نوع مقاله : مقاله پژوهشی
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دانشگاه فردوسی مشهد
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Introduction
Jean-Marie Gustave Le Clézio, écrivain contemporain français bien connu dans le monde entier, s’attaque à la modernité avec son premier roman, Le Procès-verbal (1963), qui a reçu le prix Renaudot. Le prix Nobel de littérature 2008 a été également attribué à cet écrivain français. Dans son roman Désert (1980)qui a remporté le prix de l’Académie française, il aborde le thème du voyage, une forme du voyage rétrospectif, ainsi que la notion du corps et de la mort qu’il a largement exploitée. Dans Le Poisson d’or, Le Cléziodénonce «la violence des hommes à traversl’aventure d’une petite fille volée et confiée à une vieille dame». (Raymond, 2008: 1)
Le titre de Poisson d’or nous invite à explorer l’imaginaire de l’eau à travers son rapport évident avec le poisson. Bachelard, dans L’Eau et les rêve (Bachelard, 1942) nous l’a bel et bien montré: le symbolisme des eaux rassemble de symboles contradictoires. A titre d’exemple, à l’eau calme s’oppose l’eau rapide. L’eau claire et bienfaisante a pour antithèse l’eau mortelle des déluges. (Bachelard, 1942). Durand doit la base de sa méthode critique à Bachelard. La méthode de Bachelard nous montre comment les «éléments» jouent un rôle essentiel dans la vie du sujet et procurent les conditions premières de l’imagination poétique. La théorie de Bachelard explore l’image poétique. D’un point de vue littéraire, l’image est un moyen d’expression qui suggère une idée neuve par rapport à celle produites ou représentée par les mots. Elle peut détourner les termes de leurs significations primaires et de leurs sens habituels en profitant des alliances de mots et en renouvelant le message, ainsi l’image littéraire produira des effets inattendus. L’imagination de l’écrivain lui donne la puissance de reproduire du sens au-delà des pouvoirs de l’entendement des mots. Bachelard, attentif aux pouvoirs créateurs de l’imagination, admet que «la richesse du monde tient d’abord sa substance de la fécondité propre du rêveur. C’est le rêveur qui fait le monde poétique et non le monde en soi poétique qui fait le rêveur» (Bachelard, 1949: 24-25) La méthode de Durand est basée sur la polarité naturelle des symboles. Durand, dans Structures anthropologiques de l’imaginaire (Durand, 1960), enracine avant tout l’imaginaire dans un système de réflexes sensori-moteurs; ainsi chaque geste correspond à une matière qui suscite un matériau imaginaire, par exemple le geste lié à la descente digestive appelle les matières de la profondeur comme l’eau de profondeur. L’imagination apparaît ainsi comme un facteur d’équilibration psycho-social de l’auteur. Durand privilégie l’interprétation des symboles, ainsi l’imagination symbolique sera considérée comme l’activité dialectique de l’esprit de l’auteur qui incarne le rôle d’un facteur équilibrant pour lui au niveau anthropologique et psycho-social (Durand, 1960). Durand parle ainsi de symbolisme pluriel des éléments liquides: l’eau noire, l’eau lustrale, l’eau sanglante, l’eau océanique, etc. Mais dans ses classifications, il parle «des images et des structures de l’emboîtement et il clarifie ainsi le rapport entre le poisson et l’élément liquide, ainsi on voit ce lien d’emboitement comme le schéma suivant: mer> poisson» (Durand, 1992: 233). Nous parlerons des termes employés par Durand et les régimes diurne et nocturne au corps de notre recherche, mais comme hypothèse de base, puisque le régime nocturne de l’image correspond à une imagination positive, pouvons-nous conclure que le titre de l’œuvre choisie pour cette étude, montre l’imagination positive de l’écrivain, au moment où il arrive à surmonter sa peur de la mort et son angoisse existentielle? Le romancier permet-il à son personnage principal, Laila, de projeter son angoisse dans l’imaginaire et de surmonter son anxiété face à la vie et la mort?
De nombreuses recherches ont été effectuées sur les œuvres de Le Clézio. Parmi ces recherches, nous nous penchons plutôt sur les études faites sur l’imaginaire de l’écrivain ; nous citons le livre de Bruno Thibault intitulé: J.M.G Le Clézio et la métaphore exotique (Thibaut, 2009). Le chercheur montre l’influence de l’exotisme sur l’imagination de cet écrivain et il aborde la problématique de l’espace et du voyage, qui dominent l’œuvre leclézienne. Une analyse anthropologique et psychanalytique permet à Thibault de montrer le sentiment contemporain d’exil qui n’est jamais ni idéologisé ni idéalisé dans l’imagination de l’écrivain.
