نوع مقاله : مقاله پژوهشی
نویسندگان
1 دانشیار گروه فرانسه، دانشکدۀ ادبیات، دانشگاه الزهرا، تهران، ایران
2 دانشیار گروه زبانشناسی، دانشکدۀ ادبیات، دانشگاه الزهرا، تهران، ایران
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Introduction
Nombreux sont les mots français qui ont fait leur percée dans notre langue nationale, le persan, depuis près de deux siècles et ils ne cessent d’y entrer par telle ou telle occasion. Leur usage répandu chez les persanophones donne parfois à ces mots étrangers un faux caractère autochtone à tel point que les Iraniens non francophones, inconscients de leur origine, les considèrent comme partie intégrante du vocabulaire persan. Mais la réalité ne peut s’éclipser : un regard perçant de tout sujet parlant sans oublier ses connaissances générales font révéler l’étrangéité de ce lexique. Afin de connaître leur destinée dans un autre univers linguistique qui est le nôtre, nous visons à faire un tour d’horizon de leur évolution qui pourrait s’inscrire, à notre sens, sur les plans phonétique, sémantique et social.
Ces emprunts parsèment certains domaines de notre vie et envahissent certains d’autres. Il y en a qui sont tellement enracinés dans notre langue que l’on ne peut pas les distinguer. Vu l’emploi d’envergure du vocabulaire français en persan, les questions suivantes nous sont venues à l’esprit : Une fois entrés dans notre langue, ces emprunts ont-ils subi la mutation sémantique ? La langue persane a su forger, au fil du temps, des équivalents pour ces mots étrangers ? Sont-ils employés par toutes les couches sociales ? Quel est le parcours évolutif de ceux qui ont pu persister dans notre langue ?
Nos connaissances empiriques nous amènent à supposer des réponses préalables à ces questions : Nous croyons à leur mutation sémantique. L’académie de la langue persane s’efforce de créer des équivalents pour un certain nombre d’entre eux, surtout au cours de ces dernières décennies, à l’époque postrévolutionnaire selon les exigences socio-politiques et culturelles de l’Etat. Le caractère des mots français et le domaine auquel ils appartiennent sont en relation étroite pour déterminer la couche sociale qui s’en sert. Il y en a qui restent dans notre langue tels quels et constituent une partie de notre vocabulaire quotidien.
Outre les points précités, certains préfixes et suffixes font également partie des emprunts français. De même, ce vocabulaire emprunté au français est à l’origine d’un certain nombre de locutions verbales dans lesquelles un nom français s’est combiné en général avec un verbe persan. Un autre aspect intéressant de ces emprunts concerne leur caractère international : certains d’entre eux ont su s’approprier un tel avantage en conservant plus ou moins la même prononciation, il s’agit des mots à un usage fort élevé à l’échelle mondiale, quelle que soit l’origine ou la langue du locuteur. Dans ce cadre, on ne doit pas négliger leur aspect polysémique.
Cette recherche est encadrée par la méthode d’expérimentation dont l’approche générale est hypothético-déductive, ce qui consiste selon Guidère à « émettre une hypothèse de travail, puis à essayer de la vérifier par l’analyse ou par l’expérimentation » (2004 : 96) et basée sur les points de vue des linguistes tels Andreas Blank, William Labov, Shiri Lev-Ari, Alyunina, Hashimoto, etc.
Quant au corpus, en premier lieu, nos bagages lexicologiques persans et nos connaissances empiriques en la matière en constitue la base, puis nous avons consulté les dictionnaires monolingues comme Le Petit Robert (2023) et Le Robert Méthodique (2015) pour pouvoir vérifier la fiabilité de nos collectes en la matière.
