J’ai appris l’anglais par une autre méthode mais je trouve celle-ci meilleure.», 3 personnes ont répondu qu’ils étaient tout à fait d’accord, 6 personnes étaient plutôt d’accord et 1 personne plutôt pas d’accord.

3- À la proposition 6: «Je suis satisfait de mon progrès en expression orale à ce stade.»,5 personnes ont répondu qu’ils étaient tout à fait d’accord, 4 personnes étaient plutôt d’accord et 1 personne plutôt pas d’accord.

4- À la proposition 7: «Le fait d’avoir beaucoup d’occasions pour parler dans la classe est très bénéfique.», 9 personnes ont répondu qu’ils étaient tout à fait d’accord et 1 personne était plutôt d’accord.

5- À la proposition 10: «Cette méthode est efficace pour le développement de ma compétence de compréhension orale.», 6 personnes ont répondu plutôt pas d’accord et 4 personnes pas du tout d’accord.

Discussion

Les résultats obtenus nous permettent de conclure que notre première hypothèse est confirmée en ce sens que les apprenants du GE ont atteint un niveau de précision et d’aisance en production orale qui est supérieur au GC. En effet, l'analyse des données empiriques issues des 4 entretiens individuels nous révèle que le groupe GE, formé selon ANL, a obtenu un score de 13.15 pour les critères de précision, soit pratiquement 2.625 points plus élevé que le GC, et un score de 12.525 pour les critères d’aisance, soit 1.975 points plus élevé que le GC. Compte tenu que la précision et l’aisance sont les deux composants d’une communication effective et spontanée dans une L2/LÉ, dès lors, le GE a atteint un niveau de compétence effective et spontanée en communication orale supérieur au GC.

Les résultats du sondage d’opinion viennent également confirmer les affirmations ci-dessus. Ce sondage révèle que les apprenants ont une appréciation très favorable face à leur progrès en production orale et qu’ils auraient souhaité apprendre l’anglais de la même manière.

Le score moyen du GE (14.85) et du GC (18.8) obtenu dans le test de compréhension orale administré à la fin de 120 heures d’enseignement confirme notre deuxième hypothèse. Compte tenu que l’ANL est dépourvu de documents audio (de n’importe quel type, que ce soit authentique ou non authentique) et que la compétence en compréhension orale s’acquiert seulement en classe, en écoutant le professeur ainsi que les autres apprenants, nous nous attendions à ce que le GE obtienne des résultats plus faible en compréhension orale. Les appréciations non favorables à la proposition 10 du questionnaire illustrent également que les apprenants du GE ne sont pas satisfaits de leur progrès en compréhension orale.

Autre que le développement de la compétence de compréhension orale, les documents audio permettent également à l’apprenant de percevoir et de comprendre les prosodies de la langue en question telles que prononcées par un locuteur natif. Toutefois, dans le GE les apprenants n’ont qu’à leur disposition le français parlé par leur enseignante qui est une locutrice non native. Dans le GC, même si l’enseignement est assuré également par une enseignante non-native, l’abondance des documents audio et des exercices de phonétiques du manuel expose les apprenants aux vrais modèles de la prosodie française.

Par ailleurs, les manuels de français LE sur le marché, y compris le manuel Alter Ego+, sont riches en activités préparatoires aux tests de français (le DELF et le DALF). Or, une autre raison qui pourrait expliquer cette différence entre les scores du GE et du GC est le fait que le GC était habitué aux questions de compréhension orale de type DELF alors que le groupe GE (ANL) ne l’était pas.

Conclusion

L’ANL se détache des autres méthodes d’enseignement/apprentissage du français LÉ dans ce sens qu’elle se base sur un modèle d’apprentissage qui émerge des neurosciences et qui prône d’abord le développement de la compétence de l’oral sans passer par le détour du savoir explicite et des exercices écrits sur la langue.

Les résultats de la présente recherche auraient pu être plus précis s’il avait été possible de recourir aux tests standards de français (comme le DALF/TCF/TEF) ou l'Entrevue de Compétence Orale[5] créé par l’ACTFL[6]. Il s’agit d’une conversation téléphonique de 15 à 30 minutes entre un examinateur certifié de l’ACTFL et le candidat. À travers une série de questions personnalisées, un échantillon de discours est obtenu et évalué par rapport aux niveaux de compétence décrits dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECR). Comme ces tests étaient très couteux, il nous a fallu recourir à d’autres outils d’évaluation de la production orale. Par ailleurs, s’il avait été possible de prolonger la durée d’enseignement, les résultats auraient pu être davantage étoffés. Lors de l’expérimentation, 4 apprenants ont quitté le GE et 2 autres le GC à mi-parcours. Afin d’avoir des résultats homogènes, nous avons été obligé de diminuer la durée de l’expérimentation.  En effet, dans les instituts de langue rien ne force les apprenants à continuer leur formation. Il est peu probable qu’une classe avec 10 apprenants, par exemple, puisse continuer avec le même nombre ou les mêmes personnes dans un institut de langue. Il se peut que des apprenants quittent le groupe ou viennent s’y ajouter au cours des sessions suivantes.

Les résultats d’expérimentation de l’ANL, provenant des enseignants formés à l’ANL de partout dans le monde, ont incité les concepteurs de l’ANL a préparé une nouvelle version pour adultes de l'ANL, sous forme d'un manuel de français selon l'ANL qui tentera de remédier aux lacunes de cette approche, entre autres, l’adaptation de l’ANL aux différents tests de français (notamment le DELF et le DALF).

Pour conclure, en ce qui a trait à l’ANL et son implantation en milieu iranien, nous croyons que deux pistes de recherche méritent d’être explorées: la première, l’évaluation de la production écrite des apprenants iraniens suivant un enseignement via l’ANL et la deuxième, l’évaluation de la nouvelle version de l’ANL pour adultes en intégralité avec des outils d’évaluation plus exacte et plus scientifique et une durée d’enseignement plus longue.



[1] Un substrat neuronal: l'ensemble des structures cérébrales qui sous-tend les comportements spécifiques ou des états psychologiques.

[2] Ou savoir métalinguistique dans la terminologie de Paradis

[3] Ou compétence implicite dans la terminologie de Paradis

[4] L’effet Hawthorne fait référence à une situation dans laquelle les sujets d’une expérience ont consciences d'être observés et donc modifient leurs comportements. Ce qui pourrait influencer leurs motivations.

[5] Oral Proficiency Interview

[6] American Council for the Teaching of Foreign Languages.

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