A travers une approche critique, Ghobâdi, chercheuse iranienne, dans son article intitulé: «L’étude de l’espace désertique chez Jean Marie Gustave Le Clézio et Antoine de Saint-Exupéry», a comparé les différentes facettes de l’image du désert dans les œuvres de Le Clézio et de Saint-Exupéry. Selon cette étude, le désert est symbole de la soif et de la faim, de la mort par trop de soleil, mais il est également le lieu privilégié de la rencontre avec le divin. Elle conclut que la vision de Saint-Exupéry est différente de celle de Le Clézio, le voyage dans l’espace aérien influence les images données de désert dans l’œuvre de Saint-Exupéry par rapport aux images terrestres de désert dans l’imagination de Le Clézio (Ghobâdi, 2012). Nejad Mohammad, un autre chercheur iranien, propose une lecture mythocritique d’Onitsha de Le Clézio (Nejad Mohammad, 2017). Il étudie l’évolution des mythes dans l’imaginaire de l’écrivain à travers l’étude des micro-mythes qui reflètent le changement des mythes en fonction des paramètres socio-culturels. Dans un autre article: «L’ontologie du regard chez J. M.G. Le Clézio, à travers «Mondo et Le Chercheur d’or», il étudie l’imagination de l’écrivain à travers le regard des personnages. (Nejad Mohammad, 2007)
Dans cette recherche, en classifiant les images du Poisson d’or selon la méthode proposée par Durant à savoir les deux Régimes de l’imaginaire: diurne et nocturne (Durand, 1960), nous étudierons l’imagination de Le Clézio à travers les images produites par la rêverie de l’héroïne, Laila. Nous répondrons à cette question: A l’aide de ses rêveries, Laila arrive-t-elle à surmonter la peur de la mort? Les images littéraires dans le Poisson d’or s’affrontent-elles comme un antidote devant l’angoisse de la mort?
Classification d’images selon la méthode de Gilbert Durand
Durand s’appuie sur les caractères symboliques des images. Selon lui, ce qui caractérise l’imagination créatrice, c’est le sens inhérent des produits de l’imagination. De surcroit, l’imagination est par excellence le produit de la pensée humaine. D’après Durand: «C’est ce "sens" des métaphores, ce grand sémantisme de l’imaginaire qui est la matrice originelle à partir de laquelle toute pensée rationalisée et son cortège sémiologique se déploient» (Durand, 1992: 27), il étudie l’imagination orientée vers la création artistique et littéraire. L’approche de Durand montre que «les images se forment à partir de l’interaction entre les réflexes" et il définit ainsi les structures de l’imaginaire». (Legrosl, Monneyron, Renard, Tacussel, 2006: 43)
Durand définit sa méthode comme un système dynamique qui assemble les symboles, les archétypes et les schèmes pour composer des images. Selon lui, la classification générale des symboles est en fait fondée sur une typologie qui est celle des archétypes, d’où le nom de cette science: «archétypologie» (Xiberras, 2002: 28). Ainsi la méthode critique de Durand propose deux régimes principaux de l’imaginaire: le régime diurne et le régime nocturne. Ces deux régimes nous permettent de voir comment l’imagination de l’écrivain réagit devant le passage du temps et la peur de la mort (Franzone, 2003: 9). L’approche de Durand montre que «les images se forment à partir de l’interaction entre les réflexes» et il définit ainsi les «structures de l’imaginaire» (Franzone, 2003: 9). Les images du régime diurne représentent l’horreur du passage du temps, le désir pour la victoire et la domination sur l’angoisse de la fuite du temps. Le régime nocturne comporte des images du calme cosmique, nous verrons la victoire sur le temps, non pas par des moyens héroïques et violents, mais le rêveur dans son imagination essaie de dompter le temps et de le transformer en une force bénéfique. (Souty, 2006) Afin d’analyser les productions imaginaires, nous devons d’abord trouver les symboles intégrés dans la dynamique de l’imaginaire. En fait, Durand dans Les Structures anthropologiques de l’imaginaire (Durand, 1960) nous fait remarquer que les écrivains essaient d’apaiser leurs angoisses devant la mort par leur rêverie. Ces rêveries peuvent donner corps aux images qui représentent les deux régimes de l’imaginaire. (Solares, s.d.)
Les autres recherches de Gilbert Durand, à savoir «Figures mythiques et visages de l’œuvres: de la mythocritique à la mythanalyse (Durand, 1979); Sciences de l’homme et tradition. Le nouvel esprit anthropologique (Durand, 1975); L’imaginaire. Essai sur les sciences et la philosophie de l’image (Durand, 1994), focalisent plutôt sur le récit mythique et ces livres constituent les principales sources pour déchiffrer et reformuler en un langage critique les mythes qui déterminent les processus inconscients, individuels et sociaux. Le terme "mythocritique" a été créé par Durand vers les années 1970, sur le modèle de celui utilisé vingt ans plus tôt par Charles Mauron "psychocritique", pour signifier l’emploi d’une méthode de critique littéraire ou artistique qui focalise le processus compréhensif sur le récit mythique (Durand, 1979: 307-308). La perspective de la mythanalyse est beaucoup plus vaste que la mythocritique. En ce qui concerne la mythanalyse, elle a été inspirée de la psychanalyse de Freud et de Jung. La mythanalyse est «l’analyse des mythes en tension dans une certaine société, à une certaine époque» (Durand, 1979: 219) Ainsi selon Durand, «la Science de l’Homme doit se régler sur le savoir traditionnel de l’homme sur l’homme […] Homme "toujours le même" parce que précisément ses dieux sont toujours les mêmes» (Durand, 1979: 25). Champs de l’imaginaire Gilbert Durand, Textes réunis par Danièle Chauvin (Chauvin, 1996)s’intéressent à l’imaginaire créatrice, personnelle ou collective. Dans L’Imagination symbolique (Durand, 1964),Durand, fait la différence entre signe, symbole, image allégorique et image archétypique. Selon Durand, le symbole est le document d’identité de l’Homo sapiens: le noyau intégrant du psychisme et le médiateur indispensable dans la recherche du sens de l’existence. (Durand, 1964: 26)
Dans cette recherche, notre démarche critique, comme nous l’avons indiqué précédemment, est basée sur les visages de l’imagination symbolique en suivant le trajet anthropologique de Gilbert Durand (Durand, 1964).