Recherches précédemment effectuées
Dans le vaste domaine des emprunts de toute langue, les ouvrages, les articles, les travaux universitaires, les actes du colloque, etc. ne manquent pas. Nous en avons choisi juste quelques-uns qui sont plus proche de notre sujet. Les emprunts lexicaux français en persan contemporain : éléments pour une réflexion en vue d’une didactique du FLE en milieu universitaire iranien tel est le titre d’une thèse de doctorat élaborée par Mahmoud Erfani sous la direction de Masegeta Kashema Bin Muzigwa et soutenue en 2007 à l’Université Marc Bloch de Strasbourg. Le chercheur a abordé cette question dans une approche didactique en se focalisant sur la réaction des étudiants iraniens qui commencent à apprendre le français à l’université lorsqu’ils constatent un certain nombre de mots français dont l'usage est très courant en persan. Il a appelé l’emploi de ces emprunts « convergence lexicale ».
Nous avons également repéré quelques articles dans ce domaine à commencer par « L’étude de la sonorité des consonnes labiales employées dans le groupe CC en position finale de la syllabe CVCC (le cas du lexique pur et emprunté en persan contemporain) (Shahverdi et al., 2022), publié dans la revue Language Related Research. Cet article
« se fixe comme objectif d’étudier les emprunts lexicaux qui, dans les groupes consonantiques en position finale, comprennent une consonne labiale non appartenant au persan contemporain mais qui y ont trouvé leur place. […] Les résultats de cette recherche montrent que le lexique purement persan a un comportement totalement différent du lexique emprunté en ce qui concerne le type de succession dans le groupe consonantique, l’ordre de la succession sonnante et la sélection du noyau de la syllabe » (Résumé).
Il est vrai qu’aujourd’hui, avec l’apparition des progrès technologiques, les découvertes cartographiques ne dépendent plus des explorateurs, mais l’exploration reste un trait important de l’imaginaire cartographique, ce qui entraîne une nouvelle façon de lire les cartes et une nouvelle poétique. A titre d’exemple, dans Les limbes incandescents, l’énumération des lieux donne naissance au poème suivant
« L’étude de l’emploi des emprunts dans la langue orale en persan », est l’intitulé d’un autre article sous la plume de Fariba Ghatreh et ses collègues, dans la revue Language Related Research. Dans cette recherche, « les emprunts dans la langue orale persane ont fait l’objet d’une étude tridimensionnelle dont sémantique, cognitive et sociologique » (2022 : 436).
Hadi Dolatabadi a vu les emprunts sous un autre angle et dans un autre espace. Sa recherche s’est concrétisée dans un article intitulé « Les calques dans les Pratiques Langagières au Québec : Témoignage de la Presse », publié en 2021 dans la revue Recherche en Langue et Littérature Françaises. Cette étude porte sur « l’une des représentations du contact de l’anglais avec le parler français québécois à savoir des emprunts et plus précisément les mots et expressions calqués sur les mots anglais » (2021 : 88). Le corpus de ladite recherche est la presse écrite québécoise à savoir Le Journal de Montréal et Le Soleil.
« Etude des changements sémantique et pratique des emprunts français en persan » tel est le titre d’un autre article rédigé par Sépideh Navab zadeh Shafie, publié en 2014 dans la revue Science du Langage. L’auteure a consacré une grande partie de sa recherche à l’historique des emprunts en persan qui remonte à l’époque safavide. Ensuite, elle a abordé les motifs de leur émergence dans notre langue. Comme le titre de l’article l’indique, leurs changements sémantique et pratique font l’objet d’étude de cette recherche.
Un autre article, « Phonological Adaptation of Arabic Loan Words in Persian: Consonants » a examiné l’adaptation phonologique des emprunts arabes en persan dans le cadre de la théorie optimale. Eftekhar Sadat Hashemi et ses collègues (2014) se sont concentrés plutôt sur les consonants arabes dont le modèle de production est différent avec celui des mots persans. Les résultats de cette recherche montrent que les persanophones remplacent les lettres pharyngiennes et dentales dans les emprunts arabes avec les lettres similaires ou les plus proches en persan.
De même, Rizka Ayu Prihandani et ses collègues (2021) ont étudié, les changements phonétiques des emprunts français en anglais dans l’article « Phonological Processes of English Loanwords From French: A Transformational Generative Phonology Approach ». Selon les résultats de la recherche, « l’assimilation, la neutralisation, le changement de la structure syllabique, le renforcement et l’affaiblissement figurent davantage parmi les processus d’assimilation » (2021 : 26).
Nous avons trouvé un autre article sur les emprunts français en persan, élaboré par Azadeh Sharifi Moghaddam et ses collègues (2013). C’est un article en anglais traitant ce sujet : « A Semantic Change Model for French Loanwords in Persian ». Les chercheuses ont abordé les changements sémantiques des emprunts français en persan. Pour elles, lesdits emprunts ont subi des changements soit dans leur sens réel, soit dans leur sens figuré, soit les deux
Ce repérage sur les sites des publications nous montre la variété des travaux de recherche effectués dans ce domaine allant de la phonétique de ces mots à leur mutation sémantique, ou bien dans différentes approches telles didactique et traductive, sans oublier la langue d’origine des emprunts étudiés comme le français, l’arabe et l’anglais.
Cadre théorique de recherche
Selon Henri Bonnard, « L’emprunt s’est pratiqué à toute époque, et l’on a puisé aux sources les plus diverses » (2018 : 97). L’arabe, l’italien, l’anglais, le latin et le grec sont à l’origine des emprunts qui envahissent le français et celui-ci en a prêté généreusement un nombre considérable à notre langue. Il ne faut pas confondre l’emprunt avec « le xénisme » qui est aux yeux de Bonnard « insertion accidentelle d’un mot étranger » dans une autre langue. « L’emprunt proprement dit est une naturalisation à effet durable. Le mot adopté est conservé dans sa forme originale […] ou plus ou moins adapté à la phonétique et à la morphologie » (2018 : 97) de la langue d’emprunt.
Il nous reste à savoir pourquoi on recourt à l’emprunt. On peut dire que quand il y a des carences lexicales dans les échanges socio-économiques, scientifiques, politiques, culturels, etc. entre les peuples et les gouvernements, les emprunts entrent dans la langue des uns ou des autres pour couvrir le trou lexical. La colonisation et l’agression culturelle sont également à l’origine de l’emploi de ces mots étrangers parmi les usagers.
Quant à la taxinomie des emprunts sur le plan linguistique, nous nous appuyons sur les points de vue d’Andrea Blank, pour qui « les mutations sémantiques des emprunts nous aident à les classer dans des groupes tels la métaphore, la métonymie, la synecdoque, la spécialisation, la généralisation, le transfert cohyponymique, l’antiphrase, l’auto-antonomie, l’auto-converse, l’ellipse et l’étymologie folklorique » (1999 : 75-80). Et l’étude de notre corpus montrera quels groupes sont plus saillants dans cette recherche.
Sur le plan phonétique, Daiki Hashimoto estime que
« l’on peut prononcer les emprunts de deux manières différentes : d’abord, sans aucun changement comme leur prononciation originale ; ensuite, avec les changements phoniques selon les restrictions de l’appareil phonétique de la langue qui les reçoit. Et ce choix dépend entièrement de divers facteurs sociaux dont le sujet de conversation et le degré de connaissance du locuteur avec la culture de la langue des emprunts » (2019 : 30).
En ce qui concerne les raisons sociales de l’emploi des emprunts et la question sur diverses strates du peuple qui s’en sert, nous pensons qu’en premier lieu, l’ouverture d’une société vers le monde extérieur ouvre sans aucun doute les frontières linguistiques pour permettre à sa langue/culture de se renouveler, s’enrichir, de se mettre à jour, etc. et tout cela, conformément aux exigences de l’époque où ces échanges lexicologiques s’effectuent. A titre illustratif, la nouvelle technologie et les mots qu’elle a engendrés amènent les gens concernés à les utiliser comme Khorshid Ahmad l’a souligné : « les scientifiques, les spécialistes de divers domaines et les industriels des pays développés se servent de beaucoup d’emprunts » (2000 : 715).