Régime Diurne: Visage du temps
Les symboles négatifs du régime Diurne
Le régime diurne est un régime antithétique. Les symboles nous révèlent le sentiment du sujet par rapport au passage du temps. Durand nous rappelle la loi inexorable du passage du temps qui nous rapproche sans cesse de la mort. Les images ténébreuses communiquant une forte angoisse face au temps et à la mort sont de trois types: symboles thériomorphes (des bêtes chthoniennes, fourmillant et grouillant, comme les rats, les serpents, les araignées, etc.), symboles nyctomorphes (l’archétype négatif des ténèbres, de la peur du noir ; la femme fatale et la sorcières); symboles catamorphes (le schème de la chute et les images de la digestion)
(F. Krell, 1994).
Donc, sous forme de symboles «thériomorphes», la faune paraît sérieusement comme le visage du temps. L’image ci-dessous évoque la présence de l’animal, c’est-à-dire le serpent et ainsi le personnage devient anxieux sous l’effet de sa présence métaphorique:
«J’avais peur du noir, peur de la nuit. Je me souviens, je me réveillais quelquefois, je sentais la peur entrer en moi comme un serpent froid. Je n’osais plus respirer. Alors je me glissais dans le lit de ma maîtresse et je me collais contre son dos épais, pour ne plus voir, ne plus sentir. Je suis sûre que Lalla Asma se réveillait, mais pas une fois elle ne m’a chassée, et pour cela elle était vraiment ma grand-mère.»
(Le Clézio, 1997: 12)
L’auteur a montré la peur de son personnage comme s’il existait un serpent qui est en train de l’étouffer. Alors Laila, aussi longtemps qu’elle sent la présence de ce serpent autour de son cou, n’arrive même pas à respirer et contrôler sa peur. Il emploie aussi le mot serpent froid pour indiquer le sang-froid du serpent, il s’agit de l’horreur qui affaiblit et refroidit son corps comme la nature froide du serpent. En plus, dès le début, elle parle de sa «peur de noir, peur de la nuit», ce qui nous mène à l’existence des symboles «nyctomorphes». Le deuxième groupe de symboles du régime diurne et de valeur négative sont les symboles nyctomorphes. Ces symboles liés aux ténèbres et à la noirceur nocturne se révèlent à l’aide des images telles que «ténèbres, cécité, l’eau hostile, le dragon, les larmes, les chevelures, la féminité, la lune, la mère terrible, la pieuvre, les menstrues et la souillure) (Durand, 1992: 206). Cette peur du noir et de la nuit évoque également le visage négatif du temps. Mais contre sa peur, elle trouve un remède, le dos épais de Lala Asma comme un bouclier protège l’enfant. On peut imaginer qu’en restant à l’ombre du dos de Lala Asma, elle trouve un lieu de sécurité qui la sauve devant les dangers en dehors de la maison. En fait, Laila montre les troubles de l’anxiété et les crises d’angoisse, elle a peur toutes les nuits, elle a été volée de sa tribu et vendue à une vielle dame, le souvenir du rapt brutal, violent, inattendu, un grand sac qui se referme sur elle et elle se souvient du cri déchirant d’un oiseau noir, et tous ces événements révèlent sa perpétuelle crainte de l’obscurité. L’obscurité de la nuit et l’image du serpent s’associent dans ce paragraphe en tant que symboles thériomorphes et nyctomorphes pour montrer l’effroi de Laila devant la nuit.
Plusieurs d’autres images représentent les symboles thériomorphes et l’image de la peur du personnage, comme l’exemple suivant:
«Je me suis toujours méfiée de lui. Quand j’étais petite, je me cachais derrière les tentures dès qu’il arrivait. Ça le faisait rire: "Quelle sauvageonne!" Quand j’ai été plus grande, il me faisait encore plus peur. Il avait une façon particulière de me regarder, comme si j’étais un objet qui lui appartenait. Zohra aussi me faisait peur, mais pas de la même manière. Un jour, comme je n’avais pas ramassé la poussière dans la cour, elle m’avait pincée jusqu’au sang.» (Le Clézio, 1997: 15)
Laila s’éloigne du fils de Lala Asma, car cet homme voulait lui faire du mal. Nous savons par la suite, qu’il tente de la violer. Dans cette image, nous constatons aussi bien les symboles thériomorphes que nyctomorphes. Dans l’expression «Quelle sauvageonne!», même s’il voulait plutôt parler de cet enfant qui vit à sa guise, par l’emploi du mot «sauvageonne», l’auteur suggère les caractères bestiaires, il parle de la petite fille mais c’est cet homme qui n’arrive pas à maîtriser ses instincts animaux devant cette petite fille, il s’agit d’une projection, une transposition inconsciente de son état psychique sur un objet extérieur. La présence de cet homme pervers fait peur à Laila, sa visite l’effraie; de plus, la présence de sa femme perturbe d’avantage cette pauvre fille affectée physiquement et psychologiquement par la violence et les pincées jusqu’au sang de cette femme méchante. Le comportement et l’acte violent de Zohra sous forme de maltraitance notamment physique, nous rappelle un geste d’un animal sauvage. Ces types de violence sexuelle et physique de la part du couple pervers, Zohra et le fils de Lala Asma, nous montrent leurs caractères bestiaires.