Il ne faut pas oublier l’usage répandu des réseaux sociaux, ces derniers temps, qui donne lieu à la propagation des emprunts, entre autres, français comme l’ont souligné Asif et ses collègues : « Les mass médias et les web pages jouent un rôle considérable dans l’usage et le développement des emprunts dans une langue » (2021 : 3).
On voit bien que les propos des linguistes embrassent les trois plans envisagés dont sémantique, phonétique et social, sur lesquels les emprunts français de notre corpus seront analysés et ils seront appuyés par d’autres linguistes.
Emprunts français en persan : domaines variés
Nos connaissances lexicologiques, le recours aux dictionnaires et des réflexions sur divers discours et textes nous ont aidées à classer les emprunts français en persan dans les domaines qui suivent selon l’ordre alphabétique, exemples à l’appui :
Un coup d’œil sur cette liste laconique pourrait lever un coin du voile sur la présence massive des emprunts français dans notre vie de tous les jours. Parmi ces mots, il y en a qui sont tellement enracinés dans notre vocabulaire qu’on ne peut pas les distinguer. Dans les rubriques suivantes, nous allons étudier l’évolution de ces emprunts sur les plans précités.
Evolution des emprunts sur le plan phonétique
Un grand nombre des emprunts français ont subi au fil du temps « une forte usure phonétique » (Termes empruntés à Bonnard) dans notre langue. On peut repérer cette « usure » dans les catégories suivantes, appuyées, chacune, par deux exemples.
Pour justifier tous ces changements phonétiques, nous nous référons aux propos de Shiri Lev-Ari et ses collègues, pour qui « L’un des éléments qui influence le changement phonétique des emprunts, c’est leur usage fréquent dans la langue qui les prête. Plus les emprunts sont utilisés couramment, plus ils subissent le changement phonétique pour s’apparenter davantage au système phonique de la langue réceptrice » (2014 b : 660). La preuve, c’est que les emprunts évoqués sous cette rubrique rentrent dans les domaines les plus élémentaires de notre vie dont vestimentaire, loisir, nourriture, transport, etc. d’où leur récurrence dans la langue qui a entraîné leur changement phonétique avec le temps.
Pourtant un autre groupe tels douche, boutique, lampe, motel, bombe, maillot, manteau, etc., bien que leur usage soit répandu, ils restent plus ou moins fidèles à « leur prononciation d’origine » comme l’a souligné Daiki Hashimoto (2019 : 30). Nous supposons qu’excepté le mot maillot qui se termine par « ill » et [t] final, cela vient de la morphologie de ces emprunts qui sont dépourvus de [r] roulé, [h] aspiré ou muet, voyelle nasale [Ɔ], voyelles [a] et [y], [t] non prononcé en position finale, etc. donc leur prononciation ne pose pas de problème aux persanophones.
Evolution sur le plan sémantique
Pour Yulia Alyunina et ses collègues,
« Les emprunts peuvent faire entrer de nouveaux concepts culturels sous forme de nouveaux modèles linguistiques dans la langue qui les reçoit. Certains d’entre eux peuvent subir des changements sémantique et/ou phonétique de sorte qu’ils perdent leur apparence d’origine pour ressembler aux mots de la langue d’arrivée, mais certains d’autres restent tels quels et la langue en question est obligée de les adopter » (2020 : 181).
Ces linguistes complètent leurs points de vue comme suit :
« Lorsqu’un emprunt est inséré dans une langue, on est témoin de l’une de ces trois méthodes : premièrement, l’emprunt s’adapte à la langue qui le reçoit sur les plans sémantique et culturel d’où son changement de sens. Deuxièmement, l’emprunt n’accepte aucune mutation sémantique et il reste tel quel, donc un nouveau mot s’infiltre dans la langue et la culture en question. Troisièmement, l’emprunt s’adapte au lexique et à la culture de la langue et y remplace les mots usuels pour indiquer plus ou moins les mêmes concepts » (Yulia Alyunina et al., 2020 : 183).
Voici nos constats sur ce sujet :
Evolution sur le plan social
Avant d’aborder l’évolution sociale de ces mots étrangers, il serait intéressant de cerner les usagers de chaque catégorie d’emprunts, plus précisément leur appartenance à telle ou telle couche sociale. Dans ce cadre, divers facteurs s’avèrent importants, entre autres, le métier, le niveau d’éducation, le standing de vie, les loisirs, la région géographique, la religion et les croyances, … Mis à part les facteurs précités, soulignons que certains emprunts font partie du langage de tous les jours du grand public, tout métier et tout niveau social confondus, émaillant inconsciemment leurs dialogues quotidiens.
A ce sujet, Shiri Lev-Ari et ses collègues s’attardent sur les points importants :
« Parfois, on n’emprunte des mots à une autre langue que si le besoin est, et parfois cela se fait pour des raisons sociales comme des affinités culturelles entre les deux langues, des succès économiques et financiers, l’ouverture de la société moderne sur le plan intellectuel ainsi que ses privilèges culturels, etc. Tous ces éléments jouent un grand rôle dans le changement phonétique des emprunts, par exemple, lorsque l’on prête du vocabulaire à une autre langue pour des raisons sociales, en général, ces emprunts ne s’adaptent pas avec la prononciation de la langue qui les reçoit, ils ont plutôt tendance à garder leur propre prononciation » (2014 : 381).
Parmi les « raisons sociales » qui font insérer les emprunts dans une langue, nous évoquerons tout d’abord « l’ouverture de la société moderne sur le plan intellectuel », ce qui traduit l’emploi des emprunts parmi les scientifiques, entre autres, le cadre médical suivi des politiciens et politologues, des industriels, des militaires, des artistes, etc. En fait, c’est la terminologie spécialisée associée à un domaine d’activité particulière, dite le jargon, qui est selon Brin et ses collègues[1] (2011) « notamment utilisé dans un contexte de communication particulier et peut être compris en dehors de ce contexte ». Et selon le classement de Blank, il s’agit de la « spécialisation », puisqu’une couche spéciale s’en sert selon ses besoins professionnels.
Dans ce cadre, nous allons évoquer quelques domaines où l’usage des emprunts est monnaie courante à commencer par la médecine : le nom des maladies telles angine, diabète, orillon, cancer, zona, sinusite ; celui des diagnostics et des thérapies comme endoscopie, mammographie, radiothérapie, chimiothérapie, etc. Le domaine de beauté est également très riche en emprunts comme bigoudi, coupe, chignon, manucure/ pédicure, mise en pli, mèche, etc., c’est le jargon de ceux qui travaillent dans les salons de beauté, entre autres, les coiffeurs, sans oublier les femmes de toute classe sociale. Les militaires se servent de leurs emprunts d’une manière spécialisée : bombe, colonel, coup d’Etat, dynamite, garde, mine, partisan, uniforme, etc. Les hommes d’Etat ont leur propre jargon comme convention, démocratie, opposition, référendum, etc. Il ne faut pas négliger les sportifs avec leurs emprunts tels fédération, finale, médaille, ski et le nom de beaucoup de sports, etc. Pour conclure, on pourrait dire que la quasi-totalité des couches sociales se sont attribué des emprunts français.
Divers aspects des emprunts
Outre les emprunts précités, la suffixation et la préfixation sont des éléments lexicaux « morphème ou monème » (terme emprunté à Françoise Dubois-Charlier, 1990 : 172) que le français a prêté à notre langue. Ces petites particules lexicales dotées de sens, dites préfixes et suffixes, se sont combinées avec les mots autochtones pour donner naissance aux nouveaux vocables, par exemple en médecine, on a le suffixe « -thérapie » qui a trouvé un équivalent en persan, à savoir « -darmani » (relatif à la guérison) faisant des mots tels que « chimidarmani, partodarmani », composés de noms chimi et parto (rayon x) et de suffixe darmani, traduisant respectivement « chimiothérapie et radiothérapie ». « Phobie » est un autre suffixe emprunté pour lequel le persan a créé « Harassi » comme équivalent.