Mais comme dit auparavant, dans cette image, nous pouvons également constater les symboles nyctomorphes (Durand, 1992 : 119). Selon Durand, le sang «est le signe d’une victoire anémique sur la fuite du temps» (Durand, 1992: 119). Dans le régime diurne de l’image, le second «visage» du temps se montre sous les symboles nyctomorphes. La théorie de Durand est basée sur ce constat que les différentes images de l’inconscient sont issues des différentes images du temps. Le mot «sang» témoigne ici de ce présupposé de «l’angoisse du temps». (Durand, 1992: 119)
Dans les lignées des symboles thériomorphes, Le Clézio, fait une comparaison entre les caractéristiques de Madame Jamila et un merle: «Elle avait une drôle de démarche, sautillante comme un merle. Et son regard vert était devenu transparent, triste, lointain» (Le Clézio, 1997: 28) Merle noir est un oiseau affilié au milieu forestier. Il a envie de s’installer dans les forêts méridionales de l’Atlas saharien. Le Clézio, par cette image, veut représenter l’attitude bizarre de Madame Jamila qui agit avec beaucoup d’excitation, son regard montre également le chagrin. Cette comparaison témoigne d’un symbole thériomorphe du régime diurne de l’imaginaire, parce que selon l’autour Madame Jamila par ses mouvements et ses gestes inspire l’anxiété et l’inquiétude.
Le premier visage du temps était les symboles thériomorphes, le second lié à la noirceur nocturne sera les symboles nyctomophes. Nous étudierons la présence de ces symboles qui sont l’expression de la mort comme le temps final, pour mieux voir les signes de la crise d’angoisse surgis par la noirceur de la nuit chez Laila. Cette angoisse serait psychologiquement basée sur la peur infantile du noir, symbole de l’effroi dominant de la menace naturelle, suivi d’un sentiment de l’auto-accusation. «La valorisation négative du noir signifierait, selon Peter Mohr: péché, angoisse, révolte et jugement». (Durand, 1992: 97)
L’imagination de Le Clézio, évolue d’une image à l’autre. Dans l’espoir de gérer ses angoisses et sa terreur devant la fuite du temps, l’écrivain recourt à l’imagination, même si l’imaginaire offre une possibilité à l’écrivain d’entretenir des figures des angoisses et il s’efforce ainsi d’atténuer un peu sa peur et de gérer son angoisse, mais la présence des symboles diurnes montre l’horreur du passage du temps et nous tirons le message qu’il n’arrive pas à dominer son angoisse.
L’image de la purification par l’eau est un symbole diaïrétique, qui se classe parmi les images positives, mais l’eau noire est un symbole nyctomorphe. Comme nous l’avons indiqué précédemment, en tant que symboles nyctomorphes, nous avons l’image de l’eau noire, de la femme fatale, de l’image de la lune quand elle est l’archétype des ténèbres, liée au clair-obscur (mélange de la lumière et surtout de l’ombre dans un tableau) et de la mort. Nous pouvons aussi bien voir ces symboles à travers les images qui représentent le sang menstruel et de la faute temporelle et du péché originel.
«Les eaux sont liées à la lune parce que leur archétype est menstruel, quant au rôle fécondant des eaux comme de la lune, il n’est qu’un effet secondaire de cette motivation primordiale. La plupart des mythologies confondent les eaux et la lune dans la même divinité». (Durand, 1992: 111)
La lune possède un lien inséparable avec la mort et la féminité et à travers la féminité, la lune s’adhère au symbolisme aquatique. La lune par sa part de la lumière peut se placer parmi des symboles cycliques mais quand c’est la partie obscure qui domine, elle devient une manifestation tragique de la mort, car elle est un astre fantastique qui se montre soumis au temps et à la mort.
Parfois l’ensemble des images créées montre que les deux régimes se croisent:
«Longtemps j’ai eu peur de la rue. Je n’osais pas sortir de la cour. Je ne voulais même pas franchir la grande porte bleue qui ouvre sur la rue, et si on essayait de m’emmener dehors, je criais et je pleurais en m’accrochant aux murs, ou bien je courais me cacher sous un meuble. J’avais de terribles migraines, et la lumière du ciel m’écorchait les yeux, me transperçait jusqu’au fond du corps.» (Le Célzio, 1997: 12)
Dans l’extrait précédent, «les larmes» se font ressentir d’abord comme image et symbole nyctomorphes, mais seule la maison de Lala Asma lui procure le réconfort. Elle a peur en dehors de ce lieu, l’espace en dehors de la maison de Lala Asma lui fait peur, donc elle ne voulait pas sortir de la maison. Selon Durand, les symboles de l’intimité apparaissent sous forme d’un lieu saint, de la caverne, du bateau, de la coquille, du vase, du Graal, de la coupe, de la hotte, du chaudron, et tout ce qui nous évoque un lieu intime ou un contenant (Durand, 1992: 275). La maison comme symbole de l’intimité se situe dans le régime nocturne des images. Dans cette image, la lumière du ciel nuit à ses yeux, et s’enfonce dans son corps. Nous connaissons «la lumière» comme symbole ascensionnel, mais ici cette lumière prend la forme d’une arme tranchante (symbole diaïrétique), ensuite nous avons «l’œil et le ciel» comme des symboles spectaculaires. L’écrivain essaie de vaincre d’abord le temps par des moyens puissants et violents; ensuite les figurations du temps invitent le personnage à une thérapeutique par l’image. Nous avons constaté que la figuration du mal symbolise une angoisse, mais le personnage tente de la dominer par les symboles d’intimité ou les symboles spectaculaires.