Les emprunts français ont également engendré des locutions verbales en persan, par exemple, un nom français s’est marié avec un verbe persan pour créer ces locutions : passer un module : pâs kardân ; prendre une douche : douche guéreftân ; parquer la voiture : park kardân ; envoyer une lettre ou un colis par la poste : post kardân, etc.
La pérennité de ces mots étrangers est une autre question à aborder. On pourrait se demander si après un certain temps, ces emprunts resteront dans notre langue, ou bien c’est le néologisme persan qui prendra le relais ? Mais la réponse réside déjà là : pour sauvegarder le patrimoine lexical de la langue nationale, on s’est mis depuis quelques années à trouver des équivalents à ces emprunts, et lorsqu’il n’en existe pas, on les forge, en voici quelques-uns : balgard pour « hélicoptère », madjles pour « parlement », sofreh khané pour « restaurant traditionnel », hameh porsi pour « référendum », etc. Ici, c’est le procédé de « l’équivalence », selon Vinay et Darbelnet (1995) qui est entré en jeu pour pallier à cette carence. En ce qui concerne l’emploi de ces équivalents en persan, tout dépend des usagers de la langue, s’il n’y a pas de restrictions administratives ou culturelles pour les obliger à s’en servir.
Conclusion
Un tour d’horizon sur les emprunts français dans notre langue nous a révélé quelques points importants y compris leur nombre bien élevé, leur répartition dans divers domaines de notre vie privée, professionnelle et sociale ainsi que leur évolution dans le cadre de trois domaines envisagés dans cette recherche, à savoir sur le plan phonétique, sémantique et social.
Cette étude nous a permis de trouver des réponses à nos questions de départ. Sur le plan phonétique, un nombre considérable d’emprunts se prononcent à la persane, c’est le vocabulaire étranger dont l’usage est très répandu dans la société, mais un certain nombre reste tels quels avec plus ou moins la prononciation française lorsque l’appareil phonique persan le permet. Côté sémantique, nous avons remarqué les trois méthodes soulignées par Alyunina et ses collègues. (2020 : 183) : un groupe d’emprunts s’est adapté à notre langue/culture en subissant un changement de sens, léger ou fort. Le 2e groupe s’emploie comme emprunts en persan sans aucune mutation sémantique. Le dernier groupe a conservé son sens hyperonymique, en perdant son sens cohyponymique. Pour parler de l’emploi des emprunts par telle ou telle couche du peuple, sans aucune exagération, on peut dire que chaque couche sociale s’est réservé des emprunts, mais le nombre et la fréquence varient conformément aux conditions socio-économiques et culturelles des usagers. Dans la plupart des domaines, on peut repérer l’importation de la technologie en Iran ou bien l’influence des sciences comme la médecine qui remporte le palmarès des emprunts français en persan. L’influence de la culture française sur les Iraniens n’a pas manqué de les encourager à s’en servir en particulier les mots qui véhiculent les désignateurs culturels.
Quant aux équivalents de ces mots en persan, l’Académie de la Langue Persane s’évertue à les remplacer par les mots persans, en recourant parfois au néologisme, mais il faut attendre encore des années avant qu’ils soient utilisés par les locuteurs persanophones. Entretemps, la mondialisation et les progrès vertigineux dans tous les domaines sont en train d’enrichir toutes les langues vivantes de nouveaux mots y compris la nôtre.
Reste à savoir parmi la classification de Blank, quelles catégories ont été soulignées davantage dans cette étude : nous avons remarqué dans les jargons de tel et tel métiers « la spécialisation », « la généralisation » à chaque fois que le grand public se sert des emprunts renfermant soit des connotations culturelles, soit dans leur sens général pour s’approcher même de « l’étymologie folklorique ». Les cas pour « le transfert cohyponymique » (Blank, 1999 : 75-80) ne manquent pas lorsqu’ils ont conservé leur sens hyperonymique.
[1] Dictionnaire d’orthophonies. (2011). Isbergues. Ortho Édition.