Selon Durand, la troisième manifestation de l’angoisse humaine face au temps se révèle autour des images liées à la chute, sous forme de symbole catamorphe (Durand, 1992: 122):
«Je suis arrivée en courant, et j’ai vu la vieille dame par terre, étendue de tout son long. J’ai cru qu’elle était morte et j’allais m’enfuir pour me cacher quelque part, quand je l’ai entendue geindre et grogner. Elle n’était qu’évanouie. En tombant, elle avait heurté l’angle d’une chaise avec sa tête, et un peu de sang noir coulait de sa tempe.» (Le Clézio, 1997: 19)
Ce paragraphe nous révèle les signes de l’angoisse devant la mort. D’abord l’image du sang noir nous transmet l’angoisse et la peur du personnage. Le sang noir effraie le personnage et il s’agit d’un symbole nyctomorphe. Ensuite, Laila a craint du corps immobile de Lala Asma, elle pense qu’elle est morte. Nous avons l’image et la scène terrible de l’évanouissement de Lala Asma et sa chute qui révèle le symbole catamorphe. Durand nous indique: «la troisième épiphanie imaginaire de l’angoisse humaine devant la temporalité nous semble devoir être fournie par les images dynamiques de la chute). (Durand, 1992: 122)
Nous pouvons dire que l’origine des symboles catamorphes et les images de la chute vient du péché originel, et la chute est le résultat du péché originel. Le schème de la chute correspond aux images de la mort, de la pesanteur, et du vertige. De plus, ces symboles traduisent le concept du péché de manger la viande des animaux domestiques. Ainsi, les symboles catamorphes tentent de rappeler à l’homme les défaillances de son comportement et la fragilité de son existence.
La nuit, porteuse d’effroi, est le symbole des ténèbres, elle est emblématique de tous les symboles nyctomorphes. Quand les ténèbres s’opposent à la lumière, dans les structures schizomorphes, nous pouvons imaginer que le mal s’oppose au bien. Mais dans les structures synthétiques, la nuit s’associe au jour pour suggérer le temps humain et naturel et former un cycle, un couple dialectique. Tandis que dans les structures mystiques, la nuit est douce, maternelle et protectrice. (Renard, 2014)
Dans l’image ci-dessous, Le Clézio a montré grâce aux ténèbres qui mettent en opposition à la lumière, l’angoisse et l’effroi de son personnage:
«Ce qui me faisait le plus peur, c’était la solitude. Quelquefois, dans mon sommeil, je revivais ce qui s’était passé il y a très longtemps, quand on m’avait volée. Je voyais la lumière sur une rue très blanche, j’entendais le cri féroce de l’oiseau noir. Ou bien j’entendais le bruit de l’os qui craquait dans ma tête quand le camion m’avait cognée. Alors je me glissais dans le lit de Houriya, et je me serais très fort contre elle, je m’accrochais à son dos comme si j’allais m’évanouir.» (Le Clézio, 1997: 46)
L’écrivain emploie le mot sommeil qui inspire l’état demi-mort du corps, et à travers le rêve, il nous transfère les messages de l’inconscient de son personnage, ainsi Laila dans son cauchemar se souvient de son enlèvement et bien des mauvais souvenirs affluent dans son esprit, ce qui cause une forte émotion négative; elle parle également du cri féroce de l’oiseau noir, et met ainsi en scène ses craintes. Cette image représente un symbole thériomorphe, une des manifestations de l’animalisation accélérée qui selon Durand est «une projection assimilatrice de l’angoisse devant le changement» (Durand, 1992: 77); ce symbole se révèle à travers l’image de l’oiseau noir. L’autour nous montre l’effroi de son personnage devant le cri de l’oiseau noir, comme si avec ce cri elle s’approchait de la mort; l’agitation suggérée par le cri de l’oiseau constitue l’archétype du chaos. Le noir, également est un symbole nyctomorphe, archétype de ténèbres, cumule les traits effrayants que le temps revêt dans l’imagination du personnage, le choc noir aggrave davantage l’angoisse du personnage. Dans ce paragraphe, l’insinuation métaphorique du bruit de l’os dans ses oreilles témoigne d’un bruit gênant, le bruit est exagéré et insinue ainsi la mort. Ce bruit place l’imaginaire de l’écrivain dans le régime diurne de l’imaginaire selon la classification de Durand.
Selon Durand, les symboles catamorphes montrent l’angoisse humaine face à la fuite du temps, ce symbole paraît être produit par les idées dynamiques de la décadence. (Durand, 1992: 122) Ces symboles sont associés aux obscurités et à l’excitation, ainsi: «le changement rapide de position dans le sens de la chute comme dans le sens du redressement déclenche une série réflexe dominante, c’est-à-dire inhibitrice des réflexes secondaires». (Durand, 1992: 123)
Dans le paragraphe ci-dessous, d’abord la présence du symbole nyctomorphe, la nuit, montre l’approche éminente de la mort de Lala Asma:
«Une nuit, tout est allé plus mal. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. Lalla Asma étouffait. Son souffle faisait un ronflement de forge, et au bout de chaque expiration il y avait un bruit de bulles.» (Le Clézio, 1997: 30)
Lala Asma se sent étouffée et affaiblie, preuve de l’image de la mort; nous constatons l’idée de la décadence, elle s’approche de la mort. Laila nous indique que cette vieille dame respire très mal et elle nous précise que ses dernières respirations étaient si faibles qu’elles produisaient un son bizarre. Son souffle ressemble à la voix d’un ronflement de forge. Ce bruit devient le bruit fort de sa mort, comme si elle voulait annoncer son anéantissement. Cette image nous présente à la fois le symbole catamorphe et le symbole thériomorphe.
Afin d’analyser les productions imaginaires, nous étudions les symboles intégrés dans la dynamique de l’imaginaire. Le régime diurne, de par sa nature, est essentiellement polémique, car c’est un régime de l’antithèse; dans le régime diurne, s’imposent les images ténébreuses qui représentent une forte angoisse face au temps et à la mort, pourtant dans ce régime, les images positives montrent la victoire sur le temps par des moyens puissants et violents. Il est nécessaire d’analyser ces images qui représenteront les symboles du régime diurne de l’imaginaire et la victoire sur le temps par des moyens violents.
Les symboles positifs du régime Diurne
Selon la méthode de Durand, contre ces images négatives du régime diurne s’élèvent trois types d’images positives de ce régime qui sont liées à lumière:
«Symboles "ascensionnels" (des images verticales telles que l’aile, la flèche, le monarque); symboles "spectaculaires" (le ciel, l’œil et leur rapport à la parole); et symboles "diaïrétiques" (les armes tranchantes; la purification par l’eau ou par le feu). La fonction de tous ces symboles positifs, c’est d’exorciser, de vaincre le temps par des moyens puissants et violents: on coupe, on tranche; on châtre le temps». (Krell, 1994: 14)
Le premier symbole ascensionnel étudié par Durand est l’ÉCHELLE, elle désigne bien le souci fondamental de cette symbolisation verticalisante: «[…] une échelle dressée contre le temps et la mort.» ((Durand, 1992: 141)
Dans le paragraphe ci-dessous tiré de Poisson d’or, se font aisément voir les symboles spectaculaires et ascensionnels:
«J’aimais bien monter sur le toit pour étendre le linge. De là, je voyais la rue, les toits des maisons voisines, les gens qui marchaient, les autos, et même, entre deux pans de mur, un bout de la grande rivière bleue. De là-haut, les bruits me paraissaient moins terribles. Il me semblait que j’étais hors d’atteinte» (Le Clézio, 1997: 14).
La tendance de Laila à monter les escaliers par où elle peut voir la rue, les toits des maisons et les gens qui passent, nous montre la présence d’un symbole ascensionnel, nous constatons également une miniaturisation ou une minimisation des objets et des êtres humains. Ainsi, «monter sur le toit» nous révèle le symbole ascensionnel du régime diurne de l’imaginaire avec valorisation positive. Nous pouvons également indiquer la présence du symbole spectaculaire: le regard de Laila est fixé sur le mouvement en forme spirale des automobiles. Elle voit même le bout de cette rivière bleue, tant qu’elle est sur le toit de la maison de Lala Asma. Elle réjouit d’apercevoir la vie, étant sur le toit de cette maison. Alors que cette image représente le symbole ascensionnel et spectaculaire du régime diurne, nous pouvons également parler de la présence des symboles du régime nocturne des images : la maison (symbole de l’intimité) et l’eau (symbole de purification) que nous développerons par la suite dans cette recherche.
Le narrateur nous montre son envie de donner une description du tableau qu’elle voit du toit de cette maison et même si les phrases sont courtes, nous pouvons saisir son envie d’euphémisme de ses angoisses en haut de cette maison.
Le régime nocturne
Selon Durand, le régime nocturne de l’imaginaire correspond aux schèmes d’intériorisation, qui, eux-mêmes, correspondent aux archétypes du ventre maternel, de la chambre et du Graal.
Dans le régime nocturne, le combat contre le temps est d’une façon différente de celle que nous avons déjà remarquée dans le régime diurne. Dans le régime nocturne, nous verrons la victoire sur le temps, non pas par des moyens héroïques et violents, mais le rêveur dans son imagination essaie de dompter le temps et de le transformer en une force bénéfique. Dans ce régime d’imaginaire, nous constatons d’abord les symboles de l’inversion (tels l’emboîtement et la gullivérisation, le poisson, la Grande Mère tellurique et le culte romantique de la femme), mais il y a un second groupe d’images qui tendent à nous prolonger dans l’intimité de la substance (à savoir la tombe, la chrysalide, la caverne, le centre paradisiaque, certains aliments comme le lait et le miel, et des substances comme l’or, l’excrément et la boue). Ce régime comporte des images du calme cosmique. Dans ce régime, les terreurs de la nuit sont adoucies et même inversées en valeurs positives. Le régime nocturne recouvre conjointement les structures mystiques et dramatiques. Ce régime d’imaginaire est le résultat d’une pensée synthétique, qui valorise la convergence et la fusion à l’aide de l’analogie et d’euphémisation des forces différentes. Il exalte, «d’une part, les symboles de la fécondation, du mûrissement, et de la multiplicité qui sont à la base de la structure dramatique et d’autre part, les symboles du recueillement, de la descente, de la chute, de l’intimité, de la cachette, de l’ombre, et du secret qui fondent la structure mystique». (Souty, 2015: 1)
Nous allons analyser ces images qui illustrent la pensée symbolique de l’écrivain. Ces images remplissent une fonction bénéfique pour calmer l’angoisse du rêveur. (Durant, 1992: 313)
Dans le paragraphe ci-dessous, nous analyserons les images du régime nocturne de l’imaginaire qui recouvre une fonction apaisante et qui permet d’atténuer l’angoisse et la peur de la mort du personnage:
«En haut des escaliers, la galerie était éclairée par des taches de soleil, là où manquaient des volets. Tout l’étage supérieur était habité par des femmes étranges. Certaines semblaient jeunes, d’autres avaient l’âge de Zohra, ou plus âgées. Elles étaient grasses, elles avaient le teint clair, les cheveux rougis au henné, les lèvres peintes et très brunes, les yeux cernés de khôl. Elles fumaient devant les portes des chambres, assises en tailleur par terre. La fumée de leurs cigarettes sortait de l’ombre de la galerie et dansait au soleil». (Le Clézio, 1997: 24)
Le narrateur parle de la lumière dans la galerie, en disant métaphoriquement des taches de soleil en haut des escaliers, ilarrive ainsi ànous suggérer tout d’abord la forme géométrique du soleil qui illumine la galerie. Dans ce paragraphe, «en haut des escaliers» témoigne de la présence symbolique de l’échelle, et nous constatons l’apparition du symbole ascensionnel et du symbole spectaculaire qui se dévoile par l’image des couleurs différentes (rouge, faon, et brun sur les visages des femmes et leurs yeux cernés de khôl) et par l’image du soleil. Dans ce paragraphe, l’écrivain a condensé l’isomorphisme de la lumière et de l’élévation. Les yeux et le regard également inspirent les symboles spectaculaires. Les images positives du régime diurne côtoient les images du régime nocturne de l’imaginaire. Il insiste ensuite sur les différences d’âge des femmes étranges, ce qui peut engendrer le passage du temps, mais la description de la fumée des cigarettes témoigne bien d’un mouvement harmonieux, et les yeux du narrateur simulent ces mouvements à la danse. En employant cette comparaison à la fin de cette image aussi bien qu’en évoquant l’ombre et la lumière dans la galerie, Le Clézio arrive à apaiser la peur en face de la fuite du temps chez son héroïne Laila. Le réalisme sensoriel (Durand, 1992: 313) de cette image réside dans la vivacité de la représentation qui est comme un tableau de la peinture et il arrive à communiquer à travers la rêverie adoucie de l’héroïne, son apaisement. Les formes harmonieuses suggèrent le calme et apaisent ainsi l’anxiété des personnages.
Comme dit précédemment, selon Durand, les symboles de l’intimité (Durand, 1992: 269) présentent le complexe du retour au ventre maternel qui à première vue est à l’opposé de l’image de la mort et de la tombe. Mais nous savons que dans l’imaginaire collective de nombreuses sociétés, il existe un rapprochement entre le royaume des morts et celui d’où viennent les enfants, pour atténuer la peur en face de la fuite du temps et de la mort:
«La vie n’est rien d’autre que le détachement des entrailles de la terre, la mort se réduit à un retour chez soi… le désir si fréquent d’être enterré dans le sol de la patrie n’est qu’une forme profane de l’autochtonisme mystique, du besoin de rentrer dans sa propre maison». (Durand, 1992: 269)
L’image de la mort est ainsi adoucie dans l’imaginaire de Le Clézio par ce retour vers le ventre maternel. Le régime nocturne de l’imaginaire se révèle par les matières qui nous donnent la capacité d’imagination sur les ustensiles de contenance tels que les coupes, et les coffres. Ces ustensiles inspirent au rêveur les techniques du breuvage ou de l’aliment. C’est ainsi que ces symboles peuvent inverser le sens naturel de la mort qui permet l’isomorphisme «qui a pour moyen-terme le berceau chtonien» (Durand, 1992: 270). La terre devient berceau magique, parce qu’elle est le lieu du dernier repos. Selon Durand: «Un des premiers jalons de ce trajet sémantique est constitué par l’ensemble caverne-maison, habitat autant que grenier, étroitement lié au sépulcre maternel» (Durand, 1992: 275). Les symboles de l’intimité apparaissent sous forme d’un lieu saint, de la caverne, du bateau, de la coquille, du vase, du Graal, de la coupe, de la hotte, du chaudron, et tout ce qui nous évoque un lieu intime ou un contenant. (Durand, 1992: 275)
Ainsi dans l’image suivante à travers «la théière et les verres» l’écrivain nous évoque la coupe et la descente:
«Pour qu’elle ne devine pas l’état de Lalla Asma, je la coiffais le matin, je fardais ses joues avec de la poudre rose, je mettais du beurre de cacao sur ses lèvres. J’installais le plateau de cuivre à côté d’elle, sur la table, avec la théière et les verres, et je versais un peu de thé sucré dans les verres, comme si Lalla Asma avait bu». (Le Clézio, 1997: 29)
D’abord, d’un côté, on peut considérer l’aspect sémantique par l’usage du verbe se coiffer, le fait que Laila voulait cacher la pâleur du visage de Lala Asma, elle voulait plutôt montrer ainsi que Lala Asma était en bonne santé, alors qu’elle était sur le point de mourir. La narratrice s’efforce de dissimuler les signes de la mort et du vieillissement à travers le maquillage du visage de Lala Asma et seul par le maquillage, elle saura feindre le bon état de santé de cette vieille dame. En effet, ce lien avec Lala Asma provoque ce retour vers la mère et la vérité amère de la vie et l’affaiblissement de Lala Asma qui évoque l’image de la mort. L’autre côté symbolique dans cette image apparaît quand l’autour parle de la théière et les verres, surtout la théière qui révèle la descente et l’action d’aller d’un lieu élevé vers un autre plus bas. La théière montre le ventre maternel car à peine on peut voir les contenants dedans. Elle met la théière et les verres sur la table pour apaiser sa peur devant la mort de Lala Asma, car la présence de ces outils lui donne le sentiment de sécurité à côté de cette soi-disant grand-mère. Grâce à ces outils, elle inverse l’image terrifiante de la mort dans son imagination.
Dans une autre image, nous pouvons encore constater l’existence des symboles de l’intimité et de la descente: «En bas, dans la cour, il y avait un puits, et j’avais repéré sous les arcades un ballot de fruits secs entrouvert où les moineaux venaient picorer». (Le Clézio, 1997: 34)
D’abord le mot «puits» représente le symbole de la tombe, car les «puits» dans le sol servent pour atteindre une nappe d’eau souterraine (Robert, 2009) En outre, les adverbes «en bas» et «sous» montrent aussi le symbole de la descente, ensuite un «ballot et un puits» peut révéler le symbole du coffret. Tous les signes dans cette image marquent le mouvement calme et lent vers le bas. Ce puits est un abri caché comme le ventre maternel pour le bébé. Enfin ces fruits séchés se désagrègent lentement car les moineaux les picorent de temps en temps. L’auteur témoigne que ces fruits secs se décomposent peu à peu par les moineaux. De fait, la mort silencieuse et progressive représente le régime nocturne de l’imaginaire.
Revenons au titre de l’œuvre choisie pour cette recherche. Dans l’analyse des images du régime diurne, en parlant des symboles diaïrétiques, nous avons présenté l’eau comme un symbole positif. Selon Durand, nager dans l’eau, donne le sentiment de la sérénité ; le rêveur arrive ainsi à adoucir, dans son imagination, l’idée de la mort. Le régime nocturne de l’imagination sous la forme du symbole de l’intimité montre l’acte de plonger dans la profondeur de la terre et de l’eau, comme le mouvement de la descente des nourritures dans le tractus gastro-intestinal. C’est cette intériorisation qui inspire toute imagination de la descente et spécialement le «complexe de Jonas» (Durand, 1992: 59). L’enfermement de Jonas dans le ventre d’une baleine est un symbole pour l’archétype du ventre maternel. L’imagination du régime nocturne procède ici par l’euphémisation de la violence, pour inverser les visages du temps et de la mort. Entre l’homme et le poisson, il y a un renversement du rôle. Le poisson est le symbole de l’inversion, il représente l’archétype du schème de l’avalage. L’imagination transfigure le déchirement de «la voracité dentaire» (Durand, 1992: 233) en un doux et inoffensif «sucking» (Durand, 1992: 233). Ainsi l’imagination développe ses images à partir du schème de l’avalage qui invoque une descente rassurante dans l’intimité. Ainsi le symbole diaïrétique du régime diurne de valeur positive, c’est-à-dire l’eau, adoucit l’image de la mort par des moyens puissants, mais les symboles de l’inversion du régime nocturne de l’imaginaire, c’est-à-dire le poisson, interviennent pour dominer complètement la peur de la mort. Il existe aussi un symbole de l’intériorisation dans cette image, car l’eau est ici comme un liquide amniotique où l’enfant baigne avant la naissance. Lorsque l’homme regarde l’eau, il songe aussi au ventre maternel comme un abri.
Conclusion
C’est en nous donnant pour ambition d’analyser l’imagination de l’écrivain dans Poisson d’or à l’aide de la méthode de critique de Gilbert Durand que nous sommes parvenus à expliquer les différentes facettes de l’imagination de Le Clézio. La variété d’images analysées de ce livre nous a permis à comprendre que dans la plupart des images créées, l’auteur ne parvient pas à maîtriser son angoisse devant l’image de la mort. Laila, héroïne de Poisson d’or, essaie de surmonter son angoisse, mais la présence des symboles du régime diurne montre qu’elle n’a pas réussi à apaiser son anxiété devant la peur de la mort.
L’étude des images d’après la méthode de Durand montre la présence des symboles nyctomorphes et thériomorphes, dans beaucoup d’images, A titre d’exemple, la présence d’un serpent froid pendant la nuit révèle l’impuissance du personnage devant le passage du temps. Les symboles thériomorphes se dévoilent par l’image de la violence du fils de Lala Asma, ou bien la comparaison de Madame Jamila avec un merle nous a révélé également un symbole thériomorphe. La peur de Laila devant l’évanouissement de Lala Asma nous a permis de constater l’apparition des symboles nyctomorphes.
Pourtant Le Clézio s’efforce d’atténuer la peur de son personnage, grâce aux images avec la valeur positive soit d’une façon violente par les images positives du régime diurne de l’imaginaire, soit par des images du régime nocturne de l’imaginaire. Parmi les images que nous pouvons classer dans le régime nocturne d’imaginaire, nous avons parlé de l’image miniaturisée et minimisée des objets pendant que le personnage regarde par le toit de la maison; cette image représente la forme du symbole ascensionnel et du symbole spectaculaire dans l’imaginaire de l’écrivain. A l’aide des symboles spectaculaires, Laila donne une image pleine de couleurs, l’auteur arrive à soulager sa peur devant la fuite du temps à travers l’imagination de son héroïne. Ainsi le mouvement harmonieux de la fumée des cigarettes témoigne de la présence des images harmonieuses qui se situent dans le régime nocturne de l’imaginaire. Les symboles de l’intimité et l’image d’une descente lente témoignent également des images qui se situent dans le régime nocturne de l’imaginaire.
En fin de compte, nous avons remarqué que les images du régime nocturne dans Le poisson d’or apparaissent moins que celles du régime diurne, même si le titre de l’œuvre nous suggère la maîtrise de l’angoisse. Dans cette recherche, nous avons constaté que Le Clézio à l’aide des productions oniriques et son imagination essaie de maîtriser sa peur de la mort, mais il n’arrive pas à apaiser complètement son angoisse.